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"Au bonheur d'Elise"
11 janvier 2012

article publié dans libération le 27 avril 2010

Autisme, et si l’Etat se mêlait de ses affaires?

Par BERNARD GOLSE Pédopsychiatre-psychanalyste, chef du service de pédopsychiatrie de l'hôpital Necker-Enfants-Malades

 
 La journée mondiale de sensibilisation à l’autisme, le 2 avril, aura été l’occasion de prendre la mesure d’un revirement spectaculaire : en matière d’autisme infantile, le fanatisme a décidément changé de camp. On sait à quel point les théories de Bruno Bettelheim, souvent caricaturées, ont pu culpabiliser les parents, qui se sont sentis accusés par elles d’être à l’origine de l’autisme de leur enfant. On ne peut, hélas, revenir en arrière, fût-ce pour dénouer certains malentendus. Quoi qu’il en soit, aucun psychanalyste raisonnable ne pense plus, aujourd’hui, que cette pathologie si grave et si douloureuse puisse s’expliquer uniquement par des causes relationnelles. Chacun sait désormais que le développement de l’enfant, comme ses troubles, se jouent à l’entrecroisement de facteurs internes (notamment génétiques) et externes (dont la rencontre avec le travail psychique d’autrui), d’où la notion de modèle polyfactoriel, qui apparaît alors clairement comme le plus plausible et qui, comme tel, impose une prise en charge multidimensionnelle.

C’est dans cette perspective que se développent désormais de passionnantes réflexions à l’interface des neurosciences et de la psychanalyse (avec l’émergence du concept récent de «neuro-psychanalyse»). Dès lors, si certains psychanalystes ont pu, il y a quelques décennies, se montrer fanatiques d’une causalité purement psychogène de l’autisme infantile, ce sont aujourd’hui les partisans d’une causalité purement organique qui reprennent le flambeau du fanatisme, au nom d’une pseudo-scientificité faisant figure, en réalité, de véritable scientisme. L’affaire pourrait n’être qu’un débat entre spécialistes, si l’Etat ne s’en mêlait pas imprudemment.

Après avoir imposé un changement de terminologie dans les années 90, l’autisme sortant alors du champ de la maladie mentale pour être intégré à celui du handicap, l’Etat prétend aujourd’hui choisir le type de prise en charge qu’il importe de développer (la méthode comportementale Applied Behavior Analysis, ou ABA, en particulier). Imagine-t-on ce qui se passerait si l’Etat venait dire aux cardiologues que l’infarctus du myocarde doit changer d’appellation, et quels traitements doivent être prescrits aux patients ? L’autisme est devenu un trouble dit neuro-développemental, conçu comme de nature purement endogène, et il a été rangé sous la rubrique des «troubles envahissants du développement» (TED), dénomination dont les parents raffolent. Celle-ci correspond pourtant à une régression de la pensée nosologique, les troubles du spectre autistique (TSA) regroupant, en vrac, les pathologies autistiques au sens strict, les TED atypiques et les TED dits non spécifiés, rubrique imprécise et foncièrement non scientifique. Ainsi, la fréquence de l’autisme, qui était d’un cas pour 5 000 à 10 000 naissances, se voit aujourd’hui diluée dans celle des TSA, estimés à un cas sur 150 dans la population générale ! Bien entendu, il n’y a pas eu d’épidémie autistique, seulement un lobbying effréné pour faire prévaloir le concept flou de TSA, troubles auxquels la méthode ABA (pas plus validée que toute autre) serait susceptible de s’appliquer sans distinction aucune. On voit bien le marché juteux qui se profile ici…

Le gouvernement serait fort avisé de continuer à veiller seulement à la qualité de nos contenants d’action (équipements suffisants dans les différents domaines de la prise en charge) et de ne pas prétendre nous dicter des contenus d’action dont l’appréciation qualitative n’est en rien de son ressort. Il y va, me semble-t-il, du respect des enfants et de la liberté des familles. Que l’Etat fasse, notamment, en sorte que la loi de 2005 sur l’intégration scolaire des enfants autistes puisse enfin être appliquée, grâce à une formation adéquate des enseignants et des auxiliaires de vie scolaire, car les citoyens - autistes ou non - ont «droit au droit», selon la belle formule de Jean-Claude Ameisen. Le tout thérapeutique a échoué, le tout éducatif échouera de même. Que nos gouvernants prennent donc garde de ne pas emboîter inconsidérément le pas à un nouveau fanatisme avide de réduire l’autisme à sa seule part organique au sein d’une pensée nosologique molle, seulement à même de faire le miel d’officines comportementales, parfois plus ou moins douteuses.

