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"Au bonheur d'Elise"
26 octobre 2012

L'enfant autiste peut-il récupérer des fonctions cognitives et sociales par le lien à l'animal ?

article publié sur :
Sandie Bélair décembre - 4 - 2008

Les relations homme-animal intéressent les jeunes chercheurs et c’est avec enthousiaste que nous accueillons leurs travaux et recherches. Après Jérôme Michalon, c’est Marine Grandgeorge , doctorante en psychologie, qui a accepté de se présenter et de nous parler de sa thèse…

 

Marine, pouvez-vous SVP vous présenter et nous parler de votre cursus universitaire?
Avant d’être en doctorat de psychologie à Rennes, j’ai effectué mon cursus universitaire à Strasbourg en Sciences de la Vie. Après m’être focalisée aux détails de l’organisme, notamment par mon année de licence de physiologie animale et biologie cellulaire, je me suis intéressée à l’animal à son entier. J’ai donc acquis des connaissances en écologie, biologie des populations et des écosystèmes et surtout éthologie. A la fin de mon cursus, j’ai donc obtenu mon Master 2 « Recherche en Ethologie et Ecophysiologie ».

Vous êtes issue de la biologie et de la science, pourquoi vous êtes vous orientée vers les sciences humaines et notamment la psychologie? Pouvez-vous nous préciser votre spécialité?
Dans le monde de la recherche actuel, il est nécessaire de décloisonner les projets et de ne pas rester centré sur sa propre discipline. C’est pourquoi j’ai voulu me diriger vers les sciences humaines et sociales et précisément vers la psychologie du développement (ma spécialité) qui reste très proche de l’éthologie humaine mais qui aborde les mêmes sujets sous un autre angle. Cette interdisciplinarité me permet d’avancer dans la recherche sans œillère, ou du moins, en les réduisant au maximum.

Vous portez semble t-il un grand intérêt aux relations homme-animal. Pourquoi?
Cet intérêt à des sources multiples. La première remonte à l’enfance ; en effet, j’ai eu la chance de grandir entourée d’animaux (chien, chat, tortue, oiseaux, hamsters, …). Les liens que nous, humains, pouvons développer avec les animaux sont des choses ancrées en moi et donc naturelles. La deuxième fut mon stage de Master 2 que j’ai effectué avec D. Grémillet dans au DEPE à Strasbourg. J’ai travaillé sur une thématique touchant les oiseaux marins, et je me suis beaucoup documentée sur l’impact de l’Homme sur ces populations de la Mer du Nord. Mon encadrant m’a donné l’envie de faire de la recherche et mes diverses expériences m’ont finalement conduites à mettre au cœur de mon projet les relations entre les Hommes et les Animaux.

Vous préparez d’ailleurs une thèse sur les relations entre des enfants autistes et des animaux. Pouvez-vous nous expliquer l’origine de cette recherche (question de départ) et nous présenter votre travail? Quelles sont vos hypothèses?

En fait, mon sujet s’intéresse plus largement aux relations que les enfants autistes développent avec les animaux domestiques. Au départ, je n’avais pas arrêté de choix d’espèce pour avancer sans œillères. Désormais, je travaille plus sur 3 espèces, par choix méthodologique, à savoir le chien, le chat mais aussi le cochon d’Inde.

En ce qui concerne la genèse de ce projet…en toute franchise, je n’en ai pas été l’actrice principale mais celle qui a permis de lancer un projet sommeillant depuis quelques années dans le tiroir de deux chercheurs : M. Hausberger, directrice du laboratoire d’éthologie à Rennes, et S. Tordjman, professeur en pédopsychiatrie.

L’idée de cette recherche est partie de l’autisme. Ce syndrome clinique est défini par un ensemble de troubles du comportement comme un déficit des interactions sociales et de la communication. L’hétérogénéité du syndrome implique une hétérogénéité des prises en charge des patients et des thérapies qui leur sont proposées. Des thérapies alternatives existent comme la musicothérapie, l’arthérapie ou encore la thérapie assistée par l’animal. Si cette dernière ne fait pas l’objet d’un consensus, des observations suggèrent que les enfants autistes amélioreraient leur communication sociale en présence d’animaux (e.g. dauphin, cheval). Toutefois, il s’est révélé qu’il y avait un manque de recherche dans ce domaine.

L’utilisation de l’animal comme moyen thérapeutique a de bons appuis théoriques pour les individus souffrant d’autisme, et notamment les enfants. L’animal est un stimulus multisensoriel, globalement plus prévisible et plus facile à décoder qu’un être humain. Les animaux domestiques semblent jouer un rôle crucial dans le développement cognitif et social des enfants. Les animaux domestiques pourraient agir théoriquement en tant que substitut social, permettant aux enfants, et plus particulièrement ceux souffrant de troubles envahissant du développement, d’établir des liens avec eux, puis de prolonger/transférer éventuellement ces liens aux autres êtres humains.

La formation de liens sociaux, difficile pour les enfants autistes, pourrait donc être théoriquement facilitée par la présence d’un animal domestique. Avant d’envisager de mettre en place une thérapie, notamment celle assistée par l’animal, il nous a donc semblé nécessaire (1) de mieux appréhender le type de relation établie entre l’enfant et l’animal, (2) d’obtenir des données objectives et quantifiables quant aux apports de cette relation, et (3) d’examiner les modalités d’interaction et leurs conséquences sur l’aptitude de l’enfant à communiquer et développer ses compétences cognitives.

