Sénat français - TRAVAUX DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES : Table ronde sur l’autisme
Présidence de M. Nicolas About, président - Mercredi 28 mai 2008
samedi 7 juin 2008, par Sénat français
La commission a organisé une table
ronde sur l’autisme à laquelle ont
participé M. Jean-Claude Ameisen, professeur
d’immunologie à l’université Paris 7 - CHU
Bichat, président du comité d’éthique en
recherche médicale et en santé de l’Inserm, membre du
comité consultatif national d’éthique
(CCNE) ; M. Charles Aussilloux, professeur de
psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent au CHU de
Montpellier, responsable du centre de ressources autisme du
Languedoc Roussillon et président du groupe de suivi
scientifique sur l’autisme ; le professeur Catherine
Barthélémy, chef du service de pédopsychiatrie du
CHU de Tours, Inserm U 930 ;
Mme Sophie Biette, présidente de
l’association pour la recherche sur l’autisme et la prévention
des inadaptations (Arapi) ; M. Didier
Charlanne, directeur de l’agence nationale de
l’évaluation et de la qualité des établissements et
services sociaux et médicosociaux (Anesm) ;
M. Régis Devoldère, président de
l’union nationale des associations de parents, de personnes
handicapées mentales et de leurs amis (Unapei) ; le
docteur Richard Delorme, membre du groupe
Génétique humaine et fonctions cognitives de l’Institut
Pasteur ; M. Michel Favre, président
de l’association Pro aid autisme ; M. Marcel
Hérault, président de la
fédération française Sésame
autisme ; M. Ludovic Lefebvre, psychologue
de l’enfant et de l’adolescent, spécialisé en analyse
appliquée du comportement (Applied Behavior analysis, ABA) auprès
de l’association Léa pour Samy ; Mme Mireille
Lemahieu, présidente de l’association Autisme
France ; M. Dominique Pasquet, directeur du
foyer d’accueil médicalisé « La ferme au
bois » de Genech, association Autisme
Nord ; M. Joseph Schovanec,
représentant de l’association Asperger aide ; le
docteur Monica Zilbovicius, responsable de
l’unité Neuroimagerie en psychiatrie de l’Inserm, et le
docteur Nathalie Boddaert, radiologue, maître de
conférence des universités et praticien hospitalier au service de
radiologie pédiatrique de l’hôpital Necker.
M. Nicolas About, président, a
souhaité que cette table ronde permette à la commission des
affaires sociales de mieux connaître l’autisme et de faire le point sur
les découvertes scientifiques récentes susceptibles d’expliquer
la survenance de ce syndrome ainsi que sur les modalités de prise en
charge des personnes qui en sont atteintes, en établissement ou dans le
système scolaire.
Dans un premier temps, il a invité les participants
à définir ce qu’est l’autisme, dans ses différentes
formes, et à exposer la manière dont il est diagnostiqué
aujourd’hui.
M. Joseph Schovanec,
représentant de l’association Asperger aide,
a remercié la présidente, Mme Elaine Taveau, de lui
avoir confié la mission de représenter cette association lors de
la table ronde. Lui-même atteint du syndrome d’Asperger qui constitue
l’une des formes de l’autisme, il a néanmoins réussi, au terme
d’une scolarité normale, à obtenir le diplôme de l’institut
d’études politiques de Paris et devrait prochainement soutenir une
thèse en philosophie allemande.
En réponse à M. Nicolas About,
président, qui souhaitait savoir comment se manifestent les
troubles autistiques, il a indiqué que ceux-ci entraînent des
problèmes de compréhension des codes sociaux,
d’appréhension des situations abstraites ou implicites et des
difficultés d’expression verbales et émotionnelles.
M. Nicolas About, président, a
souhaité savoir à quelles difficultés sont
confrontées les familles, lors de l’identification des premiers
troubles.
Mme Mireille Lemahieu,
présidente de l’association Autisme France, a
regretté que le diagnostic de l’autisme soit souvent très tardif
du fait du manque de formation des professionnels y compris des
médecins. Elle a souligné le rôle majeur que jouent les
associations dans l’accompagnement des familles, notamment pour assurer leur
information sur les caractéristiques de ce trouble. Enfin, elle a
déploré les retards considérables de la France dans le
domaine de la prise en charge des personnes qui en sont atteintes, ce qui prive
les familles d’un véritable choix adapté pour leur enfant.
