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"Au bonheur d'Elise"
29 décembre 2012

Bilan de l'année de l'autisme : Le changement, c'est ailleurs.


Et voila, c’est la fin de l’année de l’autisme… Quel bilan en tirer ?

C’est vrai qu’on a parlé d’autisme… Du coup, peut-être que les personnes non concernées pensent que enfin, la France est décidée à rattraper son retard, qu’enfin, les droits des enfants autistes à la scolarisation, à l’éducation seront respectés. Qu’enfin, les prises en charge adaptées seront accessibles aux enfants et adultes, que des aides à l’insertion professionnelle se développeront.

Et bien non, désolée… Le phénomène « Grande Cause Nationale » n’a amené aucun changement pour les familles et personnes concernées, comme le souligne Autisme France. Ce qui aurait pu amener un changement en revanche, c’est la publication tant attendue des recommandations de bonnes pratiques par la Haute Autorité de Santé (HAS) au mois de mars. Mais bon, le gouvernement semble pour l’instant les ignorer…

La France prend un an de retard par année….

 

Pour avoir l’avis d’une personne étrangère au pays, j’ai voulu savoir ce qu’en pensait Isabelle Resplendino, une maman (française) vivant en Belgique depuis 15 ans, et engagée pour l’inclusion des personnes autistes. Je l’ai connue l’année dernière au moment de la diffusion du film « Le mur ; la psychanalyse à l’épreuve de l’autisme », qui est très probablement à l’origine du fait que l’autisme ait été grande cause nationale 2012.

Quelque part, Isabelle est une maman « chanceuse », puisqu’elle a épousé un Belge : son enfant, élevé en Belgique, a pu progresser et grandir parmi les autres, ce qui n’aurait probablement jamais pu se faire en France. C’est cette progression, la façon dont les personnes autistes sont considérées de l’autre coté de la frontière, qui l’a motivée à s’impliquer dans l’autisme dans le but d’essayer de changer en profondeur le système global de prise en charge en France.

En cette fin d’année de l’autisme, elle tire la sonnette d’alarme : le nombre de parents français téléphonant aux associations belges pour scolariser leur enfant n’a jamais été aussi élevé qu’auparavant, l’exil Belge continue plus que jamais… Pourquoi cela ?

Les impôts de G. Depardieu aideront à financer la scolarisation des enfants français en Belgique.

 

Quel est le parcours de ton fils, Wolfgang ?

Wolfgang a eu un diagnostic de trouble autistique (Syndrome d’Asperger) à l’age de 4 ans, par l’hôpital d’Anvers.

À cette époque,  on me donne le choix : ou l’enseignement spécialisé, ou l’hôpital de jour, mais le mieux est dans la langue maternelle (bien qu’il ne soit pratiquement pas verbal). Nous sommes en Flandre. Nous vendons notre maison pour en racheter une autre en Wallonie, dans le Hainaut, dense en enseignement spécialisé. Entre-temps, nous le déscolarisons : il ne supporte plus l’école ordinaire.

Il faut savoir qu’en Belgique, l’enseignement spécialisé dépend de l’éducation nationale : nous ne sommes pas dans le domaine du soin, mais bien dans celui de l’éducation. Les personnels paramédicaux qui sont affectés à l’enseignement dépendent de l’Education nationale.

Wolfgang fait sa rentrée à l’école spécialisée, en maternelle, en janvier 2006, chez une institutrice qui a suivi une brève formation autisme en cours de carrière avec le professeur Ghislain Magerotte.

À Pâques de la même année, il parle couramment, il mange des aliments solides et est propre de jour comme de nuit : nous avons utilisé des renforçateurs (système de croix : au bout de 10 croix un Pokemon).

Wolfgang et Isabelle Resplendino

 

Il continue à faire des progrès. À ma demande, le centre PMS (psycho-médico-social) dont dépend l’école vient le réévaluer : il n’a plus de déficience intellectuelle  il doit changer d’école, celle-là ne s’occupant que d’enfants avec déficience intellectuelle  En septembre 2008, il va dans une autre école, toujours spécialisée, mais qui s’occupe aussi en charge des enfants sans déficience (troubles d’apprentissage et troubles du comportement). Un an plus tard, il intègre l’école ordinaire dans une classe issue des expériences du scientifique Philippe Tremblay (un groupe d’enfants à besoins spécifiques dans une classe ordinaire avec deux enseignants, dont l’un est spécialisé). Sa moyenne oscille entre 90 et 95 %, il est le meilleur élève de l’école.

Aujourd’hui, il est en 5e primaire, nous avons 6 années de primaire en Belgique.

 

De quelle manière t’impliques tu aujourd’hui pour faire évoluer la prise en charge des personnes autistes ?

Dès les premiers progrès de Wolfgang, j’ai eu l’idée, connaissant la situation désastreuse en France, de travailler à un projet politique de scolarisation des enfants à besoins spécifiques. Je me suis aperçue que l’engagement politique n’était pas suffisant, c’est ce qui m’a conduit à venir à l’associatif. Ce n’est pas mon métier (je suis consultante en entreprise par ailleurs), c’est du bénévolat.

Je suis membre et/ou responsable de plusieurs associations (voir leurs références en fin d’article), que je représente dans des instances officielles : j’ai été, entre autres, nommée par la Ministre et le gouvernement de la fédération Wallonie-Bruxelles au Conseil Supérieur de l’Enseignement Spécialisé pour y représenter les fédérations des associations de parents d’élèves et les principales associations du handicap.

Je suis pour les associations et les officiels de Belgique et de France une interlocutrice reconnue pour les Français de Belgique, connaissant bien les deux systèmes.

 

Quelles sont les grandes différences entre la Belgique et la France au niveau prise en charge des enfants autistes, pourquoi les enfants et adultes  autistes français vont en Belgique ?

La grande différence de prise en charge de l’autisme entre la Belgique et la France réside surtout dans le scolaire : nous avons les classes à pédagogie adaptée TEACCH, que Ghislain Magerotte a installé dans l’enseignement spécialisé après être allé les chercher avec son équipe aux USA, en Caroline du Nord (projet Caroline).

Nous avons aussi beaucoup d’enfants qui, sans être dans des classes TEACCH, suivent un programme d’inspiration TCC individualisé.

La scolarisation des enfants handicapés (autisme, polyhandicap, déficiences variées) est la raison de l’hébergement des enfants français en Belgique.

 

Si proche, si loin….

 

Pour les adultes, c’est le manque de structures en France qui pousse à cet exil, les réglementations étant moins strictes : les instituts hébergeurs ne sont pas agréés, mais ont reçu une simple autorisation de prise en charge ; c’est donc moins coûteux à court terme. Mais en termes de perte d’emplois et frais de déplacement, évidemment à la longue ça revient plus cher, ne parlons pas des enfants qui sont hébergés pour être simplement scolarisés !

 

Tu remarques des hausses de demandes des parents qui veulent mettre leur enfant en Belgique, à quoi est-ce du, selon toi ?

Pour moi, l’augmentation des demandes des parents français est due à ce que les parents ont beaucoup espéré des recommandations de la HAS, mais constatent que le gouvernement ne fait rien pour les faire appliquer, que le discours officiel des ministres concernés ne rejette pas du tout, bien au contraire, les approches psychanalytiques, et que les problèmes de scolarité continuent de plus belle…

 

Quel est ton bilan de l’autisme cette année ?

Mon bilan : on s’est fichus de nous.

J’ai assisté à un colloque sur l’autisme organisé par le sénat le 06 décembre.

On nous a annoncé comme une fleur qu’on sortirait les enfants de l’hôpital psychiatrique pour les mettre en IME… Et la scolarisation ? Rien.

La ministre Mme Carlotti a dit qu’elle allait faire pratiquer des études sur l’efficacité de toutes les thérapies sans exclusion et que le gouvernement attribuerait les fonds publics en fonction du résultat. Or ces études ont déjà été faites par le passé, et conclu à l’inefficacité de la prise en charge psychanalytique dans le domaine de l’autisme. De plus, des recommandations de bonnes pratiques viennent d’être publiées par la HAS, donc je ne vois pas l’intérêt de cette étude.

Je crains qu’on nous sorte alors à l’issue de cette étude probablement franco-française que la psychanalyse, mélangée aux autres thérapies, c’est bien, et qu’il faut continuer avec . Or, pour l’avoir constaté sur plusieurs enfants, je peux assurer que la psychanalyse sape le travail éducatif : en effet, l’analyse se focalise sur les comportements inadéquats de l’enfant en y accordant de la valeur, ce qui fait que ces comportements sont renforcés. De plus, relever et commenter des heures le moindre fait et geste, même le plus anodin de l’enfant et n’en rien faire d’éducatif, je ne vois pas l’intérêt, à part jeter l’argent des contribuables par la fenêtre et gaspiller le temps de l’enfant, du personnel et de la famille. Soyons sérieux une minute : partir du postulat que l’enfant est VOLONTAIREMENT autiste, que ce soit conscient ou non, que ce soit la faute de la mère (en off) ou bien : « non on ne dit plus ça » (en public) c’est déjà baser toute sa « thérapie » sur du faux…

 

Comment vois-tu le futur, en France ? 

Je le vois très mal. Les associations d’usagers ont été conviées deux heures par mois en réunion de concertation pour le prochain plan autisme qui sera présenté en janvier. Aucun travail sérieux ne peut y être effectué, ce sont les groupes de travail qui présentent leurs conclusions : les corrections à apporter sont donc à la marge : une virgule par ci, un mot par là… Les associations n’étaient pas dans les groupes de travail. Un proverbe qui est parfois attribué à Gandhi, parfois à un anonyme d’Afrique du Nord, dit cela « Ce que tu fais pour moi, si tu le fais sans moi, tu le fais contre moi ». Ce plan autisme est contre les personnes avec autisme.

Quant à l’inclusion scolaire, j’ai déjà répondu plus haut : ce qui est prévu, ce sont les IME, pas l’école pour nos enfants.

 

La France, bien bas….

 

 

Selon toi, comment faudrait-il faire pour que les choses évoluent ?

Pour que les choses évoluent, je pense que les parents devraient systématiquement faire un recours contre l’État pour défaut de scolarisation. Cela prendra du temps, mais à force l’Etat devra céder.

Je pense aussi que leur pouvoir réside dans leur bulletin de vote, et clairement ils devront exiger aux prochaines échéances d’avoir un programme digne de ce nom pour l’autisme, et voter en masse pour la, le ou les candidat(e)s qui le porteraient.

Sans cela, ils devraient glisser un bulletin où il y aurait écrit dans l’urne « AUTISME », d’autant plus que le compte blanc devrait être comptabilisé. À défaut, les dépouilleurs feront remonter cette action aux sièges de leurs partis respectifs, et cela en fera réfléchir plus d’un. Ceux qui nous gouvernent ne sont que nos employés, mais nous n’avons le pouvoir de les embaucher ou de les licencier que tous les 5 ans : utilisons bien ce pouvoir.