Comment procédez-vous (démarche), sur combien d’enfants portent vos travaux? Quels sont vos outils?

En premier lieu, j’ai eu l’occasion de réaliser 250 entretiens directifs avec des parents d’enfants autistes (tout âge) sur les relations qu’ils avaient pu établir avec des animaux. A partir de là, l’étude s’est découpée en 2 phases, à savoir (1) la définition de la relation entre l’enfant de 6 à 12 ans et l’animal familier (chien et/ou chat) dans le contexte habituel grâce à des observations éthologiques, et (2) la définition des stratégies d’approche des enfants du même âge face à un animal inconnu (i.e. cochon d’Inde). Ces observations sont faites pour environ une vingtaine d’enfants autistes auxquels j’ai associées une vingtaine d’enfants au développement typique (même âge, même sexe).
Pour ouvrir mon sujet de recherche, j’ai, à terme, envie de réfléchir à des clés à donner aux thérapeutes utilisant l’animal afin d’améliorer l’efficacité de leur démarche.

Pour ouvrir votre sujet de recherche, vous parlez de clés, qu’entendez-vous par ce terme? Parlez-vous de modèles, de démarches, de grilles de lecture? Pouvez-vous préciser vos propos SVP?
Pour l’instant, les clés peuvent être multiples, comme vous les citez. D’une part, j’aimerais créer, par exemple, une grille de lecture simple afin de caractériser la relation qui s’établit entre l’enfant et l’animal (ex : quelle modalité sensorielle est privilégiée), ce qui permettrait d’affiner les prises en charge. D’autre part, j’aimerais dégager grâce à ma recherche si des caractéristiques générales de l’enfant, de l’animal ou de l’environnement ont tendance à être associée à un type de comportement afin de le privilégier ou de ne pas aller contre. Je m’explique : si globalement, il semble que les enfants de 6 à 9 ans ne privilégient pas spontanément le canal sensoriel tactile quand ils sont avec un chien dans leur milieu familier, on pourrait en tenir compte en thérapie, par exemple, pour simuler cette sensorialité si l’enfant est en confiance avec l’animal ou alors utiliser les autres canaux sensoriels pour le mettre en confiance.

Pouvez-vous déjà nous faire part de vos premiers résultats? On est très curieux!!!
Je suis désolée, mais je vais vous décevoir…Il est encore trop tôt pour donner des résultats fiables et certains. Je peux vous dire simplement que l’environnement social de l’enfant autiste (constitué par les animaux familiers mais aussi par la fratrie et les parents) joue beaucoup sur la relation qu’il développe avec les animaux mais aussi plus largement (e.g. développement du langage). Pour ceux que cela intéresse, je publie régulièrement des informations sur mon blog.

Qu’attendez-vous d’une telle recherche?
De cette recherche, j’attends surtout une connaissance plus fine des modalités d’interactions privilégiées par les enfants autistes mais aussi une meilleure connaissance des facteurs pouvant faire varier la qualité de la relation. En effet, pourquoi un enfant, qu’il soit autiste ou non, est plus attiré qu’un autre par un animal ?
Et surtout, cela va peut être vous étonner, j’attends que l’on démystifie le pouvoir de l’animal comme « guérisseur ».

Comment a t elle été accueillie par l’Université?
Au delà de l’Université, c’est plus l’accueil par tous les membres du laboratoire et des chercheurs associés au projet qui m’importait. Il fut très bon car c’est un sujet qui touche tout le monde. Ce qui me permet d’échanger facilement et de communiquer autour de ma recherche.

Que pensez-vous de l’engouement actuel pour les interactions homme-animal et pour l’utilisation à des fins thérapeutiques de l’animal?
En toute honnêteté, cela me fait un peu peur car il y a toujours des gens malhonnêtes qui profitent de la détresse des familles. Mais quand les thérapies sont utilisées aussi bien dans le respect des animaux, des patients et des thérapeutes, je n’y vois que du bon. Gardons cependant toujours à l’esprit que l’animal ne sera jamais guérisseur mais source de bien être et uniquement pour certains patients.

Quel avenir pour cette pratique selon vous?
En veillant au respect de chaque protagoniste, je pense qu’elle peut vraiment apporter un plus dans l’alternative aux thérapies classiques. Cependant, à mon humble avis, une réglementation devrait être mise en place pour permettre que chaque chose se passe du mieux possible.

Après votre doctorat vous souhaitez vous orienter vers quel domaine?
Mes projets post doctorat sont divers car je ne veux me fermer à aucune opportunité. Mais, vous vous en doutez, comme tout jeune chercheur, je souhaite décrocher un poste de maître de conférences pour continuer mes recherches mais aussi sensibiliser les étudiants à cette thématique en enseignant à l’Université.

Pour conclure, souhaitez-vous ajouter un autre élément?
Pour finir, je voulais simplement vous encourager à continuer d’informer le grand public sur ce vaste domaine que sont les relations entre les hommes et les animaux. Merci à vous.

Un grand merci à Marine pour sa participation et bon courage à elle pour la suite de sa thèse… Nous espérons qu’elle viendra nous présenter les conclusions dès que ses travaux seront achevés. En attendant, n’hésitez pas à lui poser des questions et à aller visiter son blog!

Pour en savoir plus:

Le blog de Marine : www.relationenfantanimal.blogspot.com
La bibliographie de Marine : http://mabibliographie.blogspot.com

Sandie

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