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"Au bonheur d'Elise"
23 juin 2012

article publié dans l'express.fr le 23 juin 2012

« En France, les personnes handicapées, on les cache. »

J’ai envie de raconter une anecdote révélatrice.

Au cours d’un repas festif, ma mère engage la conversation avec une dame anglaise. Cette grand mère d’enfant autiste vivant en France depuis peu de temps lui explique la surprise qu’elle a eu de ne pas voir d’autistes en France :

- Je pensais que l’autisme, ça n’existait qu’en Angleterre, puisque en France je ne vois aucun autiste.

Ma mère, abasourdie, répond :

- Ah mais si, des autistes il y en a sûrement autant qu’en Angleterre, en proportions ! Si vous ne les voyez pas, c’est qu’en France, on les cache.

à part-TED

Elle a répondu très simplement, en disant la vérité, une vérité qui dérange beaucoup d’étrangers et peut être certains français… Mais qui arrange au final un grand nombre de professionnels.

 

 

À qui profitent les autistes ?

Les autistes vivent en gros soit en institution ou hôpital psychiatrique, soit chez leurs parents. Le personnel de l’Education Nationale, même avec de la bonne volonté, n’a pas les moyens de les éduquer parmi les autres. Ce n’est pas le cas du secteur sanitaire, à qui la sécurité sociale donne tout l’argent possible, il leur suffit de demander.

Dans ce système d’orientation qui est source d’énormément d’emplois, donc d’argent, tout, absolument tout, est fait pour pousser les enfants dans des établissements spécialisés.

Mon fils aussi n’échappera pas à ce système, qui consiste à forcer les parents à faire ce choix du milieu spécialisé, un choix qui n’en n’est pas un quand on sait comment fonctionne la machine administrative.

 

 

Exemple de la combinaison « bonne volonté – moyens » du personnel de l’Education Nationale

Mon fils avait cette année 6h d’école, des heures mendiées et rendues possibles parce que j’embauche et paye moi même une personne pour l’aider en classe.

Bien sur, sur le papier, l’Education Nationale doit me fournir elle même une personne (Auxiliaire de Vie Scolaire, AVS). Mais…

J’ai laissé faire le système la première année, quand je débarquais dans le milieu, cette époque où j’étais encore naïve et confiante : la personne a été nommée en Janvier, elle n’y connaissait rien à l’autisme, et ne voulait pas avoir d’informations dessus, d’ailleurs je n’avais pas le droit de lui en donner, car « L’école étant un milieu ordinaire, Julien doit être vu comme un enfant ordinaire. » Elle était au service de la maîtresse : je n’avais pas le droit de lui parler sans sa présence, à part  « Bonjour, Au revoir ».

Julien avait le droit d’aller à l’école 12h par semaine, en présence de l’AVS. Mais on m’a fait comprendre aux réunions scolaires dans lesquelles je pleurais à chaque fois, que « 12h c’est trop long. Il se fatigue vite ». L’inspecteur d’académie s’est même déplacé une fois, à la demande de l’enseignante et de la directrice, pour m’inciter très fortement à ne pas le mettre 12h, me faisant accepter le fait que 6h suffisaient amplement et que je pouvais m’estimer heureuse.

Chaque réunion se concluant par l’expression « dans l’intérêt de Julien ». Plus hypocrite, c’est possible ?

 

 

Au final : rien n’était fait pour faciliter les heures de présence de Julien. La plupart du temps, il les passait dans le couloir ou la cour, avec l’AVS. Celle-ci était rémunérée pour 12h par semaine auprès de lui, alors qu’en réalité elle en passait 6h. Les six autres heures, elle les passait chez elle ou à aider l’enseignante pour gérer les enfants (ordinaires) de la classe.

 

 

Et maintenant ?

Je suis lasse de devoir me battre pour imposer la présence de mon fils à des professionnels qui n’en veulent pas. Lasse de devoir me battre pour que Julien ait une place parmi nous.

Lors de la dernière réunion à l’école, la personne qui fait le lien entre l’école et la Maison De l’Autonomie (administration chargée des orientations des personnes handicapées) m’a fait clairement comprendre qu’une scolarisation en CP n’était pas envisageable. Elle était soutenue par la directrice et l’enseignante.

Je sais me battre contre moi-même, mais j’ai toujours eu du mal à me battre contre une autre personne ; cela m’a valu bien des déboires quand j’étais adolescente. Bien sur je serais capable de frapper une personne mettant mon fils en danger, mais dans ce cas précis ce n’est pas socialement adapté.

Je n’ai pas eu le courage de dire « Non, j’ai la loi pour moi, je décide. », car Julien a déjà une bonne prise en charge, et même sans école il progressera, il est bien entouré, j’y ai veillé.

Julien quitte donc le milieu ordinaire. Il aura quand même l’occasion de voir ses pairs une après midi par semaine, car la MJC veut bien de lui, à condition que j’emploie une personne pour s’en occuper là-bas.

Mais bon, il sera lui aussi caché de la société. Elle pourra ainsi continuer d’ignorer les personnes comme lui.

Et des étrangers pourront continuer à croire qu’il n’y a pas d’autistes en France.

 

http://blogs.lexpress.fr/the-autist/2012/06/23/en-france-les-personnes-handicapees-on-les-cache/

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