 

 

Isabelle Mostien-Resplendino

 

- Administratrice de l’Association des Parents pour l’Épanouissement des Personnes avec Autisme

www.ulg.ac.be/apepa – www.participate-autisme.be

 

- Représentante de la Concertation des 4 associations :

AFrAHM, (Association Francophone d’Aide aux Handicapés Mentaux)

APEM-T21, (Association de Personnes porteuses d’une Trisomie 21, de leurs parents et des professionnels qui les entourent)

APEPA, (Association des Parents pour l’Épanouissement des Personnes avec Autisme)

AP³ (Association de Parents et de Professionnels autour de la Personne Polyhandicapée)

 

- Représentante de la Fédération des Associations de Parents de l’Enseignement Obligatoire (plateforme commune avec l’UFAPEC, Union francophone des Associations de Parents de l’Enseignement Catholique)

www.fapeo.be – www.ufapec.be

 

- Membre du Conseil Supérieur de l’Enseignement Spécialisé

www.enseignement.be/index.php?page=24406

 

- Animatrice de la Commission Intégration de la Ligue des Droits de l’Enfant

www.ligue-enfants.be

 

- Ligue des Droits des Personnes Handicapées

www.ldph.be

 

- Collectif d’associations « Grandir Ensemble »

www.asbl-grandir-ensemble.net

 

- Ensemble pour une Vie Autonome

www.eva-bap.be

 

- Réseau francophone des acteurs du handicap Synergie-La Maison de l’Autonomie

www.lamaisondelautonomie.com

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29 décembre 2012

Affaire Depardieu : Gérard, tu veux défiscaliser ?

article publié dans le Nouvel Observateur

Créé le 29-12-2012 à 09h11 - Mis à jour à 10h53

Ce n'est pas le dernier acte de la polémique sur le départ de l'acteur mais le trait d'humour de l'association "Autistes sans frontières" pour encourager les dons.

 

L'association "Autistes sans frontières" interpelle l'acteur Gérard Depardieu dans une campagne de communication dans la presse pour encourager les dons. 

"Gérard tu veux défiscaliser? Envoie-nous un chèque avant le 31 décembre, t'auras 66% de déduction fiscale", peut-on lire sur l'encart. 

Sur le ton humoristique, l'association fait référence à la polémique sur le départ de l'acteur en Belgique pour des raisons fiscales.

Une décision qui a provoqué une vive polémique après que le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, eut qualifié l'exil fiscal de l'acteur d'"assez minable".

"Communiquer sur l'autisme, ce n'est pas simple, puisque c'est un handicap un peu lourd. C'est quand on a vu l'histoire autour de Gérard Depardieu que l'on s'est demandé comment on pourrait surfer sur cette histoire", a expliqué le président de l'association Vincent Gehrards à France Info.

    

29 décembre 2012

Non, le tueur de Newtown n'était pas autiste

article publié sur VIVREfm

Mardi 18 Décembre 2012 - 15h39

Alors que de nombreux médias ont fait état d’un tueur « presque autiste », l’ONG américaine Autism Rights Watch dénonce l’amalgame et exhorte la presse et l’opinion à ne pas faire de rapprochement entre violence et autisme. « Les personnes autistes font déjà face à la ségrégation et aux préjugés au quotidien », s'indigne l’ONG.

Adam Lanza.
Adam Lanza.

Dans un communiqué publié le 17 décembre 2012, Autism Rights Watch dénonce l’acharnement des médias à vouloir présenter le tueur comme un jeune « avec une possible forme d’autisme » et « atteint du syndrome d’Asperger ». D’une part, on ignore si un diagnostic quant à sa santé avait été posé, d’autre part, une personne autiste n’est absolument pas un meutrier potentiel. C’est ce que déclare l’ONG : « être  "autiste", "bizarre", "maladroit", "timide face aux caméras", "intello" ou "quelqu’un mal à l’aise avec les autres" ne fait pas d’une personne un meutrier de masse. »

Les personnes autistes sont plus souvent victimes

L’ONG estime qu’il est important de rappeler que l’autisme n’est pas une maladie mentale et que « les personnes autistes ont plus de chances d’être des victimes que des personnes perpétrant des violences ». Ainsi, l'autisme n’est plus considéré comme une affection psychologique, il correspond à une véritable pathologie neurologique liée à des anomalies du système nerveux central. Il se caractérise essentiellement par une interaction sociale déficiente ; une personne autiste aura des difficultés particulières à communiquer et à évoluer en société, mais n’est aucunement violente.

A cette occasion, Autism Rights Watch rappelle que la vision médicale de l’autisme doit changer. « En France, le traitement médiatique de cette tragédie nous interpelle. Les experts psychiatres et psychanalystes continuent trop souvent d’accréditer l’idée fausse selon laquelle l’autisme est une maladie mentale ».

Adeline Grolleau

29 décembre 2012

Asperger : les autistes ignorés

article publié dans LE MONDE

26.12.2012 à 14h17 • Mis à jour le 27.12.2012 à 14h57

Pierre Mornet
Jérôme Ecochard a toujours su qu'il était différent, décalé. Vers 2 ou 3 ans, il était capable de reconnaître un itinéraire du premier coup, et même de le refaire à l'envers. Un peu plus tard, il n'est jamais arrivé à identifier ses propres coéquipiers lors d'un match de foot. Une petite voiture n'était pour lui qu'un bout de plastique et une épée de bois ne pouvait évidemment tuer personne.

En grandissant, les visages n'ont jamais été des livres ouverts, même dans la tristesse la plus profonde. Lorsqu'il enseignait au Greta (centres de formation pour adultes), il n'a pas compris les larmes qui coulaient sur les joues de ses stagiaires : un collègue était mort et lui, qui restait plein d'entrain, a choqué.

Jérôme Ecochard, aujourd'hui âgé de 54 ans, a toujours été mis à l'écart pour des comportements jugés déplacés. Il en a fait deux dépressions, dont une très sévère. En 2005, il finit par avoir la clé : il découvre, à 47 ans, qu'il est autiste, atteint du syndrome d'Asperger, un trouble du développement appartenant au spectre autistique.

Selon une étude britannique menée en mai 2011 par Traolach Brugha (université de Leicester), 1 % de la population adulte au Royaume-Uni serait atteinte d'autisme, et la plupart de ces sujets l'ignoreraient. En France, aucune étude épidémiologique n'existe, mais sur les forums Internet, comme dans les associations, les appels au secours se multiplient.

LEUR HANDICAP EST SOCIAL

Pour Danièle Langloys, présidente de l'association Autisme France, seuls 10 % des adultes atteints d'autisme auraient été correctement diagnostiqués. Une partie de ces autistes ignorés est déjà prise en charge, mais pour des pathologies associées et visibles, comme le retard mental ou le trouble psychomoteur. Le diagnostic permet alors de se diriger vers un traitement approprié.

L'étude de Traolach Brugha pointe surtout ceux qui sont passés inaperçus dans la société, notamment les autistes atteints du syndrome d'Asperger. Leur handicap est social : ils ne saisissent pas les codes qui régissent les comportements. Ils ne comprennent pas le second degré inhérent à toute conversation.

Elaine Hardiman-Taveau, présidente fondatrice d'Asperger Aide France, explique : "Si un enseignant dit à un enfant Asperger : "Il y a un papier par terre", l'enfant dira : "Oui." Mais il ne comprendra pas le second degré qui est : "Tu dois le ramasser et le mettre à la poubelle." L'enseignant va alors penser que l'élève est mal élevé et va le gronder."

Leur autisme engendre en outre des comportements peu sociaux : mouvements répétitifs, intérêts spéciaux (centres d'intérêt restreints et envahissants), difficulté à regarder dans les yeux, hypersensibilité au bruit, au toucher. De petits signes extérieurs d'un handicap invisible.

SE CONCENTRER POUR SE "BLOQUER"

Enfant, Jérôme Ecochard était souvent moqué, isolé, mais pas de quoi inquiéter un adulte. "J'étais la risée de tous, témoigne-t-il, mais j'ai eu la chance que mon intérêt spécial corresponde à une matière scolaire. J'étais bon en sciences. Je n'étais donc pas plus bête que les autres et ça me donnait un statut."

Petite fille un peu étrange par son obsession pour les dinosaures, et pas très douée en motricité fine, Manon Toulemont a également passé le stade de l'enfance sans éveiller de soupçon. Jugée surdouée pour avoir appris à lire toute seule à l'âge de 4 ans, "pour pouvoir tout lire sur les dinosaures", elle arrivait même à se concentrer pour se "bloquer" et supporter le contact physique avec les autres. Mais à l'adolescence, toute sa stratégie s'effondre. "Plus je grandissais et plus j'étais isolée. Au collège, les codes sont devenus trop compliqués pour moi", raconte la jeune femme, aujourd'hui âgée de 20 ans.

A l'époque, cette frêle Parisienne aux longs cheveux châtains ne supporte plus son exclusion et nourrit une colère contre le monde entier. Elle emporte un couteau au lycée, se griffe, détruit des posters, des objets importants pour elle. Sans réaction des adultes, elle décide, à 15 ans, d'aller voir une psychologue.

"Je voulais qu'elle convainque mon entourage de m'écouter, se souvient-elle. Mais elle m'a diagnostiqué un stress post-traumatique et une psychose." Avec la panoplie de lourds antidépresseurs. Il faut dire que Manon Toulemont, devenue spécialiste des tueurs en série, son nouvel intérêt spécial, singe Dexter, le serial killer de l'écrivain Jeff Lindsay, sur le canapé de la psychologue.

UNE LONGUE ERRANCE DIAGNOSTIQUE

Pour Elaine Hardiman-Taveau, cette violence se retrouve souvent dans les parcours de ces exclus : "Il y a beaucoup d'Asperger dans les prisons, ou dormant sur les bouches de métro, assure-t-elle. Plus ils sont maltraités et plus leur comportement empire !"

Pour pouvoir s'intégrer, la plupart des autistes atteints du syndrome d'Asperger imitent ou jouent les rôles qu'ils pensent que l'on attend d'eux. Et se perdent dans une longue errance diagnostique. Manon Toulemont a vu quatre psychologues, mais c'est sa mère qui trouva le nom de son handicap sur Internet, avant un diagnostic officiel à presque 17 ans.

Jean-Michel Devezeau a obtenu le sien le 5 septembre, à 36 ans, après avoir fréquenté cinq cabinets de psychiatre et de psychologue. Réfugié dans un village des Hautes-Alpes pour fuir le bruit de Marseille, il a trouvé par lui-même... alors qu'il se renseignait sur l'autisme de son fils. Il s'est aperçu que, pendant plus de vingt ans, il avait développé une stratégie d'imitation à outrance.

Après une scolarité écourtée à cause du harcèlement dont il est victime, il parvient à dominer sa gestuelle, à regarder dans les yeux lors des entretiens d'embauche, et réussit à décrocher des petits boulots dans l'informatique ou la boucherie. Qui ne durent jamais. "Je tenais les premiers mois, mais ça me demandait trop d'énergie, je ne suivais plus", témoigne-t-il.

MAL-ÊTRE

Même schéma côté sentimental. Le doux jeune homme attire les femmes par sa timidité touchante et ses conversations intellectuelles. Mais difficile d'aller plus loin : Jean-Michel Devezeau ne connaît que l'intellect. Impossible pour lui d'afficher et de lire les émotions. "Se comprendre d'un regard... ça ne m'arrivera jamais !", lâche-t-il.

Ses histoires ne durent que le temps du rôle qu'il se donne. La plus longue a tenu quatre ans, il en a eu un fils. "C'était un réflexe pour s'intégrer, explique-t-il. Je posais plein de questions sur la personne, puis je copiais sa personnalité."

