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"Au bonheur d'Elise"
15 décembre 2012

Autisme : "Il est urgent que le gouvernement prenne ses responsabilités"

article publié dans Paris Match

actu-match | vendredi 14 décembre 2012

Autisme : “Il est urgent que le gouvernement prenne ses responsabilités”

 

Autisme : “Il est urgent que le gouvernement prenne ses responsabilités”

M'Hammed Sajidi, président de l'association «Vaincre l'autisme». | Photo DR


 

L’association «Vaincre l’autisme» tire la sonnette d’alarme. Son président, M’Hammed Sajidi, a adressé une lettre ouverte à Marisol Touraine, ministre de la Santé, et au gouvernement. Pour lui, il est urgent que les pouvoirs publics se donnent les moyens d’une politique de santé publique responsable et innovante tant la situation des personnes autistes en France est catastrophique.

«Les pouvoirs publics doivent se réveiller et avoir honte de ce que vivent les personnes autistes en France», martèle M’Hammed Sajidi dans sa lettre ouverte, datée du 29 novembre dernier. Une phrase qui fait mal, en cette fin d’année où l’autisme avait pourtant bénéficié du label Grande cause nationale. Alors que «l’attente était forte en 2012 (…), l’Etat n’a attribué que très peu de moyens à la grande cause nationale», déplorait-il encore, jeudi dernier, à l’issue d’un colloque sur l’autisme au Sénat. Les espoirs des familles étaient nourris de voir enfin la France rattraper le retard pour lequel elle est pointée du doigt dans le monde entier (et condamnée par l’Europe en 2004) à travers une vraie prise en charge de cette maladie qui, au-delà de l’atteinte physique et psychologique du malade, détruit aussi ses liens sociaux et familiaux en l’état actuel des choses. «80% des enfants sont rejetés de l’école. (…) 80% des couples se désintègrent et finissent par divorcer, faute d’accès à l’information, au diagnostic et aux traitements. Les mères n’ont souvent pas d’autre choix que de quitter leur emploi et se retrouvent sans aucun soutien extérieur, avec leur enfant à domicile.»

Dans l’élan de la Grande cause nationale, le Comité national sur l’autisme a été réactivé cette année en vue de l’élaboration du 3e plan autisme. Avec deux ans de retard, ce plan est annoncé pour janvier 2013, après un premier plan (2005-2007) dont les travaux furent «rapides», selon l’association, et un deuxième (2008-2010) qui n’a honoré qu’à peine la moitié de ses engagements en termes de création de places en centres médicalisés. Une France en retard donc, sur cette épineuse question de l’autisme et, plus grave encore, une France dont les perspectives de santé publique en la matière risquent bien d’être contraires à l’intérêt de l’autisme et des personnes concernées. A la veille du 3e plan, l'association agrémentée «représentant des usagers» par le ministère de la Santé, s'inquiète fortement de la tendance du gouvernement à se déresponsabiliser de la situation dramatique de l’autisme. Entretien avec son président.

En quoi le gouvernement actuel se déresponsabilise de la question de l’autisme, alors qu’il a relancé les réunions de concertation auxquelles vous participez?
Lorsqu’on le sollicite sur des sujets nécessitant de sa part un positionnement clair, il botte en touche sous prétexte que «c’était [sous] l’autre gouvernement» sans prendre le relais de ce qui a été fait avant. Nous nous battons depuis dix ans pour faire évoluer les choses: nombre de rapports et de documents de référence établissent aujourd’hui le problème de l’autisme en France et les solutions à mettre en place. Nous ne pouvons pas entendre qu’il s’agissait d’un autre gouvernement.

Vous voulez dire que le ministère actuel ne souhaite pas utiliser l’expertise existante?
Les interlocuteurs actuels sont novices en la matière et ce sont eux qu’il faut convaincre. Sur un problème de santé publique aussi grave, je trouve ça dangereux! Il y a assez de personnes compétentes qui maîtrisent le sujet et avec lesquelles on peut travailler. Ils ont en plus le malheur de ne pas entendre les associations expertes sur le sujet. Pour eux, nous ne sommes que des associations de familles. Pourtant, ce sont les parents d’autistes, riches de leur expérience quotidienne, qui aujourd’hui maîtrisent le mieux le sujet.

Sur quels sujets le ministère actuel botte-t-il en touche?
Sur la mise en place de structures innovantes. Nous avons livré un combat acharné pour qu’elles soient prises en compte. Le précédent gouvernement est même passé au-dessus des résistances du système pour imposer leur mise en place en y affectant des budgets ministériels. Les décisions politiques de François Fillon, et de Xavier Bertrand alors ministre des Affaires sociales avec Valérie Létard, ont permis de déboucher sur le 2e plan. Il est impératif aujourd'hui que les financements de prises en charge adaptées et donc innovantes puissent voir le jour dans le nouveau plan.