M. Nicolas About, président, a
demandé quels étaient généralement les premiers
signes repérables.
Mme Mireille Lemahieu a indiqué
que certains signes sont visibles très tôt mais ils ne sont
souvent repérés, par les enseignants, que lors de l’entrée
à l’école maternelle. Certains parents, surtout s’ils ont
déjà d’autres enfants, identifient parfois des troubles du
développement chez leur enfant avant qu’il n’atteigne l’âge de
trois ans.
M. Charles Aussilloux,
professeur de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent et
président du Groupe de suivi scientifique sur l’autisme, a
rappelé que l’autisme n’est pas une maladie au sens médical du
terme mais qu’il s’agit plutôt de troubles du développement. On
considère qu’une personne en est atteinte quand elle présente
trois types de symptômes :
- des troubles dans les interactions sociales qui se
traduisent par une difficulté à acquérir et à
comprendre les codes sociaux ;
- des troubles de la communication verbale et non
verbale ;
- enfin, l’existence de comportements
stéréotypés et répétitifs ainsi qu’un
intérêt sélectif pour des domaines précis.
Ces troubles s’accompagnent généralement de
problèmes associés tels que des déficiences
intellectuelles (70 % des cas), des troubles épileptiques
(20 % à 30 % des cas), un déficit marqué de
l’attention et des troubles de l’anxiété. L’autisme
présente des situations variables selon l’intensité plus ou moins
forte des symptômes et la présence ou non de troubles
associés. Pour cette raison, on parle plutôt des autismes ou de
spectre autistique, allant des formes les plus modérées aux plus
graves.
Il en résulte la mise en oeuvre de stratégies
thérapeutiques variables selon les troubles identifiés et selon
leur évolution : sur cent personnes arrivées à
l’âge adulte, quinze mènent une vie normale, trente à
trente-cinq sont en mesure d’exercer une activité dans un lieu
protégé et peuvent vivre dans un logement autonome mais en
étant aidées, trente ont une activité non rentable et
nécessitent des aides ponctuelles, enfin vingt sont très
dépendantes. On constate également une évolution de la
prévalence qui, de un pour mille est passé aujourd’hui à
trois pour mille. Pour l’ensemble du spectre, y compris le syndrome d’Asperger,
la prévalence atteint cinq à six pour mille.
Ceci étant, des progrès significatifs ont
été réalisés dans le domaine de la neurophysiologie
et de l’imagerie cérébrale qui devraient permettre
d’améliorer de façon significative la connaissance de l’origine
des troubles et leur identification.
Le professeur Catherine Barthélémy,
chef du service de pédopsychiatrie du CHU de
Tours, Inserm U 930, a indiqué que
l’autisme est une pathologie précoce aux aspects cliniques variés
qui se manifeste tout au long de la vie. Un consensus est établi pour
dire qu’il s’agit d’un trouble neurocomportemental qui atteint la
capacité des personnes à dialoguer avec leur entourage. Cette
incapacité d’interaction proviendrait d’anomalies de fonctionnement de
certaines zones du cerveau dont la vocation est de recevoir les messages
émotionnels. Les progrès réalisés dans le domaine
de la neurobiologie, de la génétique et de la neurophysiologie
permettent aujourd’hui de mieux les identifier et de poser un diagnostic plus
précoce. La rééducation sera dès lors plus efficace
puisqu’elle intervient dès l’enfance, alors que le cerveau est encore
malléable : elle peut permettre en effet de récupérer
certaines fonctions et notamment le langage verbal et non verbal.
M. Nicolas About, président, a
demandé quelles sont les dernières découvertes
scientifiques dans le domaine de la génétique.
Le docteur Richard Delorme, membre du groupe
Génétique humaine et fonctions cognitives de l’Institut
Pasteur, a confirmé les progrès réalisés
dans la recherche de l’origine génétique de l’autisme. Dans
30 % à 40 % des cas, il est en effet possible de
détecter des anomalies génétiques même s’il s’agit
de phénotypes très variés.
Les recherches ont mis en évidence l’implication de
plusieurs gènes, parmi lesquels « Shank 3 »
situé sur le vingt-deuxième chromosome, la neuroligine et la
neurexine. Il en résulte une perturbation des voies synaptiques
régulant certains neurones du réseau glutamatergique et affectant
des zones particulières du cerveau.
Enfin, il a indiqué que les recherches dans ce domaine
offrent un champ fécond, les gènes impliqués dans la
maladie pouvant être extrêmement nombreux.