Mettre un nom sur son mal-être lui a permis de résoudre la crise identitaire qu'il portait depuis tant d'années. Mais le diagnostic officiel a été difficile à obtenir. "J'ai longtemps cherché un spécialiste de l'autisme qui ne traite pas que les enfants", témoigne-t-il. "De nombreux départements, comme la Loire, n'ont pas un seul psychiatre qui accepte de diagnostiquer les adultes", souligne Danièle Langloys, d'Autisme France.

"Nous sommes submergés de demandes de toute la France, avec une liste d'attente de six mois. Mais nous n'avons pas les moyens de répondre à tout et d'assurer un suivi", ajoute le professeur Marion Leboyer, responsable du pôle psychiatrie du CHU de Créteil et directrice de la fondation scientifique FondaMental, qui travaille notamment sur le syndrome d'Asperger.

Pourtant, le diagnostic peut apporter un immense soulagement. "Je sais aujourd'hui que je ne suis pas fou", lâche Jean-Michel Devezeau. Pour Jérôme Ecochard, "le diagnostic permet de relire sa vie à travers cette nouvelle grille. [Il] étai[t] une véritable énigme". Le Grenoblois aux yeux bleus rêveurs et à l'allure un peu gauche avait pourtant réussi à s'intégrer au prix de gros efforts.

DES OUTILS DE COMPENSATION

Etudiant brillant à l'écrit, passionné de sciences, il perdait tous ses moyens à l'oral et n'a jamais pu soutenir sa thèse de physique. Il s'est donc tourné vers les concours de la fonction publique, avec d'abord le Greta puis le CNED et des postes éloignés de sa vocation, la recherche.

Il a vite appris à cacher ses "bizarreries" à ses collègues : "J'ai compris qu'il fallait regarder les gens dans les yeux mais, si je le fais trop longtemps, je perds le fil de la conversation." Malgré ces efforts, il reste très isolé et ses rares relations amoureuses ne durent que quelques mois. L'une d'elles l'a plongé dans une grave dépression. "Elle me disait qu'elle avait l'impression de vivre avec un étranger", résume-t-il.

Est-il psychotique ? Pervers ? En 2003, il tombe enfin sur un article sur l'autisme Asperger dans lequel il se reconnaît entièrement. La réponse à toutes ses questions existentielles. Le diagnostic, posé deux ans plus tard, lui permet d'obtenir un poste aménagé de correcteur et un bureau isolé au sein du CNED, dans un campus niché au creux des Alpes. Seul dans sa petite pièce, il peut se laisser aller à ces balancements qui le calment et ne craint plus que le bruit de la photocopieuse un peu trop près de sa porte, "mais je mets des boules Quies", ajoute-t-il.

Connaître la réalité de son handicap permet également à ces autistes de se doter d'outils de compensation. "J'ai mis en place une base de données intellectuelle sur chaque comportement "normal" que j'ai pu croiser et je l'enrichis dès que j'observe une situation nouvelle", explique Manon Toulemont, qui vient de publier un roman, Symfonia Ouverture (éditions du Rocher, 2011), premier volet d'une saga fantastique mettant en scène toutes les facettes de sa personnalité. Exemple tout bête : "Je sais qu'il faut être souriant quand on rencontre quelqu'un pour la première fois, même s'il n'y a aucune raison."

La seule situation quotidienne qui lui échappe encore se déroule à la boulangerie. "Je n'ai pas encore pu bien observer comment les gens géraient ce moment où il faut à la fois prendre le pain et la monnaie... je panique toujours !" Quant aux relations sociales plus approfondies, elles demeurent difficiles. Manon Toulemont lance désabusée : "J'essaie déjà de comprendre l'amitié, alors l'amour..."

Cécile Bontron

28 décembre 2012

L'éditorial du directeur du SFARI : 2012 en revue

Gerald D. Fischbach
20 Décembre 2012

 
 
Nous avons appris au fil des ans que le paysage génétique de l'autisme est complexe. La diversité énorme des ARN et des modifications des protéines va certainement ajouter à cette complexité, tout comme les influences de l'environnement. Mais comme les articles notables de 2012 le montrent, nous sommes, enfin, sur le chemin.
Plusieurs articles de cette année ont clarifié le paysage génétique de l'autisme. Les quatre articles dont je discute ci-dessous ont tous fortement recherché les mutations ‘de novo’, ou spontanées, dans les familles simplex [avec un seul enfant affecté].
Trois des quatre études sont basées sur les familles de la collection Simplex Simons (SSC), financée par la Fondation Simons, l'organisation mère de SFARI.org. La structure quadruple - avec des échantillons provenant de deux parents non atteints, un enfant autiste et un frère/soeur non atteint – a ajouté à la puissance statistique des résultats.
Même si elles sont individuellement rares, on estime actuellement que plus de 400 mutations aberrantes «cibles» seront trouvées, et pourront représenter une fraction importante de tous les cas idiopathiques d'autisme - ceux qui ont une cause inconnue.
Un critère essentiel est la récurrence. Les études ont identifié un certain nombre de variantes chez plusieurs personnes, et le nombre va sûrement augmenter à mesure que les chercheurs complètent les analyses du SSC et scrutent d'autres cohortes pour des candidats probables.
Les premières analyses des réseaux de gènes et de protéines pointent fortement sur la construction des protéines au niveau des connexions excitatrices et inhibitrices entre les neurones, sur le système immunitaire, et sur la structure de la chromatine.
Environ 30 % des personnes atteintes du syndrome de l'X fragile ont des traits d'autisme. La découverte qu'il y a un chevauchement important entre les facteurs de risque d'autisme ‘de novo’ et un sous-ensemble de protéines qui interagissent avec la protéine FMRP - la protéine manquante dans le syndrome de l'X fragile - est d'une grande importance.
 

Effet commun

De rares variantes ‘de novo’ ne sont pas la seule source de variation génétique qui augmente le risque d'autisme.
Dans leur article, Klei et al. ont fourni la preuve que des variantes communes qui ont un effet faible ou négligeable d’elles-mêmes peuvent contribuer à l'autisme dans 40 % des cas simplex et dans plus de 60 % des familles multiplex - ceux qui ont plus d’un enfant autiste.
L'accent mis sur la génétique n'exclut certainement pas le rôle des influences de l'environnement.
Plusieurs observations indiquent une altération de la réponse immunitaire, par exemple. Les modèles animaux de l'autisme et les cerveaux post mortem d'enfants et d'adultes atteints de la maladie ont été montrés comme ayant plus d’astrocytes et de microglies activés que les témoins. Des études ont également révélé des niveaux modifiés de cytokines dans le cerveau post-mortem, le liquide céphalo-rachidien et le plasma des personnes atteintes d'autisme.
Deux articles de cette année ont abordé la question de la cause et de l'effet en utilisant la greffe de moelle osseuse dans un modèle animal (souris) de syndrome de Rett et un modèle immunitaire de l'autisme.
Chez les souris Rett, la transplantation améliore symptômes respiratoires et autres, et normalise différents marqueurs de la réponse immunitaire. Les souris traitées sont également devenues plus actives et vivent plus longtemps que les souris non traitées. Mais comment les microglies - que les chercheurs ont rapporté comme étant cruciales dans le traitement - font leur travail reste incertain.Dans le domaine de la thérapeutique, des médicaments qui imitent l'action de l'acide gamma-aminobutyrique ou GABA, le neurotransmetteur qui sert d’intermédiaire pour l’inhibition, se sont tenus au centre.
Il est désormais admis qu'un corrélat de l'autisme est un déséquilibre entre excitation et inhibition (E / I) dans des régions critiques du cerveau. Bien que l'on ne peut pas être plus précis à l'heure actuelle, des tentatives sont en cours pour manipuler cet équilibre avec des médicaments qui améliorent la signalisation par le GABA et atténuent la signalisation par le glutamate neurotransmetteur excitateur.
L’Arbaclofen, un agoniste GABA-B, s'est avéré peu efficace dans les deux essais avec syndrome de l'X fragile. Dans le premier, en double aveugle, l’étude croisée contrôlée par placebo de 65 individus porteurs de la mutation complète de l’X fragile, les chercheurs ont observé des "tendances positives" dans "plusieurs mesures   globales."
Un autre groupe a étudié l’arbaclofen chez les souris dépourvues FMR1, le gène de l’X fragile. Les chercheurs ont constaté que l’arbaclofen restaure la synthèse des protéines dans le cerveau des souris à des niveaux normaux. Surtout, l'administration chronique d’arbaclofen diminue la densité des épines dendritiques - les branches de neurones  pour la réception de signal - chez les souris mutantes, mais pas chez les témoins.
 

Dysfonctionnement cérébral

Dans un autre article élégant, les chercheurs ont décrit comment éliminer un gène appelé TAOK2 change la forme des dendrites. Ce gène est présent dans la région chromosomique 16p11.2, qui est fortement liée à l'autisme. TAOK2 interagit avec trois protéines, NRP1, Sema3A et JNK. Ces interactions peuvent être un facteur important dans l’équilibre E / I .
Certaines des premières études sur des modèles de souris et des autopsies humaines ont trouvé des preuves de la fonction du cervelet altérée dans l'autisme. Un article publié cette année a démontré que le nombre de cellules de Purkinje baisse de 60 % après deux mois et de 80 % après quatre mois chez des modèles de souris de la sclérose tubéreuse complexe.
Les souris montrent également des modifications radicales dans la forme de l'arbre caractéristique des cellules   dendritiques de Purkinje, avec une densité réduite dans la colonne vertébrale. Ils ont plusieurs comportements de type autistique, notamment le manque d'intérêt pour une autre souris, le toilettage répétitif, et plus de vocalisations par rapport aux témoins. Fait intéressant, la perte de cellules de Purkinje se produit longtemps après que les comportements altérés ont d'abord été observés. Il est encourageant de constater que tous ces symptômes peuvent être évitées et annulés par un traitement à la rapamycine.
En dépit de l'hétérogénéité de l'autisme dans la population humaine et les modèles animaux, la plupart des chercheurs se concentrent sur les réponses moyennes. L'éventail des réponses est grand, donc beaucoup d'animaux sont nécessaires. En particulier, les enregistrements d’IRM électrophysiologique ou fonctionnelle du cortex cérébral sont particulièrement variables.
Un article important a appelé l'attention sur la possibilité que la variation entre les réponses corticales peut contenir des informations importantes. En examinant plusieurs modalités sensorielles, les chercheurs ont constaté que les réponses moyennes ne sont pas différentes entre les autistes de haut niveau et les individus neurotypiques du groupe contrôle, mais que la variabilité des réponses est différente entre les deux groupes. Ils ont exclu les artefacts du mouvement en utilisant des expériences astucieuses à l'aide de réponses globales enregistrées dans les mêmes régions d'intérêt.
Cela introduit un nouveau concept inattendu d'un «cerveau intrinsèquement bruyant" chez les autistes qui doit être expliqué et pourrait éventuellement servir de biomarqueur pour ce désordre. Les analyses de la fonction des gènes dans des modèles animaux devraient peut-être examiner la variabilité individuelle autant que des changements dans la réponse moyenne.
Le défi pour 2013 est de mettre ces découvertes en génétique, en circuits neuronaux et en comportements un peu plus ensemble, et d'utiliser toutes les informations pour penser à de nouvelles approches thérapeutiques.
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28 décembre 2012

Autisme : la recherche avance

article publié dans RTFLASH



L’autisme est un trouble grave et envahissant du comportement (La Haute Autorité de Santé définit l’autisme comme un trouble neuro-développemental) qui existe partout dans le monde et toucherait à présent près de 70 millions de personnes.

