article publié par France Soir le 1er octobre 2011
Autisme, une scandaleuse addition pour les parents
Pour prendre en charge leurs enfants, ils rencontrent parfois des organismes peu scrupuleux. Tarifs prohibitifs, formations farfelues… Ils dénoncent un véritable « marché » de l’autisme.
C’est un cri d’alarme, teinté d’indignation. Déjà confrontés à une carence en structures spécialisées, les parents d’enfants autistes dénoncent le manque récurrent d’auxiliaires de vie scolaire (AVS), indispensables pour intégrer leurs enfants à l’école. Fin septembre, 5.000 élèves handicapés ayant droit à un accompagnement n’avaient toujours pas obtenu d’AVS. Démunis, ces parents n’ont souvent d’autre choix que de les prendre en charge eux-mêmes ou de se tourner vers des associations agréées par l’Education nationale pour recruter des AVS. Or, depuis quelques années, un véritable business fleurit sur leur détresse.
Dans une pétition, Olivia Cattan, présidente de Paroles de femmes et mère de Ruben, garçon de 5 ans atteint de troubles envahissants du développement, fustige ce « marché » qu’est devenu l’autisme pour certains, un « bric-à-brac d’arnaques ». Sur Internet, une maman grince : « A partir d’un certain niveau de prix, on n’est plus dans la thérapie mais dans le commerce ! » Car certaines de ces associations privées facturent des « packages » – comprenant bilan, recrutement d’un AVS, et supervision par un psychologue – à des tarifs exorbitants. « Le seul diagnostic de mon fils nous a coûté 450 € pour un quart d’heure d’entretien », témoigne Olivia Cattan. Outre le salaire de l’auxiliaire de vie – environ 20 € de l’heure –, sa supervision coûte près de 2.500 € par an.
Une "usine à fric"Certains cabinets, compétents, poussent à la consommation : « La psy en chef semble surtout intéressée par l’argent. Les échanges se résument à des pressions pour faire signer des devis élevés, imposer un nombre d’heures important », confie une maman. Caroline, mère d’un garçon autiste en région parisienne, a elle aussi eu affaire à ce type d’« usine à fric ». Au premier rendez-vous, « la directrice m’a demandé 50 €, sans un regard pour mon fils. Puis elle a envoyé une intervenante chez moi, à qui j’ai dû tout apprendre sur l’autisme ». Bilan : deux factures de 150 € et 450 €. Usés, les parents s’exécutent. « Vous payez, car vous ne voulez plus les voir », souffle Caroline.
Pour une prise en charge à domicile, l’addition s’envole : d’après un devis, pour un enfant autiste de 13 ans non inscrit en institution, il en coûte 4.671 € par mois, pour des heures de socialisation, de psychomotricité, une institutrice, un psychologue et un coach sportif… « Même si les prestations sont bonnes, qui peut débourser une telle somme ? Ce retour des classes sociales est insupportable. Pourquoi ces structures n’adapteraient-elles pas leurs tarifs aux revenus ? », s’interroge Olivia Cattan. D’autant, ajoute-t-elle, que les aides sociales ne couvrent qu’une « infime partie » des dépenses. Et que beaucoup de mères se retrouvent seules pour assumer ces coûts.
Des formations hors de prixDe nombreux parents préfèrent « bricoler » et assumer seuls l’éducation de leurs enfants. Comme beaucoup d’autres, Abla a d’abord pris un mi-temps avant de renoncer à son emploi d’enseignante pour s’occuper de son fils. Avec son mari et leur fille, ils subsistent avec le RSA, 1.500 € par mois. « J’ai pris un psychologue libéral à 45 € de l’heure. Alors qu’il faudrait dix heures par semaine, on arrive à peine à en payer quatre. Autant dire rien ! » Mais d’autres font en plus appel à une batterie d’intervenants – psy, ostéopathe, kiné, éducateur… – facturant entre 30 et 100 € la séance… voire plus.
D’autres encore se forment eux-mêmes aux méthodes comportementalistes, peu développées en France mais reconnues à l’étranger. Là encore, Olivia Cattan dénonce « des personnes se disant représentant de techniques comme ABA, TEACH ou Feuerstein, qui offrent des formations hors de prix. Parfois à 1.500 € la journée, alors qu’ils ne sont même pas diplômés ! ». Caroline, elle, « s’est fait beaucoup arnaquer au début », faute d’information. Elle essayé le « floor time », méthode de stimulation par le jeu à 95 € la séance ; un programme de suivi plus que léger, à 10.000 €, avec une formatrice venue d’Italie ; une pseudo-spécialiste du « neurofeedback » qui réclamait 100 € pour faire visionner un DVD. Des sessions avec un chien à 80 € la demi-heure… Face au manque de contrôle public, les parents s’en remettent au bouche-à-oreille.
Malgré tout, ils rechignent à dénoncer ces abus au grand jour. « Le pire serait que ces associations disparaissent. Car même si certaines sont victimes de dérives, elles remplissent un rôle que l’Etat n’assume pas », justifie une mère. En 2004, la France avait déjà été condamnée par le Conseil de l’Europe pour « maltraitance » à l’égard de ces enfants. Olivia Cattan en appelle au président de la République : « Il faut casser le système, rendre l’école accessible. Ce n’est pas normal que des parents s’expatrient en Suisse ou au Canada pour bénéficier de techniques sur lesquelles la France a quarante ans de retard ! » Son combat : former les AVS à l’autisme, ouvrir des centres d’accueil, développer les techniques comportementalistes, afin de mettre en place une prise en charge globale. Sa pétition n’est qu’un premier pas, assure-t-elle, décidée à inviter ce sujet à la présidentielle.