Puis, le docteur Nathalie Boddaert,
radiologue, maître de conférence des universités et
praticien hospitalier au service de radiologie pédiatrique de
l’hôpital Necker, a présenté les différents
examens permettant d’identifier les dysfonctionnements neurologiques
liés à l’autisme : l’imagerie clinique anatomique (ou
imagerie à résonance magnétique [IRM]), qui permet la
recherche d’anomalies visibles ; la spectroscopie, qui permet d’identifier
les anomalies métaboliques ; et l’imagerie d’activation ou
fonctionnelle au repos, dont la vocation est de faire apparaître
l’inactivation de certaines fonctions cérébrales.
Le docteur Monica Zilbovicius, responsable de
l’unité Neuroimagerie en psychiatrie de l’Inserm, a
souligné l’intérêt de l’imagerie pour détecter les
dysfonctionnements du cerveau. Elle a notamment évoqué la
découverte récente des zones cérébrales
d’interaction sociale que l’on a pu identifier lors de contacts visuels avec de
jeunes enfants présentant une immobilité du regard. Chez les
enfants autistes, cette zone du cerveau est généralement
inactivée, ce qui ne leur permet pas de réagir à une
stimulation visuelle extérieure.
Il est utile de rapprocher les découvertes
médicales réalisées dans le domaine de la
génétique, de l’imagerie et de l’examen clinique pour progresser
dans la connaissance des troubles autistiques.
M. Nicolas About, président, a
souhaité savoir si l’examen génétique permettrait
d’identifier plus précocement le risque d’autisme, le cas
échéant avant la naissance.
Le docteur Richard Delorme a
précisé que la génétique peut permettre en effet
d’informer les familles de la probabilité d’apparition de troubles, mais
dans les seuls cas de translocation. Il a souligné qu’il n’a pas encore
été démontré de lien entre les anomalies
génétiques détectées et le déterminisme de
la maladie.
Après avoir rappelé que l’association qu’elle
préside représente à parité des parents d’enfants
autistes et des professionnels, Mme Sophie Biette,
présidente de l’Arapi, a souligné la
nécessité de développer l’aptitude des parents à
détecter les premiers signes du syndrome autistique. Ils sont
généralement seuls en mesure de les repérer et d’alerter
les médecins grâce au contact quotidien qu’ils ont avec l’enfant.
En l’absence de marqueur clinique, il est essentiel que les médecins
soient davantage à l’écoute des parents.
M. Michel Favre, président de
l’association Pro aid austime, a comparé la situation de
l’individu autiste à celle d’un étranger qui se rendrait dans un
pays dont il ne comprendrait ni la langue ni les usages et codes sociaux.
L’entrée en communication avec l’enfant suppose donc une meilleure
connaissance de son univers et une attention toute particulière aux
éléments qui conduiront au diagnostic de la maladie. Il a
plaidé en faveur d’une mobilisation plus active des méthodes et
outils utilisés à l’étranger afin de progresser dans le
diagnostic et dans la prise en charge.
S’adressant à M. Josef Schovanec,
Mme Brigitte Bout a souhaité savoir quels
éléments avaient contribué à la réussite de
son parcours et permis son maintien dans le système scolaire normal.
M. Josef Schovanec est convenu de la
difficulté pour les parents d’obtenir l’intégration et le
maintien de leur enfant autiste dans le système scolaire ordinaire.
Cette difficulté provient souvent de la méconnaissance du
syndrome autistique et de sa mauvaise interprétation par l’équipe
pédagogique qui peut conduire à culpabiliser les parents. Il a
expliqué que, paradoxalement, le diagnostic tardif de son état
ainsi que ses bons résultats scolaires lui ont permis de se maintenir
dans le système classique. Il a également
bénéficié du fait que ses troubles du langage, tout comme
ses troubles alimentaires, ont été faussement
interprétés comme résultant de l’origine
étrangère de ses parents. Il a regretté l’information
très insuffisante des professionnels. Enfin, il a souligné
l’aptitude de nombreux enfants autistes à développer des
capacités intellectuelles et à acquérir des connaissances.