Sa prévalence serait passée en 50 ans d’une naissance sur 2000 à une naissance sur 150 de nos jours, sans qu’on puisse clairement expliquer les raisons de cette très forte progression qui ne semble pas seulement liée à l’évolution des critères médicaux et scientifiques internationaux de définition de cette affection.

En France, les estimations du nombre de personnes atteintes d’autisme varient de 300 000 à 600 000 et les principales associations retiennent généralement le chiffre moyen de 440 000 personnes autistes (dont les trois-quarts sont des hommes), ce qui représente l’équivalent de la ville de Lyon.

Il existe aujourd’hui un large consensus scientifique pour considérer que l’autisme est une maladie complexe dont les causes sont multiples et font intervenir de manière intriquée des facteurs génétiques, biologiques, environnementaux, psychologiques, affectifs et familiaux.

La prise en charge de ce trouble reste très insuffisante dans notre pays mais, grâce aux efforts des médecins, des familles et des associations, les choses sont en train d’évoluer et les pouvoirs publics ont pris conscience de la gravité de ce problème et ont déclaré l’autisme « grande cause nationale 2012 ».

Un troisième plan autisme doit être annoncé dans quelques semaines et, s’appuyant sur les dernières avancées scientifiques, il va mettre l’accent sur la question capitale du dépistage précoce de cette maladie.

Il est en effet possible aujourd’hui, grâce à de nouveaux outils de dépistage, de repérer l’autisme entre 18 mois et 3 ans, ce qui permet, en utilisant l’extraordinaire plasticité du cerveau des jeunes enfants, de mettre en place des thérapies qui obtiennent de bien meilleurs résultats en terme de réinsertion sociale, éducative et relationnelle.

En matière de dépistage précoce, des chercheurs de l’Université of Pittsburgh viennent ainsi de montrer qu’il était possible, en analysant l'acoustique des cris du nourrisson à 6 mois, de repérer des nourrissons qui présentent un fort risque de trouble autistique et qui seront diagnostiqués comme autistes à l’âge de trois ans.

Il existe plusieurs approches complémentaires de l’autisme, trouble dont le polymorphisme mobilise à la fois les neuro-sciences, la biologie, la génétique, la psychologie et la psychanalyse. Ces différents « angles de vision » sont tous nécessaires pour avancer dans la compréhension de cette affection.

Si l’autisme a une base génétique indéniable (comme le montre le risque d’autisme pour les vrais jumeaux quand l’un des deux est touché, qui est de l’ordre de 70 %, contre 10 % pour les faux jumeaux), on sait aujourd’hui, grâce à de vastes études réalisées au cours de ces dernières années, qu’une multitude de gènes distribués dans des régions très différentes du génome sont impliqués à des degrés variables dans le risque d’autisme. En outre, ces prédispositions génétiques très complexes auront une expression complètement différente en fonction des nombreux facteurs environnementaux et familiaux propres à l’enfant.

Comme le montre de manière remarquable Bertrand Jordan dans son livre « L’autisme : le gène introuvable », l’approche génétique, pour indispensable qu’elle soit, ne saurait à elle seule expliquer l’autisme, sauf à tomber dans une forme de réductionnisme scientifique stérile.

Il n’en demeure pas moins vrai que les avancées dans la connaissance des mécanismes biologiques et génétiques à l’œuvre dans l’autisme sont réelles. De récentes recherches publiées en avril 2012 par trois équipes américaines (La première du Harvard-MIT Broad Institute, la seconde de l'université de Yale et la troisième de l'université de Washington) ont ainsi montré pourquoi un père âgé de plus de 40 ans avait six fois plus de risque d'avoir un enfant autiste qu'un père âgé d'une vingtaine d'années (Voir l'excellent article).

La forte augmentation de ce risque provient de l’augmentation statistique de la fréquence de certains types de mutations génétiques chez les pères plus âgés.

Mais, comme l’admettent à présent la plupart des chercheurs, une connaissance très fine des facteurs génétiques de l’autisme ne suffira pas pour mettre au point un test diagnostique infaillible et, en supposant même qu’on parvienne un jour à identifier l’ensemble des gènes, protéines et interactions génétiques impliqués dans l’autisme, on ne pourrait qu’estimer la probabilité, pour un cadre environnemental donné, de développer ce trouble. 

Une autre voie de recherche encore balbutiante mérite d’être évoquée. Il s’agit des effets sur le développement cérébral de l’exposition, à certains âges de la vie, à une pollution chimique diffuse.

Des recherches chez l’animal menées par des chercheurs américains de l'Université de Davis ont montré que certaines substances chimiques présentes dans notre environnement pouvaient avoir des effets néfastes sur le développement du cerveau et perturber la capacité relationnelle et les fonctions cognitives jusqu’à aboutir à des symptômes proches de ceux de l’autisme (Voir SFARI).

Une autre équipe de recherche de l'Université de Californie du Sud dirigée par Pat Levitt, a pu montrer, pour sa part, dans une étude publiée fin 2010, qu’une exposition précoce et prolongée au benzopyrène, un composant chimique des gaz d'échappement des moteurs diesel, entraînait une perturbation de la synthèse de méthionine, une protéine indispensable à la bonne interconnexion des neurones (Voir NCBI).

Enfin, il y a quelques semaines, une nouvelle étude américaine, dirigée par la professeure Heather Volk, de l'Université de Californie du Sud, a confirmé ce lien puissant entre niveau de pollution et risque d’autisme. Selon ces travaux qui ont porté sur plus de 500 enfants, les enfants qui avaient été exposés pendant leur première année de vie à un haut niveau de pollution de l’air et dont les mères avaient elles mêmes été exposées à une forte pollution pendant leur grossesse, avaient trois fois plus de risques de développer un trouble autistique (Voir JAMA).

En matière de nouvelles perspectives thérapeutiques, certaines études récentes ont montré qu’une prise en charge médicamenteuse de l’autisme était, dans certains cas envisageable et pouvait, sans constituer une panacée ni écarter les autres formes de thérapies, déboucher sur de réels progrès pour les malades.

La première de ces pistes concerne les effets préventifs de certaines vitamines.

Plusieurs études ont en effet montré qu’une supplémentation en magnésium et vitamine B6 avait des effets positifs sur le comportement des enfants autistes.

En 1985, une étude réalisée sur 60 enfants autistes avait montré une amélioration du comportement des enfants grâce à une supplémentation associant vitamine B6 et magnésium.

En 2006, une autre étude française réalisée sur 33 enfants souffrant de troubles autistiques a confirmé que la prise régulière pendant huit mois de vitamine B6 associée au magnésium améliorait, chez 23 d’entre eux, le niveau de communication et d’interactions sociales (Voir Etude).

Une étude suédoise a également montré un lien entre le niveau de vitamine D chez la mère et le risque d’autisme chez l’enfant. Dans cette étude, les chercheurs ont constaté que des femmes immigrantes d'origine somalienne ayant eu un enfant autiste présentaient toutes des niveaux très faibles de vitamine D.

Or, on sait que l'autisme est plus fréquent dans les régions à faible ensoleillement et chez les personnes à peau sombre qui présentent plus souvent des carences sévères en vitamine. Ce lien entre vitamine D et risque d’autisme vient d’être confirmé il y a quelques jours par une nouvelle étude américaine publiée dans la revue Dermato-Endocrinology.

Ces travaux qui ont porté sur des enfants âgés de 5 à 17 ans, ont montré que les risques de développer un trouble autistique étaient divisés par deux dans les états américains où le niveau d’ensoleillement était le plus important en été. En revanche, dans les états du Nord, à faible niveau d’ensoleillement, les Américains de couleur voyaient leur risque d'autisme augmenter de 40 % (Voir Landes Bioscience).

Plus récemment, en juillet 2012, une autre étude américaine portant sur 429 mères d'enfants de 2 à 5 ans atteints d'autisme a montré quune supplémentation en vitamine B9 (acide folique) au début de la grossesse diminuait le risque d'autisme (Voir University of California et The American Journal of Clinical Nutrition).

Ces recherches ont montré qu’une prise journalière d’au moins 600 microgrammes d’acide folique réduisait de 38 % le risque pour les futurs enfants de développer un trouble autistique.

Mais, observation encore plus intéressante, cet effet protecteur de l’acide folique n’était pas le même pour toutes les mères et variait sensiblement en fonction de la présence ou non de certaines mutations génétiques chez la mère, ce qui confirme pleinement le rôle déterminant des interactions entre gènes et environnement dans cette affection.

La deuxième piste intéressante est celle du traitement hormonal.

Une étude remarquée, publiée en janvier 2010 et conduite par Angela Sirigu sur 13 adultes autistes atteints du syndrome d'Asperger (une forme particulière d'autisme), a montré qu’une hormone, l'ocytocine, semblait fortement impliquée dans l’intensité des symptômes autistiques (Voir article dans PNAS).

Cette étude montre que l'administration d’ocytocine permet à certains autistes de retrouver un niveau de relations affectives et sociales plus satisfaisant. L’hypothèse défendue par Madame Sirigu est que ces patients possèdent bien toutes les compétences sociales nécessaires mais ne peuvent les exprimer à cause de l’angoisse et du stress résultant de l'interaction sociale.

Enfin, la dernière piste a été révélée il y a quelques jours, le 11 décembre, par Yehezkel Ben-Ari, fondateur et directeur honoraire Inserm de l'Institut de neurobiologie de la Méditerranée et Eric Lemonnier, clinicien spécialiste de l'autisme au CHRU de Brest.

Ces deux chercheurs reconnus viennent de publier les résultats d'un essai en double aveugle portant sur les effets thérapeutiques d'un diurétique dans le traitement de l'autisme.

Dans cette étude, soixante enfants autistes de 3 à 11 ans recevaient pendant 3 mois un placebo ou un diurétique ayant pour effet de diminuer les niveaux de chlore intracellulaire (Voir article Nature).

Ces travaux ont montré que ce diurétique entraînait chez une majorité d’enfants (77 % d’entre eux) une diminution sensible des symptômes liés à l’autisme.

Ce résultat surprenant s’expliquerait par le fait que le chlore inhiberait la production du GABA (acide gamma-aminobutyrique), le principal neurotransmetteur inhibiteur du système nerveux central, ce qui aurait pour effet de réduire l’intensité des symptômes de l’autisme et d’améliorer le niveau de communication des enfants souffrant de ce trouble.

Ces recherches et découvertes multiples, surprenantes et passionnantes, montrent à quel point il est important de reconnaître l’extrême complexité de l’autisme et d’appréhender cet ensemble de troubles dans toutes leurs dimensions, sans se laisser enfermer dans une approche unique ou un paradigme réducteur.

Souhaitons que ces avancées scientifiques et médicales permettent, dans le nouveau cadre d’une meilleure reconnaissance de cette affection par notre société, de prendre en charge plus précocement et plus efficacement, en étroite coopération avec les familles et les associations, les personnes souffrant de ces troubles afin de permettre, autant que possible, leur insertion sociale, professionnelle et relationnelle, dans le respect de leur singularité existentielle et de leur dignité.

