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"Au bonheur d'Elise"
14 mars 2012

article publié dans le nouvel observateur le 8 mars 2012

Handicap et sexualité : un tabou que les autorités doivent régler

Modifié le 08-03-2012 à 14h41

LE PLUS. Sorti mercredi, le film "Hasta la vista" retrace le parcours de trois jeunes hommes handicapés en quête de leur première relation sexuelle. Dans la vraie vie, c'est encore plus compliqué qu'au cinéma. Michel Toulon, parent d'un adulte autiste et directeur d’établissements d’hébergement pour adultes poly-handicapés, en témoigne.

> Par Michel Toulon Père d'un adulte handicapé

Edité et parrainé par Louise Pothier

Dans cette avancée historique de la loi 2005-102, le législateur a intégré le droit à la "compensation du handicap". Le législateur n’a pas, par contre, défini si, oui ou non, la sexualité, ou son accès, était aussi un droit !

 

Illustration couple d'amoureux (SIPA)

Illustration couple d'amoureux (SIPA)

 

Du coup, depuis 2005, rien n’a été fait dans ce sens et cette "sexualité" n’est pas envisagée, tant au point du droit que de son application aux personnes en situation de handicap.

Je vais, ci-après, tenter d’en expliquer la complexité en croisant les regards liés à ma propre expérience.

Tout d’abord en tant que père d’un adulte autiste, ensuite en tant qu‘administrateur d’une association gérant plusieurs établissements pour adultes déficients intellectuels avec ou sans handicaps associés, puis en tant que directeur d’établissements d’hébergement pour adultes poly-handicapés dépendants et enfin, en tant que militant d’association de lutte contre la marchandisation du corps humain.

Mon expérience est limitée aux seules situations de handicaps liées aux "accidents de naissance" et n’intègre pas les accidentés de la vie.

En tant que père, un domaine difficile à aborder sereinement

En tant que père, quelle que soit la situation de handicap de son enfant, la sexualité reste un domaine difficile à aborder car le parcours initial est essentiellement médicalisé et protecteur (voire sur-protecteur).

Je crois, malgré tout, que ce champ reste délicat à aborder, y compris lorsque son enfant n’a aucun handicap.

De ce que j’ai constaté, le plus important est de fixer les limites quant au lieu d’expression de l’auto-érotisation (sa propre chambre) lorsque l’adolescent manifeste des pulsions en tous lieux. A l’age adulte, si celui-ci vit en foyer, il reste compliqué d’intégrer la dimension de la sexualité avec l’équipe d’accompagnement, chaque établissement se fixant ses propres limites.

A titre d’exemple lorsque mon fils adulte a intégré un foyer de vie, le directeur m’a indiqué que toutes les femmes du foyer prenait la pilule ! Ce même directeur n’a pas pu répondre à ma question concernant l’automaticité du port du préservatif, pour les hommes !

En tant qu'administrateur, le concept de sexualité est accepté mais...

En tant qu’administrateur, l’organisation de forums de discussions entre les salariés au sein des établissements, de discussions avec les familles, et également de discussions avec les résidents m’a permis de dresser un constat favorable à la prise en compte de cette approche sexualisée. Bien entendu, cette prise de conscience est restée au niveau du concept.

La plus grande difficulté avancée est celle du consentement. Comment puis-je être sûr, en tant qu’accompagnateur professionnel, que cette relation, dans le lieu privatif qu’est la chambre du résident, se déroule sans contrainte ? Comment puis-je aborder ce sujet avec les résidents concernés ?

En tant que directeur d'établissement, c'est très simple : pas de sexe !

En tant que directeur d’établissement médico-social, c’est beaucoup plus simple ! La loi 2005-102 prévoit que dans les foyers d’hébergement pour adultes handicapés, "un lieu favorable à l’épanouissement de la sensualité et de la sexualité soit prévu". Heureusement, les décrets d’application ne sont toujours pas publiés !

Quoiqu’il en soit, la formation des personnels ne prévoit pas une approche "pratique" du respect du choix du résident quant à sa sexualité.

La participation à des forums européens nous a fait découvrir qu’ en Belgique, aux Pays Bas et en Allemagne avait été mis en place des métiers spécifiques "d’accompagnateurs sexuels et d’accompagnatrices sexuelles". Même si le parcours de formation est long (3 ans), qu’il intègre une partie d’analyse et de psychothérapie, son transfert appliqué à la France reste complexe.

En effet, un directeur d’établissement est responsable pénal. Si des accompagnateurs sexuels exercent dans l’établissement et pour cela perçoivent une rémunération, le directeur est condamnable au titre de proxénétisme.

De plus, quels sont les actes autorisés ? Homosexuels, hétérosexuels, bisexuels, avec variantes ?

Accepter qu’il existe de "bonnes raisons" de vendre son corps pourrait passer pour un respect du droit à la sexualité de la personne en situation de handicap. Mais ceci heurte mon côté militant.

En conclusion, je crois qu’il est très facile de comprendre le respect du droit à la sexualité pour une personne en situation de handicap, mais il faudra une réelle volonté de l’ensemble des intervenants du champ du handicap, professionnels – institutions − familles et personnes handicapées elles mêmes pour que puissent être établies des règles compréhensibles et applicables.

http://leplus.nouvelobs.com/contribution/366795-handicap-et-sexualite-un-tabou-que-les-autorites-doivent-regler.html

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