Le professeur Jean-Claude Ameisen,
professeur d’immunologie, président du comité
d’éthique en recherche médicale et en santé de
l’Inserm, a rappelé que le comité consultatif national
d’éthique (CCNE), dans son avis de décembre 2007, a dressé
un constat dramatique de la situation de l’autisme en France :
300 000 à 600 000 personnes seraient concernées, dont
150 000 atteintes d’une forme sévère. Sur l’ensemble des
naissances, 5 000 à 8 000 cas sont identifiés chaque
année dont 2 500 formes graves alors que le nombre de places en
établissement spécialisé se limite à quatre mille.
Face à cette situation alarmante, les mesures prises dans le cadre du
plan autisme pour la période 2008-2010 répondent en partie aux
besoins mais l’éducation nationale n’y a pas participé. Il a
souligné, en outre, les difficultés d’accès au
système scolaire qui ont conduit la France à être
condamnée par le Conseil de l’Europe, en 2004. Il a fait observer que si
le nombre d’inscriptions à l’école a augmenté, en
application de la loi du 11 février 2005, la scolarisation
effective de ces enfants demeure le plus souvent théorique.
M. Nicolas About, président,
convenant des progrès à faire dans ce domaine, a
évoqué une décision de justice récente qui a
contraint l’éducation nationale à réintégrer un
enfant autiste dans le système ordinaire.
A cet égard, le professeur Jean-Claude
Ameisen a fait valoir que la scolarisation des enfants autistes
suppose une formation spécifique des enseignants et des auxiliaires de
vie scolaire (AVS). Il a mentionné le cas exemplaire de la Belgique,
où le ministère de l’éducation a un rôle pivot, qui
a su valoriser la participation des enseignants à la
rééducation des enfants et celui de l’Italie qui a choisi de
diviser par deux les effectifs des classes qui accueillent les enfants
autistes. En Suède, tous les enfants autistes sont scolarisés. Il
a évoqué le caractère encore plus dramatique du devenir
des adultes.
Puis il a déploré l’impossibilité pour
les familles de choisir les modalités de prise en charge adaptée
à la pathologie spécifique de leur enfant, du fait de
l’insuffisance des structures d’accueil et des réticences de la France
à mettre en oeuvre les méthodes nouvelles de
rééducation utilisées dans les autres pays. Il a
appelé de ses voeux une évolution des mentalités sur ce
sujet, citant notamment le programme suédois « Included in
society » qui organise l’intégration des autistes dans la vie
sociale en leur accordant parallèlement l’aide la plus appropriée
à leur situation.
Mme Bernadette Dupont a regretté
que, outre le manque de places, la formation des enseignants et des
professionnels intervenant dans les établissements ou à
l’école ait peu évolué. Or, l’ignorance des
éducateurs spécialisés peut conduire à une forme de
maltraitance. Elle a plaidé en faveur d’un meilleur accueil des
méthodes nouvelles en provenance des pays anglo-saxons et d’une plus
grande souplesse des conseils généraux lors de la création
d’un nouvel établissement spécialisé afin de le qualifier
en établissement médicosocial.
M. Régis Devoldère,
président de l’Unapei, a mis en évidence le
problème particulier des adultes qui n’ont jamais été
diagnostiqués et qui sont accueillis dans des établissements sans
avoir bénéficié d’un accompagnement spécifique. Il
est convenu de la nécessité d’améliorer la formation des
équipes assurant la prise en charge des personnes atteintes de troubles
autistiques, qu’il s’agisse des médecins ou des éducateurs
spécialisés. Il a insisté sur l’importance d’associer les
parents et la famille.
M. Marcel Hérault, président de la
fédération française Sésame autisme, a
fait valoir que l’amélioration des connaissances médicales
relatives à l’autisme devrait forcément conduire à des
progrès dans la prise en charge et dans l’orientation des personnes
concernées vers des établissements adaptés à leur
situation. Il a insisté sur l’importance d’inscrire la création
des établissements dans le domaine sanitaire et médicosocial.
En ce qui concerne les enfants, une formule mixte qui combine
scolarisation et accueil dans un institut médico-éducatif (IME)
est, à son sens, la meilleure solution. Il s’agit de privilégier
un placement dans un établissement proche de la famille et de laisser
aux parents le choix de la méthode.
Enfin, il a appelé de ses voeux un suivi des
préconisations formulées dans le rapport que le Sénat a
consacré, voici quelques années, à la maltraitance des
personnes handicapées. Des améliorations seront possibles dans ce
domaine grâce à la création de structures de petite taille
comme dans les pays du Nord qui ont choisi d’interdire l’accueil des enfants
autistes dans de grandes institutions. Cela suppose une plus grande souplesse
des règles qui régissent la création des
établissements et l’octroi des agréments.