René TRÉGOUËT

Sénateur Honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

 

28 décembre 2012

Autisme : Pascal Brun lance un appel à la mobilisation

Publié le vendredi 28 décembre 2012 à 10H28

Pascal Brun : « Il faudrait que les financements soient au moins doublés »

Pascal Brun : « Il faudrait que les financements soient au moins doublés »

Aube - Le troisième plan autisme est annoncé pour le début de l'année 2013. Avec deux priorités d'ores et déjà évoquées par Arlette Carlotti, ministre en charge des Personnes handicapées : le dépistage et le diagnostic précoce.
Pascal Brun, père d'une jeune autiste, très impliqué dans les revendications en faveur des enfants touchés par ces troubles autistiques, serait ravi que ces axes soient retenus.
Mais pour le moment, il ne cache pas sa déception. « 2012 avait été décrétée année de l'autisme, mais il ne s'est pratiquement rien passé », confie-t-il. Seule véritable concrétisation, une étude lancée par le Conseil économique et social dont les conclusions doivent servir de base au 3e plan autisme. « Pour le reste, mis à part deux IME (instituts médico-éducatifs NDLR) et un troisième en construction lancés par une association de parents, je constate que les collectivités ne prennent pas l'initiative », regrette cet Aubois.
Pourquoi une telle situation ? Pourquoi cette année n'a-t-elle pas permis d'obtenir de véritables avancées ? « Nous souffrons d'une exception à la française. C'est le poids de la psychiatrie, l'héritage du freudisme et du lacanisme. C'est un véritable obstacle à l'émancipation de l'autisme, alors qu'on sait bien aujourd'hui qu'il n'existe pas de rapport entre l'autisme et la psychiatrie. Même le personnel est encore formé avec cette idée que l'autisme est une maladie mentale », constate Pascal Brun.


Dépistage dès 18 mois


La France compte 450 à 600 000 autistes. Pour eux, il souhaite que des avancées soient enfin obtenues sur quelques points majeurs : le dépistage systématique dès l'âge de 18 mois, la prise en charge de la scolarité avec des assistantes de vie scolaire, des mesures pour que les enfants soient pris en charge après l'école primaire, précisément dans les collèges. « Dans la structure mise en place à Troyes, avenue Pasteur, une quinzaine d'enfants sont accueillis. Mais ils ne sont pris en charge que durant six ou sept heures par semaine. C'est insuffisant. Il faudrait que les financements soient au moins doublés », indique-t-il. Aussi lance-t-il un appel aux élus et aux parents d'enfants autistes « pour qu'enfin intervienne une prise de conscience avec à la clé des moyens suffisants ». Sera-t-il entendu ?

Contact :
Pascal Brun
pascal.brun@ac-reims.fr
Tél. 06 95 59 20 80.

27 décembre 2012

Autisme : réponse à la question de M. Yves Foulon (Assemblée Nationale)

publié sur le site de l'Assemblée Nationale

14èmelégislature

Question N° : 1511 de M. Yves Foulon ( Union pour un Mouvement Populaire - Gironde ) Question écrite
Ministère interrogé > Affaires sociales et santé Ministère attributaire > Handicapés
Rubrique > handicapés Tête d'analyse > politique à l'égard des handicapés Analyse > autistes. perspectives
Question publiée au JO le : 24/07/2012 page : 4435
Réponse publiée au JO le : 25/12/2012 page : 7933
Date de changement d'attribution : 11/12/2012
Date de renouvellement : 13/11/2012

Texte de la question

M. Yves Foulon appelle l'attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur l'autisme, consacré Grande cause nationale 2012 par le Premier ministre François Fillon. Cette maladie, généralement constituée vers l'âge de deux ou trois ans, se manifeste par une triade de symptômes associant troubles de la socialisation, de la communication et du comportement, pouvant ainsi retarder le développement des enfants de façon variable et hétérogène. Les solutions esquissées pour favoriser la participation sociale des autistes restent, selon l'association Vaincre l'Autisme, encore trop timides et ne permettant donc pas de faire tomber les préjugés sur ce handicap encore trop peu connu. Pourtant, la proportion de personnes atteintes de ce handicap au sein de la population représente une naissance sur cent cinquante, c'est pourquoi il devient urgent d'améliorer la prise en de ces enfants dès leur plus jeune âge, afin de les aider à communiquer avec leur entourage. Ainsi, en développant des structures spécialisées et surtout en favorisant leur intégration au sein des écoles publiques, ces enfants auront davantage de chances de créer le lien avec la société. La meilleure gestion de ce handicap passe également par la mise en place de formations à destination des parents, qui leur permettraient de mieux comprendre et d'appréhender dans le temps cette lourde épreuve. Ils seraient ainsi, eux aussi, moins isolés. Il souhaite par conséquent connaitre les mesures concrètes envisagées par le Gouvernement afin d'améliorer la prise en charge des enfants autistes.
Texte de la réponse

La France est très en retard dans le dépistage et la prise en charge de l'autisme. Il revient au nouveau Gouvernement de réaliser concrètement le troisième plan autisme. C'est aujourd'hui un impératif : la prévalence de l'autisme est de plus en plus importante, alors que les outils de dépistage et l'offre d'accompagnement sont gravement insuffisants. Plusieurs milliers de familles françaises sont obligées d'aller en Belgique pour voir leur enfant bénéficier d'une réponse efficace à ses besoins. C'est pourquoi il faut agir vite, et sur plusieurs plans. Renforcer la recherche, dans le champ épidémiologique comme dans le champ social. Développer l'offre d'accompagnement, à partir d'un dépistage plus précoce et en tenant compte des recommandations publiées le 8 mars 2012 par la Haute autorité de santé et l'Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux. Changer de regard sur l'autisme et changer de pratiques. Cela passe à la fois par la sensibilisaation de l'opinion publique et par une meilleure formation des professionnels, notamment des médecins et des pédiatres. La logique générale dans laquelle ce plan va s'inscrire est celle de la personnalisation et de l'accessibilité du milieu ordinaire. Et des mesures spécifiques de soutien aux aidants familiaux seront mises à l'étude. La ministre déléguée en charge des Personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion a réuni le conseil national de l'autisme le 18 juillet 2012, pour constituer des groupes de travail thématiques autour de ces axes. Ces groupes se réuniront par tranches d'âge et par thèmes jusqu'à la fin de l'année, sous le suivi attentif d'un groupe ad hoc. Le troisième plan sera lancé formellement au début de l'année 2013, afin de répondre aux besoins réels des personnes avec autisme et de ceux qui les entourent.
27 décembre 2012

Expertise de l'INSERM sur les psychothérapies (2004)

24 décembre 2012

joyeux noel

24 décembre 2012

Film : Autisme solutions d'espoir, ou comment faire face à ce que le pays peut faire de pire ...

 

Un documentaire choc sur les adultes autistes

J’ai enfin trouvé le courage de regarder le documentaire du réalisateur Romain Carciofo , « Autisme, solutions d’espoir », qui montre le quotidien d’adultes autistes. Ce film de 50 minutes vient d’être diffusé dans plusieurs régions par France 3, et  est en ligne depuis le 22 décembre sur leur site.

Étant en contact régulier avec des familles d’adultes autistes, je savais plus ou moins ce que j’allais y découvrir, et c’est bien pour cela qu’il me fallait du courage pour le voir.

J’ai été profondément touchée par ce documentaire, que je trouve très bien fait : au début, le réalisateur explique très simplement comment il en est arrivé à s’intéresser au devenir des autistes ; puis comment il est amené à rencontrer des familles, à filmer ou essayer de filmer le quotidien d’adultes autistes, à rencontrer des professionnels. Le sujet est traité en profondeur, avec des explications pédagogiques sur ce qu’est l’autisme, et pourquoi il faut le diagnostiquer le plus tôt possible.

 

Où sont les adultes autistes aujourd’hui ?

- Soit ils sont chez leurs parents vieillissants, faute de place.

Des parents sans aide, abandonnés de l’État : on les laisse se débrouiller, et la société évolue comme si ils n’existaient pas. On les laisse sans solutions d’espoir, avec simplement un bel article de loi, l’article L242-4 du CASF,  si peu respecté : [...]toutes les dispositions sont prises en suffisance et en qualité pour créer, selon une programmation pluriannuelle, les places en établissement nécessaires à l’accueil des jeunes personnes handicapées âgées de plus de vingt ans.

Aujourd’hui, je sais que beaucoup de parents d’adolescents autistes sont terriblement inquiets pour l’avenir de leur enfant à l’âge adulte. Ils ont peur de ce qui peut lui arriver quand ils ne seront plus là, comme par exemple la maman de Hugo-Paul, qui me confie qu’elle préférerait ôter la vie de son enfant pour lui éviter de vivre le restant des ses jours dans une institution psychiatrique.

 

Combien de personnes condamnées  ?

 

- Et les autres adultes, ceux qui ne sont pas chez leurs parents ?

Ils sont à la rue ou en établissement inadapté avec comme conséquence des séjours en hôpital psychiatrique, de plus en plus fréquents, pour finalement y rester à vie.

Ces séquences filmées sont insoutenables pour moi, maman d’un enfant autiste qui sera bientôt un adulte. En fait, c’est comme si le gouvernement promettait mon fils à un camp de concentration, à vie. Dans ces images on y voit un être humain moins bien traité qu’un animal de compagnie, comme si il n’éprouvait aucune émotion, aucune douleur, comme si il était mort quelque part. Lentement empoisonné par des neuroleptiques qui l’abrutissent, le font baver, trembler. Une intoxication possible sur simple demande d’ordonnance au psychiatre. Mieux qu’un électrochoc, un choc chimique.

On dirait qu’avec ces adultes, tout est permis : sont-ils encore considérés comme des êtres humains ? Ont-ils seulement des droits ? Quand on lit la charte européenne des droits des personnes autistes, on se dit simplement que décidément non, la France ne mérite vraiment plus d’être dans l’Union Européenne, et oui, là on voit, comme le dit le réalisateur, ce que qu’on peut faire de pire dans ce pays.

 

Un prisonnier des camps de concentration ? Non, c’est Acacio, adulte autiste pris en charge par l’État français…

 

Indignation, incompréhension

Je bouillonne de rage en regardant ces images. Je sais que si ces adultes sont dans un tel état de dépendance aujourd’hui, c’est parce qu’ils n’ont jamais pu bénéficier d’une prise en charge adaptée : le gouvernement y a soigneusement veillé, en les mettant dans les mains de professionnels qui considèrent qu’il n’y a rien d’autre à faire qu’attendre l’émergence du désir de ne plus être autiste.

Je sais en plus que rien n’a changé depuis, ou si peu…

Mais le film ne s’arrête pas là… Car dans le titre il y a « solutions d’espoir », alors oui, de l’espoir il y en a… On le voit, quand le réalisateur nous fait découvrir tout ce qu’une prise en charge adaptée peut amener comme progrès, même sur des adultes autistes auparavant maltraités, devenus violents : on en a la preuve en images, et avec des explications très claires du directeur du centre. Des moyens humains, des activités structurées, encadrées, mais qui ne coûtent pas plus cher que les 900€ que l’État débourse par journées d’Hôpital Psychiatrique. Et aussi le respect de la personne autiste en tant qu’être humain capable de comprendre, d’apprendre, au lieu de « régler le problème » par des piqûres de neuroleptique tout comme ça l’a été pour Acacio (en photo ci-dessus), aujourd’hui en pleine progression depuis son admission dans ce centre.

Acacio, avec une prise en charge adaptée et humaine.

