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"Au bonheur d'Elise"
4 mars 2010

article paru dans Libération du 23 septembre 2009

Préambule : Habituellement, je publie l'information brute. Mais, en cherchant sur le net des informations sur Monica Zilbovicius, j'ai trouvé une "pépite" qui illustre bien toute la difficulté de l'évolution actuelle qu'elle évoque pour l'accompagnement des personnes autistes.

Monsieur Golse dénonce "une époque qui n'est pas seulement antipsychanalytique, mais plus fondamentalement antipsychiatrique, voire antimédicale" ... partant de ce constat il n'explique en aucune manière l'origine de ces "anti" - théorie de la Mère frigidaire ou coupable (Bruno Bettelheim) etc. - il nous décrit comment à son sens les méthodes comportementalistes sont très surévaluées ...

Donc pas de repentance ni même de volonté affichée d'aide en direction des familles ... Mais plutôt un habile appel au ralliement. Derrière la psychanalyse ?

Mais nous parents savons pour certains les accusations dont nous avons fait l'objet, pour d'autres le désert que nous avons traversé ... Alors je pense qu'implication vaut mieux qu'exclusion et que si les apprentissages sont utiles pour tout le monde ils le sont davantage pour les personnes autistes ... et il est même acquis que le plus tôt est le mieux.

Monsieur Golse écrit que "l'autisme autistise" ... une nouvelle théorie psychanalytique ?  Je puis comprendre qu'il s'en inquiète pour lui-même. Pour ma part je suis totalement immunisé contre ce genre des discours.

                                                        (Jean-Jacques Dupuis)


Comme si l'autisme était contagieux 

Par BERNARD GOLSE Pédo-psychiatre et psychanalyste, hôpital Necker-Enfants malades

Nous vivons, décidément, une bien curieuse époque en matière d’autisme infantile, une époque qui n’est pas seulement antipsychanalytique, mais plus fondamentalement antipsychiatrique, voire antimédicale. Un certain nombre de parents d’enfants autistes considèrent en effet désormais que les troubles envahissants du développement sont d’ordre purement neurodéveloppemental, qu’ils répondent à un modèle causal linéaire et que, comme tels, ils n’appellent pas de mesure d’aide psychothérapeutique, mais seulement des approches éducatives, rééducatives et pédagogiques spécialisées.

En tant que responsable, à l’hôpital Necker-Enfants malades, de l’un des cinq centres d’évaluation et de diagnostic de l’autisme du Centre de ressources autisme Ile-de-France (Craif), à côté des services de pédopsychiatrie des hôpitaux Robert-Debré, la Pitié-Salpêtrière, Bicêtre et Sainte-Anne, je persiste à penser que l’origine des troubles envahissants du développement répond fondamentalement à un ensemble de causes multiples et variables selon chaque enfant, d’où la nécessité de recourir à une approche multidimensionnelle, une approche qui associe de manière adaptée à chaque cas, diverses mesures d’aide appartenant aux trois registres du soin, de l’éducation et de la pédagogie. Et ceci, sur le fond d’une intégration scolaire digne de ce nom, ce qui n’est pas encore le cas, tant s’en faut, en dépit de la loi de 2005.

Personnellement, je pense que certaines techniques éducatives spécialisées peuvent être les bienvenues, que certaines rééducations (orthophonique ou psychomotrice) sont, à un moment ou à un autre, toujours nécessaires, mais que les psychothérapies psychanalytiques ont encore une place importante à tenir, moins pour éclairer sur la cause intime de l’autisme, que pour nous aider à mieux comprendre le monde interne de ces enfants dont les souffrances sont immenses, et dont les progrès eux-mêmes ne vont pas sans faire surgir des angoisses qui doivent être continûment élaborées pour ne pas freiner l’évolution des enfants, et pour leur permettre de s’adapter à leurs nouveaux fonctionnements. Je plaide donc, encore une fois, pour une approche résolument multidimensionnelle de ces pathologies si douloureuses.

Au moment même où une vision intégrative commence à émerger, vision intégrative centrée, notamment, sur les troubles de la sensorialité des enfants autistes qui les empêcheraient d’accéder normalement à l’intersubjectivité (capacité de savoir que l’autre existe et capacité de savoir que soi et l’autre, cela fait deux), on voit certaines associations de parents attaquer et insulter gravement les pédopsychiatres, voire certains centres d’évaluation et de diagnostic de l’autisme qui, pourtant, travaillent tous en conformité absolue avec les recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) en matière de dépistage précoce et de diagnostic des troubles envahissants du développement, comme vient de le rappeler énergiquement le Craif.

L’une de ces associations (association Léa pour Samy) prône, de manière caricaturale, la méthode ABA (Analysis Behaviour Applied ou «analyse appliquée du comportement») comme la seule méthode utile et validée, ce qui appellerait de multiples commentaires, car cette méthode de conditionnement est ancienne (en dépit de son aura de modernité), et parce que ses supposées validations demeurent encore très contestables et contestées. Mon propos n’est pas de polémiquer avec cette association qui vient d’ailleurs d’être déboutée par la ministre Roselyne Bachelot dans sa demande de moratoire envers le Programme hospitalier de recherche clinique sur la technique du «packing» (une technique de soin) mis en place par le professeur Pierre Delion (chef de service de pédopsychiatrie au CHU de Lille), dans des conditions légales et rigoureuses. Mon propos est de dire que toute méthode qui se présente comme la seule méthode légitime, se trouve, à mon sens, ipso facto, disqualifiée, car si le tout thérapeutique a échoué, le tout pédagogique et le tout éducatif échoueront de même.

Les enfants autistes ont du mal à généraliser leurs apprentissages, du mal à anticiper, et du mal à faire une synthèse de leurs diverses perceptions sensorielles.

Or, tout se passe un petit peu, aujourd’hui, comme si l’autisme était «contagieux», comme s’il amenait les professionnels à fonctionner eux-mêmes de manière autistique et clivée, en s’arc-boutant sur une méthode unique au détriment d’une véritable approche multidimensionnelle et intégrative. L’autisme autistise… et il fait le jeu d’un consensus plus ou moins implicite entre les médias et le grand public, pour évacuer toute forme de complexité qui nous confronte inéluctablement à la souffrance, à la sexualité et à la mort. Or, le développement psychique n’est pas simple, les troubles du développement ne le sont pas davantage, et vouloir le faire croire est une pure escroquerie.

En février, avec le service de neuro-imagerie de l’hôpital Necker-Enfants malades (professeur Francis Brunelle), nous avons participé à une séance de l’Académie nationale de médecine consacrée à une approche intégrative de l’autisme infantile, avec la présentation de résultats concernant un dysfonctionnement du lobe temporal supérieur qui peut désormais être compris à la fois dans l’optique des neurosciences et dans celle de la psychopathologie psychanalytique. Ce serait donc vraiment dommage de se laisser happer par des divisions haineuses et conceptuellement coûteuses, car les enfants autistes ont mieux à faire que de nous voir les imiter dans des querelles et des divisions interprofessionnelles à valeur de clivage, à l’image de leur propre fonctionnement.

http://www.liberation.fr/societe/0101592687-quand-l-autisme-autistise

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