Le professeur Charles Aussilloux a
souhaité relativiser la critique adressée à la psychiatrie
concernant le traitement de l’autisme. Il a rappelé que les psychiatres
ont longtemps eu la pleine responsabilité des personnes atteintes de
syndromes autistiques et qu’ils ont contribué largement à
l’identification des symptômes cliniques. Leur rôle demeure central
au moment du diagnostic ; en revanche, la psychologie comportementale a
pris désormais une place prépondérante dans les protocoles
thérapeutiques. A cet égard, le film de Sandrine Bonnaire
illustre parfaitement la complémentarité entre les acteurs, la
psychiatrie ne devant pas intervenir par défaut de structures
adaptées.
Mme Gélita Hoarau a
souhaité que l’approche comparative des dispositifs mis en oeuvre dans
les pays étrangers permette de mesurer le retard de la France dans ce
domaine. Elle a en outre déploré que de nombreux freins
juridiques et financiers brident les initiatives locales de création
d’établissements.
Mme Annie David a mis en évidence
les problèmes particuliers que rencontrent les adultes pour lesquels le
diagnostic a été tardif et qui ont été mal
orientés. Elle s’est également inquiétée de leur
sort après le décès des parents.
M. Paul Blanc s’est voulu confiant sur
la question du suivi de la loi « handicap » du
11 février 2005, rappelant qu’un comité spécifique a
été mis en place par le ministre en charge de la
solidarité. Il est également convenu de la
nécessité d’être extrêmement vigilant sur la
persistance des phénomènes de maltraitance dans les
établissements accueillant des personnes âgées ou
handicapées. Il a souligné à cet égard le
rôle essentiel des associations pour la formation des professionnels et
des familles.
M. Alain Vasselle a souscrit aux propos
précédemment tenus sur l’importance de la formation des
professionnels et des familles et s’est inquiété de la
maltraitance qui résulte souvent d’une mauvaise connaissance du handicap
mental.
S’adressant aux associations, il a souhaité obtenir des
précisions concernant les éléments de blocage
réglementaires, législatifs ou financiers qui empêchent
certains projets de création d’établissements de voir le jour.
M. Dominique Pasquet, directeur du foyer
d’accueil médicalisé « La ferme aux bois »,
association Austime Nord, a souligné l’inadéquation des
structures d’accueil pour les personnes adultes atteintes de troubles
autistiques. Il s’est dit favorable à la construction de structures de
petite taille, proches des familles et respectueuses de l’intimité de
chaque personne accueillie. Il a réaffirmé l’importance de
l’accompagnement sanitaire et médicosocial et d’une éducation
structurée mobilisant les nouvelles méthodes auxquelles les
éducateurs spécialisés devront être formés.
Concernant la maltraitance, il a fait valoir l’importance de
la mise en place de dispositifs de prévention intégrés
à la gestion des personnels et de l’établissement ainsi que la
prise en compte des spécificités et valeurs de chaque famille.
Enfin, il a rappelé le rôle essentiel du conseil
de vie sociale qui permet aux personnes accueillies de participer à la
vie de l’établissement et d’évaluer la qualité de
l’accompagnement et des conditions d’hébergement.
Le professeur Catherine
Barthélémy a mis en évidence le bien-fondé
d’une continuité dans la prise en charge des personnes, expliquant que
le changement de l’équipe référente, lors de
l’entrée dans l’âge adulte, a souvent pour conséquence des
pertes de repères et des régressions. Cela n’exclut pas,
néanmoins, une évaluation permanente des besoins des personnes au
cours de leur existence pour adapter la prise en charge. Enfin, elle s’est
prononcée en faveur d’une meilleure coordination des accompagnements
médical et éducatif, se disant même favorable au
développement de compétences polyvalentes facilitant la
complémentarité des approches.
M. Didier Charlanne, directeur de
l’agence nationale de l’évaluation et de la qualité des
établissements et services sociaux et médicosociaux
(Anesm), a rappelé que l’Anesm a
été créée en 2007 pour établir des
recommandations de bonnes pratiques et coordonner les organismes en charge de
l’évaluation des établissements. L’agence a déjà
émis deux recommandations, l’une relative à l’évaluation
interne des établissements, l’autre relative à la participation
des usagers à l’animation des structures d’accueil. Plusieurs
études sont en cours concernant notamment la bientraitance, les
problématiques liées à l’ouverture des
établissements et la définition des compétences requises
par type d’emploi.