http://www.liberation.fr/societe/0101632225-autisme-et-si-l-etat-se-melait-de-ses-affaires

Le commentaire de l'auteur :

Superbe article révélateur où l'on voit notamment la psychanalyse s'élever au niveau de la cardiologie, deux disciplines éminemment scientifiques et comparables ...

Et l'émergence (non plus du désir de l'enfant ...) mais du concept récent de «neuro-psychanalyse». Intéressant mais pour qui ?

Il me semble acquis qu'en matière d'autisme ou TED ou TSA la démarche efficace à adopter est :

  • Un diagnostic le plus tôt possible par une équipe formée.
  • La mise en place dans la foulée d'un programme visant à stimuler l'enfant, tourné vers les apprentissages mettant à profit la plasticité cérébrale (le cerveau humain est capable de développer d'autres connexions pour compenser les atteintes subies lors de son développement).
  • La scolarisation dans toute la mesure du possible avec un accompagnement (AVS) par du personnel formé.

Pour la société, il me semble que ce serait tout bénéfice.

Et pour finir, pour répondre aux craintes exprimées par Monsieur Golse, des organismes de contrôle chargés de vérifier l'application des mesures préconisées par l'ANESM ... d'ailleurs pourquoi ne pas confier à cet organisme un rôle d'inspection ?

Personnellement, je pense que la psychanalyse peut aider, dans la mesure où les personnes souscrivent à la démarche, ceux qui sont en quête de sens dans différents domaines, en capacité de dialoguer et de prendre des décisions ... comme par exemple d'arrêter leur analyse. Cela reste un choix personnel. Clairement ce n'est pas le cas des autistes, TED ou TSA dans leur très grande majorité.

Jean-Jacques Dupuis

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Commentaires
L
Le moins que l'on puisse dire, c'est que ce monsieur ne manque pas d'aplomb. Lui qui il n'y a pas si longtemps recommandait la psychanalyse comme seul moyen de sortir les enfants de l'autisme...et qui s'étrangle dès qu'une famille lui annonce avoir fait appel à un cabinet qui pratique des méthodes comportementalistes.<br /> <br /> Ce monsieur sentirait-il le vent tourner?<br /> <br /> <br /> <br /> Alors oui, les méthodes comportementalistes fonctionnent et permettent même à l'enfant de s'ouvrir aux autres et de s'épanouir.<br /> <br /> Les personnes auxquelles nous faisons appel n'ont rien d'intégristes, ni de charlatans mais récupèrent bien souvent des enfants qui ont végété pendant des années à coup de séances ou de prise en charge psychanalytiques. Ca c'est une réalité! Et ils récupèrent bien souvent aussi des familles détruites à coup des discours culpabilisants. C'est tellement facile de déstabiliser des parents déjà tellement en proie au désarroi!!!<br /> <br /> <br /> <br /> On ne peut pas revenir en arrière, sans doute pas mais on ne peut pas tout pardonner non plus et surtout pas des erreurs aussi fondamentales que celles qui ont consisté à rendre responsables des parents du handicap de leurs enfants et à laisser ses mêmes enfants sans espoir d'une quelconque autonomie.<br /> <br /> <br /> <br /> Il est effectivement temps que ça change, monsieur, et tant mieux si pour une fois, les politiques s'en mêlent!<br /> <br /> <br /> <br /> Maintenant il est aussi vrai que les politiques ne devront pas oublier que la décision et les choix quant à la prise en charge des enfants autistes reviennent en premier lieu à la famille. Et pour cela elle doit être informée de TOUTES les possibilités de prise en charge existantes.<br /> <br /> <br /> <br /> ValérieJ
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