«Nous avons une machine qui détruit l'état de santé de l'enfant et de sa famille»

Où se situent les résistances dont vous parlez?
Depuis plusieurs décennies, nous avons une machine qui détruit l’état de santé de l’enfant autiste et de sa famille. Le système médico-social et sanitaire est très cloisonné, fermé à l’innovation. Ses procédures sont anciennes et nous sommes dans l’impasse car il ne répond pas aux besoins de la prise en charge de l’autisme. La majorité des traitements de l’autisme, aujourd’hui, sont éducatifs. Lorsqu’un financement est accordé, il entre dans la sphère médico-sociale qui elle-même renvoie à quelque chose de médicalisé, donc relatif à la psychiatrie. Comme les politiques ne vont que sur des stratégies institutionnelles et ancrées dans le système, ils ne font que reproduire les mêmes choses. Si je prends l’exemple des Centres d’action médico-sociale précoce, ils ne posent pas de diagnostic avant l’âge de 6 ans. Ça veut dire que les enfants qu’on envoie là-bas vont faire le parcours de psychiatrie jusqu’à l’âge adulte. Dans le 3e plan, on nous annonce qu’il faudra travailler avec ces centres, ce qui est déjà en soi une catastrophe pour nous.

D’où une prise en charge exclusivement en milieu psychiatrique…
On n’en sort pas! Mais la psychiatrisation de l’autisme reste un problème franco-français. Nous avons aujourd’hui un socle de connaissances scientifiques qui définit l’autisme. Ca ne doit plus être discuté. Sans compter les rapports des associations. Les pouvoirs publics ont aujourd’hui tout entre les mains pour agir.

Quelle est l’urgence aujourd’hui?
Il faut arrêter de financer ce qui ne marche pas. Sortir l’autisme de la psychiatrie. Les nouveaux financements doivent aller vers ce qui permet de lutter contre la maladie, donc vers l’innovation. Il existe des traitements performants qui améliorent l’état de santé des enfants et qui empêchent la stagnation et la dégradation.

«Psychanalyser l'enfant autiste est une forme de maltraitance»

Vous parlez de la méthode Aba (Applied Behavior Analysis, ou analyse appliquée du comportement), outil éducatif qualifié de méthode de dressage par certains psychiatres psychanalystes?
A chaque fois qu’on a parlé de cette méthode, on l’a fait sous l’angle polémique et non sur celui de son efficacité. Notre association a été la première à militer pour cette approche inconnue en France et pourtant utilisée depuis des années à l’étranger. Cet outil est actuellement le meilleur, mais il a aussi ses limites. Il en existe d'autres que l’on peut apporter à l’enfant, au cas par cas. Je ne débats plus de la psychanalyse, dont la pratique sur l’enfant autiste est pour moi une forme de maltraitance. Vous ne pouvez pas demander à un psychiatre psychanalyste de donner son avis sur cette méthode qu’il ne connaît pas. Si cet outil est performant aujourd’hui, les enfants doivent pouvoir y accéder. Les résultats sont là.

Pourquoi ne sont-ils pas mis en place alors que la Haute autorité de santé a cette année mis en cause l’efficacité des pratiques psychanalytiques sur l’autisme?
Parce qu’il existe des conflits d’intérêts dans les structures médico-sociales qui font que les hauts fonctionnaires de l’Etat, à la tête des administrations de santé, verrouillent le système. Nous, les associations de familles, qui sommes pour l’évolution de la prise en charge de l'autisme, somme considérées comme minoritaires parce qu’on nous écrase avec tous les « poids lourds » du handicap ou des maladies psychiatriques. Il faut sortir l’autisme de cette noyade grâce à une législation adaptée car c’est une maladie grave qui prend du terrain.

Quelle serait la première mesure à mettre en place?
Le diagnostic et l’intervention précoces. Les enfants de moins de 3 ans doivent pouvoir y accéder rapidement. Nous avons les outils et les moyens pour le faire. Il s'agit d'un examen clinique et non médical. N’importe quel généraliste peut se former rapidement au dépistage de la maladie. C’est une prévention très importante en matière de santé publique. Plus les parents sont informés tôt, plus ils seront dynamiques dans l’accompagnement de leur enfant et la recherche d’informations. Dès qu’un enfant est diagnostiqué, on forme les parents et les professionnels qui l’entourent à une intervention précoce. Elle peut se faire à domicile, ce qui est en soi moins coûteux pour la société. Le fait d’accompagner un enfant dès l’âge de 3 ans lui donne la possibilité de suivre une scolarité dans le système classique, parfois seul, parfois accompagné d’un auxiliaire. Un enfant plus lourdement atteint peut se trouver en classe spécialisée. De cette façon, on aura moins de places à créer dans des structures fermées. Enfin, pour évoluer sur la question de l’autisme, on doit s’appuyer sur l’ensemble des associations. Aucune aide ne leur est versée alors que c’est l’outil le plus rapide à mettre en place pour répondre aux besoins sur le terrain. La nôtre aide 3 500 familles! C’est un vivier de parents informés et dynamiques. Les pouvoirs publics doivent en profiter plutôt que les bloquer.Point final

L'autisme en chiffres

1 naissance sur 100 touchée par les TSA (troubles du spectre autistique)
650 000 personnes atteintes en France, selon les prévalences reconnues au niveau international.
3 garçons pour 1 fille sont touchés par les TSA.
2 500 euros par enfant et par mois, c'est le coût d'une prise en charge partielle et non adaptée, essentiellement supporté par sa famille.
37 % des Français pensent à tort que l'autisme est un trouble psychologique (étude Opinion Way, 2012).

Source: Vaincre l'autisme

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