 

Des solutions existent mais rien ne bouge

L’ espoir existe mais il est bien mince, car ce centre est tellement rare, il y en a combien en France ? Pour combien d’adultes autistes ayant besoin d’une place ?

Par exemple, je viens de recevoir ce courrier d’une association de parents d’adultes autistes : cela fait 30 ans qu’ils font tout ce qu’ils peuvent pour ouvrir un centre. Mais ça a toujours coincé au niveau des finances de l’État. Désespérés, désabusés, ils m’envoient cette dernière lettre dans laquelle ils annoncent la fermeture de leur association, puisque aucune solution d’espoir ne leur a jamais été permise.

 

Je suis désespérée de savoir que rien n’est fait pour remédier à cette situation, et il est inutile de compter sur le prochain plan autisme, ni sur une bonne volonté du président de la république et du premier ministre. Ce n’est pas d’un plan autisme que nous avons besoin, mais bien de traiter le problème complètement autrement, par exemple en s’appuyant sur cette proposition d’Autisme France.

Mais pour cela il faudrait peut être qu’il soit reconnu comme un problème de santé publique. Il ne l’est toujours pas… Les politiques préfèrent se concerter ci et là pour savoir quoi faire alors que nous savons parfaitement quoi faire, et en attendant on laisse le massacre se poursuivre ; un massacre, oui, le mot est adapté à la situation…

Un bon test pour évaluer la volonté du gouvernement à faire évoluer les choses sera de voir si la résolution de proposition de commission d’enquête pour mettre fin au scandale français sera retenue par l’assemblée nationale. (résolution  pour l’instant soumise uniquement aux députés UMP)

 

Un petit espoir est dans les médias, qui commencent tout doucement à s’intéresser au problème, à diffuser des films qui peut-être sensibiliseront le public comme ça l’a été pour « Le cerveau d’Hugo » sur France 2 le mois dernier.

Un espoir, en attendant que les familles obligent elles-mêmes l’État à appliquer concrètement ce qui est très clairement mentionné dans l’article L246-1 du CASF :

Toute personne atteinte du handicap résultant du syndrome autistique et des troubles qui lui sont apparentés bénéficie, quel que soit son âge, d’une prise en charge pluridisciplinaire qui tient compte de ses besoins et difficultés spécifiques.

 Adaptée à l’état et à l’âge de la personne, cette prise en charge peut être d’ordre éducatif, pédagogique, thérapeutique et social.

 Il en est de même des personnes atteintes de polyhandicap.

22 décembre 2012

Le cirque Pinder : le cadeau d'Elise pour Noël

affiche-cirque1

Elodie et David ont fait la surprise à Lisou hier ... ils ont été la chercher au foyer pour l'emmener au cirque Pinder ... Cadeau de Noël avant l'heure.

Elise adore le cirque !!!

Petit reportage photos ici

22 décembre 2012

culture pub - J'adore !

21 décembre 2012

Autisme : un médicament expérimental cible le neurotransmetteur glutamate

article publié sur Psychomédia

Un médicament expérimental cible le glutamate, un neurotransmetteur important utilisé par près de la moitié des cellules nerveuses du cerveau, pour le traitement de l'autisme. La molécule réduit, indiquent les chercheurs dont les travaux sont publiés dans la revue Science Translational Medicine, deux comportements chez la souris qui ressemblent à des symptômes importants de l'autisme : le comportement répétitif et le manque de sociabilité.

La molécule GRN-529 inhibe l'activité d'un type de récepteur du glutamate, le mGluR5. Des médicaments de cette classe sont actuellement testés chez l'humain pour le syndrome de l'X fragile qui partage plusieurs symptômes avec l'autisme. Les neurones qui contiennent le glutamate contrôleraient les comportements répétitifs et sociaux.

Jacqueline Crawley et Jill Silverman du National Institute of Mental Health (NIMH) américain et de Pfizer Worldwide Research and Development ont, avec leurs collègues, testé les effets de la molécule sur des souches de souris qui constituent un modèle animal de l'autisme. La molécule réduisait les comportements répétitifs et améliorait la sociabilité sans améliorer la communication.

Ces résultats remettent en question le dogme selon lequel les bases biologiques de la maladie seraient "hardwired" (fixés anatomiquement) durant la période prénatale. "Bien que l'autisme ne soit souvent considéré que comme un handicap nécessitant une réhabilitation, nous pouvons maintenant aborder l'autisme comme un trouble pouvant répondre à des traitements biomédicaux", a commenté Thomas R. Insel, directeur du NIMH.

Des études ayant suggéré que certains gènes impliqués dans l'autisme jouent un rôle dans la formation des synapses (espace de communication entre les cellules où les neurotransmetteurs interagissent avec des récepteurs) ont amené à rechercher des molécules qui pourraient altérer la fonction de ces gènes.

Les experts s'entendent pour souligner qu'il faudra plusieurs années pour vérifier la pertinence d'un tel médicament. Par ailleurs, plusieurs cas d'autisme impliquent d'autres processus qu'une activité excessive du glutamate.

Voyez également:

21 décembre 2012

Autisme, le livre "Qu'ont-ils fait de Florian ?" est-il trop réaliste ?

 

Jean Christophe Pietri est père de trois enfants dont Florian, jeune autiste âgé de 13 ans scolarisé en 6éme normale cette année.

Son parcours pour l’emmener jusque là a été semé d’embûches : le parcours  du combattant habituel, sans répit pour les parents d’enfants autistes. Ces fameux obstacles à l’inclusion scolaire, qui sont bien trop nombreux pour que la majorité d’entre nous puissent les franchir.

Mais les parents de Florian se sont accrochés, et je suis admirative de leur ténacité.

Aujourd’hui, Jean-Christophe, lui-même dyslexique, vient de publier un livre ,« Qu’ont-ils fait de Florian ? », dans lequel il décrit ce parcours personnel… J’ai trouvé ce livre très juste et si réaliste, peut être trop au gout de certains ? Un livre écrit sans langue de bois, qui m’a fait beaucoup rire par ses expressions imagées dignes d’une parodie (sauf que ce n’en est pas une), par le ton humoristique employé. Cet humour est bien souvent salvateur pour survivre, pour pouvoir faire face à des situations souvent inimaginables pour la plupart des parents d’enfants « ordinaires ».

Actuellement ce livre, en vente depuis le 15 novembre, dérange beaucoup de personnes qui sont prêtes à tout pour empêcher sa diffusion… Mais pourquoi  donc ?  L’auteur le raconte très bien dans un interview de Alta Frequenza, une radio corse. Tout cela m’a donné envie d’en savoir plus, je lui ai posé quelques questions pour y voir plus clair.

Que raconte ce livre ?

Il raconte mon histoire et celle de mon fils, qui sert de prétexte à un reportage sur le monde des parents et enfants autistes confrontés à un système dont l’hypocrisie est telle qu’au lieu de vous aider on vous enfonce.

La question fondamentale qu’il pose est « pourquoi un tel acharnement sur un handicap, ou plutôt une différence, qui met tant de gens dans des situations ubuesques mais bien réelles ? »

Je me suis efforcé de montrer le vrai visage d’une France qui par hypocrisie et par manque de courage massacre les personnes autistes.

La question que pose ce livre va plus loin que l’autisme dans une société où l’on forme les gens pour aduler le principe de l’élitisme. Nous avons développé le principe d’enseigner à nos élites de répondre à un problème par une procédure.

Si on répond à la procédure différemment, avec mon regard de dyslexique, que se passe-t-il?

Si on met un grain de sable dans la machine avec les armes de l’administration que se passe-t-il ?

« Qu’ont-ils fait de Florian ? » est à la fois un témoignage, un cours de droit simplifié, un reportage sur les administrations confrontées au problème de l’autisme, mais c’est aussi une histoire d’hommes qui ne se connaissaient pas et qui se sont fait confiance immédiatement pour aller jusqu’au bout.

Concernant le public visé, la question qui s’est posée était de raconter une histoire qui ne concerne pas uniquement les personnes ayant des membres de leur famille avec autisme. C’était trop restrictif et n’aurait pas attiré l’attention sur notre cause.

J’ai  donc voulu raconter une histoire qui s’adresse à tout citoyen qui, par le biais du problème de l’autisme, pourra réfléchir au fonctionnement de notre société.

Quels objectifs visais tu en l’écrivant ?

Mettre en évidence le scandale de l’autisme avec le problème de la distribution démente des crédits : nous dépensons l’argent pour l’entretien d’une Ferrari pour avoir la rentabilité d’une mobylette.

Le livre ne fait pas de concessions, ni à l’Education nationale, ni à l’Agence Régionale de Santé (ARS), ni à la Maison Départementale de la Personne Handicapée (MDPH), même les éducateurs, associations de parents et parents d’enfants autistes en prennent pour leur grade.

Il est volontairement dérangeant pour créer un électrochoc.

S’il crée des réactions, quelles quelles soient, alors j’aurai réussi mon pari : médiatiser la cause de l’autisme sans pleurer, sans se plaindre, mais en demandant notre dû ainsi que la réparation du mal fait aux adultes autistes.

Quelles réactions espérais tu obtenir de la part des lecteurs en écrivant le livre ?

Plusieurs réactions et de divers types :

- À une réaction violente, du genre de celle qui a lieu actuellement avec des interventions dans les librairies de Bastia pour interdire la lecture de mon livre, comme les nazis sous le 3ème Reich, ce qui prouve que pour certains dans notre pays la diffusion d’idée n’est pas si libre que cela.

- Une réaction de gêne car qu’on le veuille ou non le livre est dérangeant.

- Une compréhension de mon message : on ne négocie pas avec des gens qui ne veulent pas négocier surtout quand le droit est pour nous.

- Enfin, une réaction de soutien des médias, durable pour rappeler aux pouvoirs publics de ne pas nous oublier.

Si une seule de ces réactions est atteinte, alors une petite pierre sera apportée à notre cause.

Quelles sont les réactions des lecteurs ?

Elles sont assez diverses:

- Violentes, insultantes même. Certains considèrent le livre comme un ouvrage qui massacre l’Éducation Nationale ou les associations, d’autres estiment que c’est trop.

Pour ceux-là je répondrais que ma vérité n’est pas bonne à lire.

- Les politiques et le recteur d’Académie ont une approche plus douce, puisque le livre leur a plu, voire les a fortement interpellés sur leurs fonctions de personnes politiques ou de fonctionnaires, certains m’ont même dit qu’ils avaient eu du mal à dormir après la lecture d’un tel ouvrage.

- Les lecteurs de familles avec enfant autiste me disent se retrouver dans mes écrits car en fait, mon histoire n’est pas la mienne mais celle de tous les français qui ont un problème avec leur enfant et qui se trouvent dans des situations de fou à cause du système.

Quels objectifs as-tu après la diffusion de ce livre ?

Avant même la sortie du livre, un producteur, Antoine Gannac, a voulu en faire un documentaire de 52mn qui passera à une heure de grande écoute sur France 3 et qui sera subventionné par la Collectivité Territoriale de Corse.

Le livre et le film passeront en boucle sur tous les bateaux de la SNCM tout l’été 2013.

J’ai proposé le livre à plusieurs producteurs pour en faire un film fiction, Muriel Robin est d’accord pour se pencher sur le scénario, le livre est sur la table de Fréderic Mitterrand pour avis. Je l’ai remis à plusieurs acteurs comme Céline Paoli ou Eric Fraticelli (mafiosa) pour avis.

