Autisme en France : à bas la science !
par Laurent, Papa
16.02.09
La
France s’est souvent illustrée par sa capacité à laisser des
corporatismes maintenir des situations scandaleuses sous silence. C'est
le cas de l'autisme.
Voici
les derniers évènements de ce combat entre psychanalyse et méthodes
scientifiques, qui illustrent comment l'avenir de nos enfants est entre
les mains de ceux qui savent le mieux utiliser les média, pas de ceux
qui pourront le mieux les aider.
Commençons en février 2004. L’Inserm publie alors un rapport sur l’évaluation de l'efficacité de plusieurs approches psychothérapeutiques. Ce
rapport conclut à une supériorité des approches comportementales sur
l’approche psychanalytique. Cette conclusion ne plaît pas du tout aux
psychanalystes français, qui font pression sur le ministre de la santé
du moment (M. Douste-Blazy). Celui-ci déclare peu après, qu’ils
n’entendront plus parler de ce rapport, lequel est effectivement retiré
du site du gouvernement. Il avait pourtant été commandé par la
Direction Générale de la Santé.
En 2005,
le livre intitulé "Le livre noir de la psychanalyse" sort en France,
détaillant les mensonges de Freud et certains errements de l'histoire
de la psychanalyse. Il est l'objet de nombreux commentaires, plus que
passionnés, dans une presse divisée sur le sujet. Un peu plus tard, des
psychanalystes ripostent en écrivant un "Contre-livre noir..."
En
2005 toujours, un nouveau rapport de l’Inserm cible cette fois-ci les
troubles de conduite, expliquant qu’on peut déceler de futurs
comportements violents chez de jeunes enfants, et donc tenter de les
prévenir dès la maternelle. Une pétition ("pas de zéro de conduite")
lancée par des psychanalystes renommés, est diffusée et recueille près
de 200 000 signatures. Cette pétition associe le rapport de l'Inserm
sur le dépistage, à d'éventuelles lois répressives qui pourraient en
découler. Si on ne lit que le texte de la pétition, on ne peut qu'y
adhérer. Mais elle éclabousse également l'Inserm en passant, laquelle, sommée de s’expliquer, dénonce "amalgame" et "lobbies".
Pendant
ce temps-là, depuis 2004, M. Accoyer propose de réguler la profession
de psychothérapeute, en imposant au minimum l'apprentissage de
plusieurs écoles de pensée aux futurs praticiens. Cette réforme fait de
la place à d'autres disciplines que la reine psychanalyse, et a pour
objectif de réguler une profession où exercent beaucoup de charlatans.
Les psychanalystes sont contre ce qu’ils considèrent comme une mainmise
du pouvoir sur leur profession. Ce projet est repoussé d'année en année.
Quelques temps de calme suivent, puis récemment, le sujet ressurgit, avec comme toile de fond, l’autisme.
En 2008,
le film de Sandrine Bonnaire sort en salle, dénonçant la mise sous
médicaments de sa sœur, autiste, placée dans un centre, et la
régression qui s’en suit.
Il
y a 2 mois, lors d'une émission sur France2, l'acteur Francis Perrin
décrit sa bataille pour obtenir une prise en charge comportementale
pour son fils. Quelques jours plus tard, M6 invite un psychanalyste à
son émission sur l'autisme. Les reportages et les commentaires montrent deux points de vue opposés.
Et
hier, au sujet d’une découverte liée à l’utilisation d'IRM sur des
enfants autistes, Le Monde demande à un psychanalyste son avis sur la
question, celui-ci estimant "que ces derniers acquis sont pleinement
compatibles avec une approche psychanalytique".
Rien n’indique que tout ça va s’arrêter.
Nous
somme dimanche soir, je viens de coucher mon petit garçon. Il est
autiste. Ma femme et moi faisons tout pour l'aider depuis des années,
avec une méthode comportementale (ABA). Pas par dogmatisme, mais simplement
parce que chaque jour compte pour lui, et que nous ne pouvons pas
perdre son temps. Les résultats ont été au-delà de nos espérances. Il
va à l’école avec une aide, il sait lire, calculer, il progresse. Mais
une question nous hante : que se passera-t-il quand nous disparaîtrons ?
Chaque
fois que je vois un psychanalyste intervenir sur un sujet scientifique,
je vois en peu plus s’assombrir l’avenir de mon fils. Parce que,
derrière cette présence médiatique, se cache une bataille corporatiste
dont l’enjeu est tout simplement l’avenir de mon fils.
Je
pensais qu’une vérité flagrante, démontrée, rationnelle, ne pouvait pas
rester cachée indéfiniment, qu'elle finirait forcément par surgir.
J’avais tort. Parfois j’ai l’impression de me battre dans un monde
parallèle, un mauvais rêve. Même le fait que cette situation
corporatiste soit unique au monde ne suffit pas. Personne ne regarde
ailleurs pour comparer.
Mon petit garçon se trouve, malgré lui, au milieu d'une lutte où la raison a bien du mal à se faire entendre.
Mais, chut, il dort.
Un papa.
http://www.lemonde.fr/opinions/chronique/2009/02/17/autisme-en-france-a-bas-la-science_1156291_3232.html