article publié dans Marianne2.fr le 8 novembre 2011
Aider tous les enfants en souffrance, une véritable priorité
Cependant, il faut aussi éviter un autre écueil : la condamnation excessive, voire la diabolisation, de toute forme de repérage ou de dépistage scientifiques. Afin que les enfants ne soient pas encore les grands perdants de querelles entre professionnels, il importe en effet de ne pas méconnaître certaines situations de souffrance qui pourraient bénéficier d’une prise en charge adaptée.
Ne peut-on examiner sereinement le problème posé ? Et disséquer ces « troubles du comportement » qui font l’objet d’un tel intérêt de la part des pouvoirs publics ? Au-delà des problèmes sociétaux et pédagogiques qu’ils posent, il faut s’interroger sur leur signification chez le jeune enfant. A un âge où ses capacités d’abstraction et de verbalisation ne lui permettent pas d’alerter facilement son entourage, la manière d’être est le langage qu’il utilise pour signaler une souffrance. Les troubles du comportement, très banals et fréquents, sont aussi extraordinairement peu spécifiques et peuvent recouvrir des réalités pour le moins hétérogènes. Sous un même trouble peuvent se dissimuler un déficit sensoriel (l’enfant s’agite et devient agressif car il ne comprend pas et ne peut « suivre » du fait d’un problème visuel ou auditif), une maladie mentale sévère et non diagnostiquée (l’autisme par exemple), une maltraitance, un manque de sommeil du fait de conditions de logement difficiles… et cette liste n’est bien sûr pas exhaustive. Y figurent notamment les troubles des apprentissages, suffisamment angoissants pour entraîner des troubles du comportement, lesquels peuvent aussi être générateurs de difficultés d’apprentissages.
mesures nouvelles et ambitieuses
Les enseignants savent, au quotidien, observer et repérer leurs élèves en difficulté mais ils sont légitimement mécontents qu’on leur demande d’effectuer une nouvelle tâche pour laquelle ils n’ont pas reçu la formation adéquate et qui va empiéter sur leur temps d’enseignement. Ils devraient en fait pouvoir se reposer sur des équipes de médecins et de psychologues scolaires, astreints au secret professionnel, et suffisamment étoffées pour pratiquer des dépistages approfondis et assurer une orientation et une prise en charge adaptée en aval. Une telle collaboration entre équipes pédagogiques et équipes de santé scolaire serait garante que les discussions sur les cas individuels se fassent dans le respect des règles élémentaires d’éthique et de confidentialité et impliquent les parents.
Le projet présenté par le ministère est d’autant moins acceptable que le même gouvernement réduit, depuis plusieurs années, les moyens alloués à l’accompagnement des élèves en difficulté, et que les services de santé dédiés à l’enfant, notamment la médecine scolaire, connaissent eux aussi une dégradation constante.
Souhaitons, que ce nouveau débat soit l’occasion d’une prise de conscience que des mesures nouvelles et ambitieuses doivent être prises pour permettre à l’école de rester un lieu d’éducation, d’épanouissement et d’accompagnement dans la socialisation et pour remettre l’enfant à la place qui est la sienne : celle de l’avenir de notre société.
Anne Tursz est pédiatre, épidémiologiste et directeur de recherche
Jean-Marie Le Guen est député socialiste de Paris
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