CHU CHARLES-PERRENS. Des parents
d'enfants autistes Asperger sont associés à un service en pointe au CHU
de Bordeaux pour créer un projet d'insertion adapté, unique en France
Parents d'autistes : « On aperçoit le bout du tunnel »
- Le service du professeur Bouvard à Charles-Perrens traite l'autisme chez l'enfant. (photo fabien cottereau )
Asperger
: forme d'autisme classé de haut niveau. Nicole Duboy mère d'un petit
garçon étrange a cherché longtemps d'où venait son « handicap ». « Il
savait lire, parlait comme un livre, comprenait tout. Mais il ne
communiquait pas. Du tout. Dans une bulle. » Christophe Caillierez à
l'autre bout de la France vivait le même combat. Un petit Gabriel
intelligent comme tout et complètement désocialisé. Ces petits garçons,
nés dans les années 80, n'ont pu suivre une scolarité classique. Placés
en institut spécialisé, ils ont grandi entourés de handicapés,
régressant, nourrissant leur angoisse.
« Nous n'avons jamais
dormi une nuit complète. L'inquiétude d'abord, mais aussi les cris de
Gabriel qui déchiraient la nuit. Plusieurs fois, trois ou quatre fois.
Il était en proie à des angoisses terribles. Nous ne savions pas quoi
faire. »
Mauvaise orientation
Itinéraire douloureux,
chemin de croix, les parents tiennent l'enfant par la main et cherchent
un diagnostic, à mettre un mot sur cette bizarrerie. Ils sont à peine
sortis de l'enfance lorsque le professeur Manuel Bouvard diagnostique
pour les deux garçons le syndrome d'Asperger. Autisme de haut niveau.
«
Avant, il avait été déclaré psychotique, avait été placé en hôpital de
jour et y a perdu beaucoup de temps, regrette Christophe Caillierez Il
a souffert de cette mauvaise orientation, alors qu'il aurait pu
progresser. » Ils racontent les crises d'angoisse, les hurlements, les
emplois du temps de la famille complètement fracturés, le combat au
quotidien, les frères et soeurs déboussolés. Mais avant tout, ils
disent la souffrance de leur enfant : « Les autistes sont des machines
à fabriquer de l'angoisse. »
Le professeur Manuel Bouvard est
responsable du pôle universitaire de psychiatrie enfant-adolescent du
CHU de Bordeaux et responsable du Centre ressource autisme d'Aquitaine.
« La prise en charge de l'autisme se limite aux formes sévères. Il
existe des structures adaptées aux grands dépendants. Les autres ? Soit
ils sont placés en hôpital de jour, soit ils ne bénéficient d'aucune
prise en charge particulière.
Un avenir possible
«
Ces troubles autistes ne sont souvent pas identifiés, parce que ces
personnes ont des compétences. Avec les parents, grâce à leur ténacité,
nous avons monté un projet d'accompagnement, les familles sont actives
désormais, elles ne subissent plus. » C'est le premier projet du genre
en France, ou pas loin. Un modèle donc, qui servira de référence. En
Gironde, il existerait une centaine d'enfants, d'ados ou de jeunes
adultes atteints par le syndrome Asperger mais tous ne sont pas
repérés. Ils sont une quarantaine à Bordeaux, suivis au CHU au sein du
service du professeur Bouvard.
« Parents et professionnels
travaillent ensemble, ajoute le professeur Bouvard. C'est récent,
désormais ils sont respectés. Les stratégies d'accompagnement des
patients impliquent les parents, nous avons besoin de leur connaissance
de la maladie et de ses symptômes notamment. Une conférence a été
organisée, le 5 novembre à Bordeaux, qui a accueilli 300 personnes, des
professionnels de la santé mais aussi, beaucoup de familles de malades.
Le professeur Théo Peeters, spécialiste Belge de ce syndrome était
présent. » L'association de parents d'Asperger à Bordeaux est donc au
travail afin d'ouvrir un Service d'aide médico-social pour adulte
handicapé (SAMSAH) conçu pour les patients atteints du syndrome
d'Asperger.
Besoin d'interface
« Ce projet a été
présenté devant une commission du ministère de la Santé et a reçu un
avis favorable, se réjouit Nicole Duboy. Il est pilote. Il s'adresse
aux jeunes adultes entre 18 et 25 ans, devrait ouvrir en 2011. Sa
mission ? Favoriser l'insertion et l'accompagnement dans la vie sociale
et professionnelle. » Ce SAMSAH trouve sa place dans le fameux « plan
autisme » mis en place par le gouvernement. Réalisé en partenariat avec
Innovation, une association médico-sociale qui gère des établissements
pour handicapés, par le biais d'une convention.
Nicole Duboy et
Christophe Caillierrez n'en reviennent pas. Leur ténacité a porté ses
fruits. « Éviter les institutions pour nos enfants, leur permettre de
progresser selon leurs compétences. On respecte leur parcours de vie,
leur niveau intellectuel, leur affect. Pour nous, c'est un grand pas,
on aperçoit enfin le bout du tunnel. »
Dans l'immédiat le premier
SAMSAH comptera dix petites places, mais petit à petit, les parents
espèrent élargir l'offre. Provoquer l'ouverture de structures du même
type dans d'autres départements. La voie est ouverte.
Contact : asper33.free.fr Tél. 06 12 01 87 09.
Auteur : ISABELLE CASTÉRA
i.castera@sudouest.com