S’agissant de l’autisme, il a souligné l’importance de
faire un bilan des connaissances acquises sur cette pathologie et de les
diffuser largement auprès des personnels concernés et des
familles pour éclairer leur choix de prise en charge. Il a estimé
nécessaire de diversifier les types de structures créées
et de ne pas freiner les initiatives locales ou associatives. Enfin, il s’est
dit convaincu de la nécessité de définir des principes
déontologiques et éthiques pour encadrer les pratiques sans
restreindre le champ des outils mobilisables et favoriser la prise en charge
individualisée des patients.
Le professeur Jean-Claude Ameisen a
estimé que les institutions actuelles sont facteurs d’exclusion et
d’isolement pour les personnes accueillies et s’est dit favorable au
développement de petites structures à proximité des
familles, réunissant au plus trois à quatre personnes. Il a fait
valoir que cette solution, expérimentée depuis plusieurs
années en Suède, est à la fois moins coûteuse et
plus adaptée aux personnes autistes ou atteintes de la maladie
d’Alzheimer. Enfin, il a plaidé en faveur d’un assouplissement des
règles régissant les agréments et ouvertures
d’établissements.
M. Didier Charlanne a indiqué que
la recommandation en cours d’élaboration sur l’ouverture des
établissements va précisément dans ce sens.
M. Nicolas About, président, a
demandé à Ludovic Lefebvre, psychologue auprès de
l’association Léa pour Samy, de présenter les nouvelles
méthodes éducatives mises en oeuvre actuellement dans quelques
établissements en France.
M. Ludovic Lefebvre, psychologue
spécialisé en analyse appliquée du comportement,
a en premier lieu rappelé que, grâce au diagnostic précoce,
il est désormais possible de faire progresser les enfants en utilisant
de nouvelles méthodes de rééducation. Cela suppose au
préalable une évaluation complète des compétences
de la personne afin de définir un programme éducatif
individualisé, tenant compte de ses forces et de ses faiblesses. Les
apprentissages concernent en premier lieu le développement des
interactions sociales, de la communication et de l’autonomie. Les techniques
mises en oeuvre relèvent de la psychologie comportementale sous sa forme
appliquée. Leur efficacité a été
éprouvée et a fait l’objet de nombreuses publications
internationales.
La méthode d’analyse appliquée du comportement,
dite méthode ABA (Applied Behavior analysis), suppose un travail avec la
personne concernée mais aussi avec les parents qui participeront
également à la transmission des savoirs. Il a souligné
l’urgente nécessité de former les psychologues, les enseignants
et les AVS à cette nouvelle approche dont les techniques rigoureuses
peuvent donner de bons résultats. Toutefois, selon les troubles
identifiés, d’autres outils d’apprentissage, en dehors du champ de la
psychologie comportementale, peuvent être utilisées soulignant
ainsi l’intérêt d’une approche individualisée et
multidisciplinaire.
Il a enfin regretté de ne pas être
autorisé à mettre en oeuvre ces nouvelles méthodes au sein
d’un établissement public qui serait financièrement plus
accessible pour les familles.
M. Paul Blanc a souhaité savoir
quels organismes sont aujourd’hui en mesure de former les professionnels
à ces nouvelles méthodes.
M. Régis Devoldère a
regretté que le plan autisme se soit limité à
préconiser une évaluation de ces nouvelles méthodes alors
qu’elles sont utilisées dans de nombreux pays et que leur
efficacité a déjà été avérée.
Il a en outre estimé négligeable l’enveloppe de 5 millions
d’euros dédiée à la recherche médicale.
Le docteur Monica Zilbovicius, valorisant les
démarches d’évaluation conduisant aux bonnes pratiques, a
souhaité que les anciennes méthodes thérapeutiques, tel le
packing qui consiste à envelopper d’un drap glacé les enfants ou
adultes qui traversent une crise aiguë, soient remises en cause.
Dénonçant l’usage de ces méthodes souvent choquantes, elle
a souligné l’importance du consentement des familles ou des personnes
concernées. Si des avancées significatives ont été
accomplies en matière de recherche médicale dans le domaine de
l’autisme, on ne peut que dénoncer l’insuffisance manifeste de
structures d’accueil adaptées en France.
Voir en ligne : COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES