Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
"Au bonheur d'Elise"
13 février 2009

article paru dans la Voix du Nord du 13 février 2009

Handicapés : l'exode vers la Belgique

   

vendredi 13.02.2009, 04:49 - PAR RAPHAËLLE REMANDE    

 Antoine, neuf ans, et Rémi, sept ans, font tous les jours presque deux heures de route pour être scolarisés en Belgique. Comme environ mille enfants de la région. PHOTO MAX ROSEREAU


Antoine, neuf ans, et Rémi, sept ans, font tous les jours presque deux heures de route pour être scolarisés en Belgique. Comme environ mille enfants de la région. PHOTO MAX ROSEREAU

   

Ils sont près de deux mille et plus de la moitié viennent du Nord - Pas-de-Calais. Des enfants souffrant de handicap qui, faute de place en France, sont accueillis en Belgique. Là, ils sont pris en charge par la Sécurité sociale française. Le phénomène s'amplifie et, dans la région, associations et parents se mobilisent pour endiguer ce qu'ils n'hésitent pas à appeler un « exil ».

Un mercredi midi comme d'habitude à Wavrin, au sud-ouest de Lille. Antoine, neuf ans, et Rémi, sept ans, vont bientôt rentrer de l'école. Leur maman a déjà dressé la table, préparé le ketchup et le gruyère râpé. Dans quelques minutes, elle va attraper les cartables avant de faire asseoir ses fistons. Une scène identique dans tous les foyers. Sauf qu'ici c'est en taxi que les enfants arrivent après les cours. « Voici Rémi, qui n'a jamais parlé. »

Tendrement, Caroline fait les présentations. « Et Antoine qui, lui, a eu un blocage à 18 mois. »

« Une punition »

Les deux garçons sont autistes. Leur chance : ils vont à l'école. Mais en taxi. Presque deux heures de route aller-retour chaque jour. Comme environ mille cent autres enfants handicapés de la région qui n'ont d'autre solution que la Belgique (1). Caroline Dumortier décrit sa galère : « Ils sont allés en hôpitaux de jour jusqu'à sept ans. Après, ils doivent normalement entrer en IME (institut médico-éducatif). Mais il n'y a pas assez de places. L'hôpital de jour de Lille m'a donné une liste. Il n'y avait que des noms d'établissements belges. »

En France, Caroline Dumortier aurait dû attendre deux ou trois ans. En Belgique, elle a trouvé des places en deux jours. Le transport de ses enfants en taxi, environ 2 000 E par mois, est remboursé par la Sécurité sociale, comme la scolarité. Chez beaucoup de familles, comme chez les Dumortier, trouver une place en Belgique a été un soulagement, mais aussi une source de colère : « Déjà qu'on n'a pas de bol. En plus, il faut envoyer ses enfants à l'étranger. Cela me révolte. C'est comme si la France se débarrassait de ses enfants handicapés. Avant, on en parlait moins.

Maintenant, les gens se regroupent. » Caroline Dumortier est vice-présidente de l'association « C'est mon école à moi aussi ». En juin 2007, l'association avait organisé une manifestation symbolique à la frontière : « Nous ne sommes pas contre les établissements belges. Mais contre le départ systématique des Français là-bas. » Céliane Beaucart, de Sains-en-Gohelle (à l'est de Lens), vient de rejoindre l'association. Elle aussi est tiraillée entre deux sentiments. « Je crois que sans la Belgique, je serais en dépression, lance carrément cette maman. Je me suis battue pour que ma fille, Charlotte, aille en France. C'était un combat perdu d'avance. L'État nous oublie complètement. Charlotte fait une heure et quart de trajet le matin et une heure et quart le soir. C'est cher payé pour avoir une vie comme un autre enfant. C'est une punition. Mais il n'y a pas d'autres solutions. » Certaines familles n'hésitent pas à déménager dans le Nord - Pas-de-Calais pour la proximité avec la Belgique. D'autres essaient de se rapprocher de la frontière. « Normalement, ce sont les enfants qui suivent les parents. Nous, c'est l'inverse », glisse amèrement Caroline Dumortier.

L'accueil des petits Français en Belgique a augmenté de 25 % entre 2007 et 2008. La faute à la pénurie de places en France qui concerne surtout le handicap lourd et l'autisme.

Méthodes d'avenir

Pascale Grard a créé l'association Pas-de-Calais Autisme en 1994 : « Aujourd'hui, j'ai l'impression que nous sommes toujours au même point. » Mais le manque de places n'explique pas tout. Les méthodes éducatives adoptées en Belgique semblent plus séduisantes. « Une fois qu'on a goûté à la Belgique, très peu reviennent !, affirme ainsi Caroline Dumortier. Eux s'adaptent à l'enfant. En France, c'est l'inverse. » « J'ai arrêté de travailler pour conduire mon enfant tous les jours en Belgique, explique une autre maman de Villeneuve-d'Ascq.

Mais quand on sent que ça va, on est très motivés. En Belgique, ils ont des méthodes d'avenir, très peu utilisées chez nous. » Reste que partir en Belgique est rarement un choix. Tous les parents rêvent pour leurs enfants, même handicapés, d'une école de proximité. En France.

1. - Ce chiffre concerne seulement les enfants pris en charge par la Sécurité sociale. Le comité consultatif national d'éthique évalue entre 3 500 et 5 000 le nombre d'enfants et adultes accueillis.


ZOOM

Valérie Létard en visite en Belgique aujourd'hui. - La secrétaire d'État à la Solidarité visite aujourd'hui un établissement belge qui accueille des enfants autistes français. Elle sera en compagnie du ministre wallon de la Santé, Didier Donfut. Ce midi, Valérie Létard rendra également public un rapport de Cécile Gallez, députée du Nord, sur les conditions d'hébergement des personnes âgées et des personnes handicapées françaises en Belgique. Cette mission lui avait été confiée en février 2008. En novembre 2007, le comité consultatif national d'éthiquetirait la sonnette d'alarme sur les conséquences d'un « non- choix qui aboutit à ce qu'un enfant accueilli en Belgique ait toutes les chances de ne plus revenir dans notre pays ». Cécile Gallez a ainsi dressé un état des lieux du nombre de personnes hébergées, de la nature de l'accueil et du type de pathologie le plus représenté.

Nous y reviendrons dans notre édition de demain.

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité
"Au bonheur d'Elise"
Visiteurs
Depuis la création 2 394 374
Newsletter
"Au bonheur d'Elise"
Archives
Publicité