Faire un film fiction me permettrait de faire passer des idées que je ne peux pas diffuser dans un livre ou un documentaire.

J’en profite pour faire un appel au cas où un producteur serait intéressé.

Qu’est ce qu’il faudrait changer selon toi dans le gouvernement, dans les associations de parents, pour que la situation de l’autisme s’améliore en France ?

Pour moi, la loi existe il faut la faire appliquer et l’adopter. Dans certain cas, nos prédécesseurs dans les associations ont fait un très bon travail puisqu’ils ont réussi à faire sortir cette fameuse loi du 11 février 2005.

Aujourd’hui, le temps de la négociation est fini.

Il est temps d’aller au combat, la loi est pour nous, alors prenons des avocats systématiquement et proposons-leur un intéressement au résultat financier des gains obtenus lors des procès.

Si des milliers de personnes et d’associations procèdent de cette façon, les pouvoirs publics seront obligés de plier.

Quel conseil donnes-tu aux parents d’enfants autistes ? aux non-parents d’enfants autistes ?

- Aux parents :

La seule chose à laquelle je crois tient en un mot : « adaptabilité ». Je ne crois pas à un dogme précis et je ne me sens pas le droit de donner des conseils à des gens qui ont des situations aussi différentes et qui à la fois sont aussi semblables à la mienne. Je ne suis qu’un spécialiste de mon fils et encore mon but était de témoigner en choquant grâce à ma vision de ce que j’ai vécu. Je ne revendique pas détenir la vérité, je donne la vision d’un dyslexique sur les problèmes qu’il rencontre avec le système quand il se retrouve confronté à l’autisme de son fils.

- Aux non-parents et aux lecteurs qui n’ont pas de rapport direct avec des personnes avec autisme :

Tout est possible dans la mesure où les gens ne croient pas au miracle et ne fantasment pas sur les autistes.

Je reprendrai une phrase d’Agnés Woimant, présidente de Autisme et Apprentissages :  « pas formé, pas déformé » ce qui veut dire que nous avons affaire à des gens différents et que nos habitudes sont à mettre en cause. Nous acceptons les noirs, les jaunes…. Pourquoi ne pas accepter les autistes pour ce qu’ils sont ?

 

La question qui se pose pour nous français est de savoir pourquoi, dans les pays modernes, nous sommes les seuls à avoir une attitude proche du massacre scolaire qui s’applique non seulement aux autistes mais aussi aux dyslexiques et autres dyspraxiques, etc..

Pourquoi ces personnes, quand elles sont cadrées, sont-elles recherchées dans les entreprises américaines ?

Un travail de réflexion est à faire sur la façon de réfléchir des personnes autistes et sur leur capacité à regarder notre société. A l’heure où nous recherchons des innovations, pourquoi ne pas se pencher sur leur façon de réfléchir pour aborder nos problèmes différemment, tant dans le domaine du droit, de l’informatique, du design ou tout simplement de la créativité, même pour ceux qui ne feront pas d’études leur façon d’appréhender la manutention ou la pâtisserie pourrait nous surprendre.

 

À méditer

20 décembre 2012

Dans l'autisme, tout ne marche pas, même si on met le paquet

jeudi 20 décembre 2012

Dans Libération du 14/02/2012, Bernard Golse affirmait: "Dans l'autisme, rien n'est validé, tout marche si on met le paquet, c'est l'intensité de la prise en charge qui compte". Dans mes questions à Bernard Golse du 17/02/2012 (qui n'ont jamais reçu de réponse), je l'interpellais particulièrement sur la 1ère partie de l'affirmation selon laquelle rien n'est validé.
Il se trouve qu'une étude récente permet également de discuter la 2ème partie de son affirmation selon laquelle " tout marche si on met le paquet, c'est l'intensité de la prise en charge qui compte". Il s'agit de l'étude suivante de Darrou et coll. (2010). Cette étude française, coordonnée par l'équipe d'Amaria Baghdadli à Montpellier, dresse un tableau édifiant des résultats de la prise en charge de "psychothérapie institutionnelle" proposée à la plupart des enfants autistes en France (ainsi qu'en Belgique, Suisse et Luxembourg francophones).
Le premier résultat de cette étude, c'est de mettre en évidence les progrès extrêmement limités que permettent ces prises en charge. En effet, l'âge de développement de ces enfants (mesuré par la Vineland Adaptive Behavior Scale, échelles communication et daily-living skills) a progressé de 12 à 13 mois en moyenne sur la période de 40 mois sur laquelle s'est déroulé le suivi. Au lieu de 40 mois, si ces enfants suivaient une trajectoire développementale normale (sans même parler de rattraper leur retard). Autrement dit, les capacités de communication et d’adaptation de ces enfants ne progressent que de 4 mois en moyenne par année de prise en charge, ce qui est très peu, et surtout bien en-deçà de ce que permettent les interventions comportementales et éducatives passées en revue par la HAS.
En effet, si l’on regarde les résultats d’un essai clinique américain (Howard et coll. 2005) ayant suivi la progression de différents groupes d’enfants autistes sur les mêmes échelles de développement en fonction du type d’intervention qu’ils recevaient, les enfants qui suivaient une prise en charge comportementale intensive (une variante d’ABA) progressaient de 11 à 17 mois par an, ceux qui suivaient un programme comportemental éclectique (empruntant des éléments d’ABA, de TEACCH et de PECS) progressaient de 6 à 9 mois par an, et le groupe contrôle qui était juste scolarisé dans une école spécialisée pour enfants handicapés progressait de 5 à 10 mois par an. Autrement dit, les enfants autistes pris en charge en France progressent 3 fois moins en moyenne que les enfants américains suivant un programme ABA, et même un peu moins que le groupe contrôle ! Ce qui suggère que le système éducatif américain tout-venant, même lorsqu’il n’implémente pas des programmes spécifiquement dédiés à l’autisme, met en œuvre des pratiques qui sont au moins aussi efficaces que celles de nos brillantes institutions françaises pratiquant la "psychothérapie institutionnelle" "intégrative" et "multidisciplinaire".
Certes, les enfants participant à l’étude de Darrou et coll. (2010) ont été recrutés dans 51 unités différentes ayant sans doute une grande diversité de pratiques, qui n'ont pas été décrites dans l'étude. Il n'est donc pas possible d'attribuer ces mauvais résultats à une pratique thérapeutique unique bien identifiée. Mais étant donné la taille de la cohorte (208 enfants) et le nombre de centres impliqués, cette étude montre de manière claire que les pratiques ayant cours dans un ensemble représentatif d'institutions prenant en charge les enfants autistes en France ont des effets d'une médiocrité accablante.
Deuxième résultat de cette étude: les facteurs prédisant l'évolution (plus ou moins mauvaise) des enfants entre le début et la fin du suivi incluent la sévérité de l'autisme (la plus grande sévérité prédisant une évolution moins bonne) et le niveau de langage (un plus haut niveau de langage prédisant une évolution meilleure). A la surprise des auteurs, l'intensité de la prise en charge ne s'est révélée avoir aucune influence sur l'évolution des enfants! Pourtant, cette intensité était conséquente, puisque la médiane se situait à 30 heures par semaine, avec une grande variabilité selon les enfants.
La conclusion, c'est que, n'en déplaise à M. Golse, lorsque les pratiques thérapeutiques sont médiocres, cela ne marche pas, même si on met le paquet.

Références

Darrou, C., Pry, R., Pernon, E., Michelon, C., Aussilloux, C., & Baghdadli, A. (2010). Outcome of young children with autism. Autism, 14(6), 663-677. doi: 10.1177/1362361310374156
Howard, J. S., Sparkman, C. R., Cohen, H. G., Green, G., & Stanislaw, H. (2005). A comparison of intensive behavior analytic and eclectic treatments for young children with autism. Research in Developmental Disabilities, 26(4), 359-383. doi: DOI 10.1016/j.ridd.2004.09.005
20 décembre 2012

A quoi a servi l'année de l'autisme ? - émission du Grain à moudre sur France culture

sur le site de France culture

A quoi a servi l'année de l'autisme ?

19.12.2012 - 18:20

Quelle sera la Grande cause nationale en 2013 ? On ne devrait plus tarder à le savoir. La lutte contre l’illettrisme, la prévention du suicide, la question des accidents domestiques font partie des causes qui postulent à l’obtention de ce label. L’enjeu est important : il s’agit, au minimum, de bénéficier d’une large visibilité médiatique, et par conséquent de sensibiliser le public à de grands enjeux de société.

Marie Schuster, Danièle Langloys et Arnold Munnich J-C F © Radio France

Il y a presque un an, jour pour jour, François Fillon, alors premier ministre, faisait savoir aux députés qu’il avait choisi l’Autisme pour incarner la Grande cause nationale 2012. Satisfaction des associations de parents, qui militaient pour cette reconnaissance. Et qui attendaient beaucoup de ces quelques mois d’exposition, à la fois pour faire tomber les nombreux préjugés autour de ce handicap, mais aussi pour aider à une meilleure prise en charge de ceux qui en sont atteints (la France étant considérée comme très en retard dans ce domaine)

Un an a passé. Qu’est-ce qui a vraiment changé ? Evidemment, il y a des déceptions, c’est inévitable. On ne sait toujours pas, par exemple, évaluer précisément le nombre de personnes autistes en France, ce qui rend d’autant plus compliquée leur prise en charge. Mais au moins le sujet n’est-il plus tabou.

Y a-t-il eu d’autres avancées ?

« A quoi a servi l’année de l’autisme ? »

20 décembre 2012

Mutualisation des connaissances sur la Mélatonine

Dans la newsletter du réseau Lucioles

extrait (partie II) :

Rappel du protocole


Après un long parcours administratif, nous avons obtenu l’avis favorable du Ministère de la Recherche (CCITRS) puis de la CNIL pour lancer cette nouvelle étude.


Objectif de l’enquête : faire remplir, par l’intermédiaire des médecins, deux questionnaires aux accompagnants des patients :
-  le premier, le jour de la première prescription de la Mélatonine
-  le second, un à trois mois plus tard, lors de l’évaluation du traitement. Les questions posées et l’évolution des réponses entre le premier et le deuxième questionnaire permettront d’évaluer l’efficacité de la Mélatonine pour chaque patient. Nous souhaitons rassembler ces informations auprès de 200 patients.

L’enquête a été lancée le 10 septembre. 45 médecins sont actuellement inscrits. Nous en recherchons d’autres encore pour que cette collecte d’information soit la plus riche possible pour tous.

Ce travail est une collaboration de RESEAU-LUCIOLES avec le Dr. Patricia FRANCO, responsable du centre de référence des pathologies du sommeil de causes rares et Lucie OLIVEREAU, étudiante en 5ème année de pharmacie, stagiaire dans l’unité sommeil de l’hôpital Femme-Mère-Enfant de Lyon.


Si vous êtes médecin et que la démarche vous intéresse, vous pouvez vous inscrire en cliquant ICI.

Nous recherchons des mécènes pour le financement de ce projet. Pour nous soutenir financièrement, cliquez ici.

19 décembre 2012

Josef Schovanec : "En France, autiste est synonyme d'enfant. C'est curieux quand on y songe"

Entretien | L'autisme était cause nationale de 2012. Et ensuite ? Entretien avec Josef Schovanec, 31 ans, docteur en philosophie, atteint du syndrome d’Asperger.

