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"Au bonheur d'Elise"
9 mai 2012

article publié dans Le Progrès.fr le 8 mai 2012

Société. « Être refusés en discothèque car nous sommes trisomiques, c’est humiliant »

 

 
Photo Yves Salvat

Photo Yves Salvat

« Je veux dire des choses. J’ai vu des gens entrer et sortir pendant une heure de cette discothèque. Nous, on nous a refoulés. C’est humiliant ». Karine a une vingtaine d’années. Un appartement, un travail dans une grande surface d’ameublement stéphanoise, des loisirs… Elle est également trisomique. Ce qui ne l’a pas empêchée de venir témoigner, hier, à la barre du tribunal correctionnel de Saint-Etienne. Avec ses mots à elle. Hésitants. Émouvants. Parfois tranchants comme des rasoirs. « Si on nous a refusé l’accès, c’est parce qu’on est handicapés ».

Les faits se sont déroulés dans la nuit du 17 au 18 septembre 2010. Un groupe de six jeunes trisomiques, âgés de 20 à 30 ans, se présente devant la discothèque Le Capitole, à Saint-Etienne. Il n’en franchira jamais le seuil. D’abord le péremptoire « Dégagez ! » d’un vigile pas très sympa. Puis la fin de non-recevoir de la gérante. Qui répond à la personne d’astreinte de l’association Trisomie 21 Loire, appelée au secours par les jeunes, qu’elle « n’est pas formée pour accueillir de telles personnes si elles ne sont pas accompagnées ». Et propose une solution de repli « le dimanche après-midi, si le groupe est encadré par deux éducateurs ».

Les six jeunes, abasourdis, rebroussent chemin. Le 2 octobre, ils portent plainte pour discrimination et atteinte à la dignité de la personne. Quatre d’entre eux ont fait le déplacement hier au tribunal pour dire leur désarroi. Le choc vécu par Adrien « quand ils ont regardé dans mon portefeuille pour voir si j’avais de l’argent ». La détresse de Laura « au moment où la porte s’est refermée à clef juste devant moi ».

Pour leur avocat, M e Sylvain Cormier, le doute n’est pas permis. « Ces six jeunes gens ont été très perturbés par cette mésaventure. Lucides, ils savent très bien que le refus ne vient que du fait qu’ils sont trisomiques. La gérante elle-même reconnaît qu’ils étaient bien habillés, sobres. Ils se sont retrouvés en larmes, assis par terre devant la boite de nuit. C’est inacceptable ».

Pour la représentante du Parquet, « la discrimination est caractérisée. La gérante invoque le fait « qu’elle ne se sentait pas de pouvoir gérer ces personnes ». Elle aurait pu, malgré la demande de renvoi de son avocat, se présenter devant le tribunal ».

Une collègue, remplaçant au pied levé l’avocat de la défense, a demandé la relaxe. Elle justifie l’attitude de la patronne du Capitole par « un souci de protection. Ce qui l’a effrayée, c’est que ces jeunes trisomiques puissent se trouver en difficulté, un vendredi soir, dans une discothèque bondée face à des populations éméchées. Il y a peut-être aussi des limites à l’autonomie… ».

Le tribunal a condamné l’exploitante à un mois d’emprisonnement avec sursis, une amende de 2 000 € et une réparation de 400 € pour chaque jeune au titre du préjudice moral. Il n’a en revanche pas fait droit à la réquisition du Ministère public concernant un stage de citoyenneté et l’affichage de la décision sur la porte de la discothèque.

Trisomie 21 Loire, partie civile, demandait l’euro symbolique. Il lui a été accordé. L’occasion pour sa présidente, Cécile Dupas, de souligner que « nous ne sommes pas dans une démarche de type testing, notre but n’est pas de piéger les gérants d’établissements. Au contraire, nous effectuons un gros travail de prévention, de sensibilisation. Nos sociétaires ont très bien compris pourquoi on leur fermait la porte. Il était important pour ces jeunes de s’entendre dire qu’une telle attitude n’était pas normale. Et que celle-ci soit punie ».

Marie Perrin
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