Le 17/12/2012 à 00h00 - Mis à jour le 19/12/2012 à 17h31
Propos recueillis par Marc Belpois

Joseph Schovanec sur le plateau du 13 heure de France 2, novembre 2012 © France2/Culturebox

Saviez-vous que la « Grande cause nationale » de 2012, choisie par l’ex-Premier ministre François Fillon pour figurer douze mois durant au cœur des préoccupations des Français, a été l’autisme ? Probablement pas. C'est d’autant plus désolant que les médias n’auront guère évoqué l’autisme que sous le prisme de la guerre de tranchée qui oppose – si l’on résume grossièrement – un courant d’inspiration psychanalytique (selon lequel les autistes sont victimes de mères peu aimantes) et les tenants d’une pathologie congénitale de l’autisme (qui prônent une prise en charge éducative, via des techniques de rééducations comportementales). L'année a-t-elle été tout de même bénéfique aux autistes ? Entretien avec Josef Schovanec, 31 ans, diplômé de Sciences-Po et docteur en philosophie atteint du syndrome d’Asperger. Schovanec est tout récemment l'auteur d'une autobiographie poignante, Je suis à l'est (1), et intervennait dans le docu-fiction Le Cerveau d'Hugo, diffusé le mois dernier par France 2 et toujours visible en intégralité sur le site de France 2.

L'autisme fut la Grande cause nationale de 2012. L'année se termine, quel bilan dressez-vous ?
Nous avions beaucoup d'espoir, même moi, l'éternel sceptique. Le label Grande cause nationale donne une visibilité médiatique à des sujets qui n'en ont guère, et en France l'autisme en a besoin. Mais le retour à la réalité fut rapide et rude. D'une part parce qu'on a surtout entendu des spécialistes de l'autisme – souvent autoproclamés, d'ailleurs ! – parler de sujets quasi ésotériques, des discussions bizantines pour ainsi dire, sur l'origine de telle mitochondrie... C'est très intéressant, mais pendant ce temps les autistes crèvent... D'autre part car le retard dans le domaine de l'autisme est tel, en France, qu'il faudrait bien davantage que quelques documentaires à la télé pour changer la donne. Pensez que l'autisme est presque totalement absent de l'enseignement destiné aux médecins ! Aujourd'hui si vous étudiez des années durant en fac de médecine, le temps consacré à l'autisme ne devrait pas dépasser... une heure. Mais peut-être était-il illusoire de placer tant d'espoir dans une opération Grande cause nationale. En 2011, c'était la lutte contre la solitude. Si ce fléau avait été terrassé, ça se saurait, non ?!

« Dans les écoles américaines,  être « aspi »
c'est comme avoir un père banquier : plutôt flatteur... »

Il est vrai que fin 2012, le cliché selon lequel l'autiste est forcément un enfant enfermé dans un monde intérieur semble encore bien vivace...
Hélas oui. Voyez les Etats-Unis ou la Suède par exemple. Dans ces pays les télés parlent de l'autisme toute l'année. Sur CNN, par exemple, j'ai vu un sujet consacré au « Noël d'un enfant autiste », comment il bricole de magnifiques guirlande, etc. Un sujet ordinaire de la vie quotidienne, donc. Cette démarche transversale a des effets à long terme : dans ces pays tout le monde connaît le syndrome d'Asperger, comme en France tout le monde connaît la grippe ou le cancer. D'ailleurs, être autiste c'est presque chic. Dans les écoles américaines, être « aspi » c'est comme avoir un père banquier : plutôt flatteur...

N'est-ce point l'extrême inverse ?
Sans doute. Certains affirment même que l'autisme est le stade suivant de l'évolution de l'humanité ! En tout état de cause, il vaut mieux vivre dans un cadre où votre particularité est connue et reconnue. En France, « autiste » est synonyme d'« enfant ». C'est curieux quand on y songe. Quand on dit « aveugle » ou « sourd », on ne pense pas forcément à des enfants !

Comment l'expliquer ?
Derrière chaque autiste, il y a bien souvent des parents qui se battent avec une énergie invraisemblable – et tout à fait nécessaire d'ailleurs. Ce sont eux qui constituent l'essentiel des associations. Résultat, ils se focalisent essentiellement sur les questions du diagnostic et de la scolarisation. Très peu sur le devenir à l'âge adulte.

« Imaginons un adulte avec autisme sans emploi.
Quel organisme contacter
pour décrocher un job qui lui soit adapté ? »

L'image de l'autiste a tout de même évolué ces dernières décennies, non ?
Historiquement, les médias ont véhiculé plusieurs points de vue. Misérabiliste, d'abord. On a montré des personnes autistes souvent gravement déficitaires. Dans des poses indignes, souvent figées, sans qu'il nous soit précisé qu'elles étaient gavées de comprimés. On sous-entendait que c'était du fait de la « psychose infantile », comme on disait à l'époque. Un deuxième point de vue est apparu il y a une dizaine d'années avec une émission de Jean-Luc Delarue : l'autiste « petit génie ». Les jeunes avec autisme auraient des capacités extraordinaires. Certes, c'est plus valorisant, mais on a fait l'impasse sur le principal : ce qui fait notre vie humaine, ce n'est pas de savoir extraire de tête des racines treizième, c'est de pouvoir mener une existence autonome, de choisir et d'exercer telle profession, de choisir un logement, etc. Personne ne s'est demandé ce qu'allait devenir tel petit génie des mathématiques une fois adulte.

En France, les médias ont cette année surtout relayé le débat virulent autour de la prise en charge de l'autisme, qui oppose un courant d'inspiration psychanalytique et les tenants d'une prise en charge éducative...
Quel dommage. Cela a créé une terrible diversion. Je crois que c'est ce qui a foutu en l'air l'opération Grande cause nationale. Cette éternelle discussion a repris avec une véhémence incroyable, on s'est crêpé le chignon pendant des milliers d'heures médiatiques autour de Lacan, sans aborder les vraies questions. Par exemple, supposons que je sois un adulte avec autisme sans emploi. Quel organisme contacter pour décrocher un job qui me soit adapté ? Pour l'instant, ça n'existe pas. Et puis, on n'a pas assez dit qu'il y a encore en France certaines pratiques barbares qui n'ont pas lieu d'être. Par exemple le packing. Quand vous dites à un professeur canadien, qui n'a jamais entendu parler du packing, que ça consiste à déshabiller l'enfant autiste, a le mettre dans des draps d'eau glacée et d'attendre la guérison, ils ne le croit pas ! Il trouve ça moyennageux ! Ce genre de pratiques ne peut avoir lieu en Suède, tout simplement parce que c'est une atteinte grave aux droits de la personne. On a complètement manqué de pragmatisme. En France, les personnes âgées avec autisme ont été complètement zappées. Vous n'en entendrez jamais parler.

« Beaucoup d'autistes sont à la rue.
Je rencontre régulièrement des clochards polyglottes. »

Et alors, où donc vivent les adultes avec autisme ?
Il y a en France un demi-million d'autistes. Egarer dans la nature des centaines de millions personnes, ce n'est pas rien ! En réalité, beaucoup d'autistes sont à la rue. Je rencontre régulièrement des clochards polyglottes, j'en connais un qui parle un allemand presque parfait. Il pourrait donner des cours à la fac ! Certains ne réclament même pas le RSA auquel ils ont pourtant droit. Il y a ceux qui vivent en hôpital psychiatrique, et qui souvent n'ont rien à y faire. Leurs difficultés ne sont pas dues à un quelconque problème mental, mais au fait qu'ils ont passé leur vie à l'hôpital plutôt que sur les bancs de l'école. Et puis, il y a des métiers qui constituent un refuge pour nombre de travailleurs autistes, l'informatique par exemple. On dit que 70 à 80 % des adultes avec autisme vivent avec leurs parents – et c'est pas moi qui vais démentir les statistiques, j'en fait partie. Et après le décès des parents, qu'arrive-t-il ? Il n'existe pas de chiffres sur l'espérance de vie des autistes, ce n'est sans doute pas très glorieux. Avez-vous lu un seul article, en 2012, sur les suicides d'autistes ? Ils sont pourtant nombreux. Voilà ce que deviennent les adultes ! Ce n'est pas très réjouissant, mais il faut le dire.

Avez-vous été consulté par la Haute Autorité de santé (HAS), qui en mars dernier a rendu des recommandations sur la prise en charge des autistes ?
Nous sommes trois autistes à avoir été consultés pendant les travaux de la HAS. J'applaudis ce qui a été accompli, c'est un beau progrès. Mais ce n'est pas suffisant. Elle n'a pas parlé des adultes ! Deuxièmement, la HAS n'a pas réussi à impliquer le ministère de l'éducation nationale. Alors que la recommandation porte essentiellement sur des questions éducatives !

Selon vous, quelle proportion d'autistes peut suivre une scolarisation normale ?
Dans ce qu'on appelle « le spectre de l'autisme », il n'y a pas de compartiment hermétique. On parle du syndrome d'Asperger, de l'autisme de haut niveau, de l'autisme de Kanner, de l'autisme non spécifié... ce sont des termes qui n'ont pas de délimitations parfaites. Tel psychiatre diagnostiquera un syndrome d'asperger, telle autre un autiste de haut niveau, etc. A mon sens il ne faut pas aposer des étiquettes sur le front des gens.

« Aux Etats-Unis, 80 % des enfants autistes
sont scolarisés. En France, on plafonne à 20 %. »

Mais quelle est la prévalence de la déficience mentale chez les personnes avec autisme ?
Traditionnellement, dans les années 60, on posait les deux comme presque synonyme : autisme = déficience mentale. On a démontré depuis que la déficience mentale est tout à fait minoritaire. D'autant que les déficiences sont souvent induites : si vous croyez que votre enfant n'est pas capable de parler, vous ne lui apprendrez pas à parler et il sera incapable de parler. Il aura une vie « animale », comme disent certains psychiatres. Parvenu à l'âge adulte, c'est plus compliqué de corriger tout ça. Beaucoup d'autismes sont déficients non pas du fait de l'autisme, mais à cause de la déficience de l'école ou de son entourage. Aux Etats-Unis, 80 % des enfants autistes sont scolarisés. En Suède, on approche les 95 %. En France, avec tous les progrès réalisés ces dernières années, on plafonne à 20 %. Et les 80 % éliminés, que deviendront-ils dans vingt ou trente ans ? Quelle charge pour la société représenteront-ils ?

Dans votre livre (1) vous évoquez une période de votre vie durant laquelle vos psychiatres vous ont prescrit des montagnes de médicaments. Vous le relatez avec humour, sans rancoeur...
A quoi bon nourrir une rancune. Pour moi, c'est du passé. Avec le recul, je me rends compte que mes psychiatres étaient sans doute encore plus embarrassés par mon cas que je ne l'étais moi-même. Ils ne parvenaient pas à établir de diagnostic. On ne peut pas en vouloir à des gens qui ne savent pas. J'en veux à ceux qui ne veulent pas savoir et refusent d'avancer. Comme dit mon ami le médecin Jean-Claude Ameisen, «  le pire ce nest pas l'ignorance, c'est le refus de connaître ». Il y a encore des psychiatres en France qui disent que le syndrome d'Asperger est « un truc américain », qu'on n'a pas ça en France. Ce serait comme le nuage de Tchernobyl qui s'arrête à la frontière... Il y a aussi le refus de s'informer, de lire, d'autant que les bonnes publications sur l'autisme sont rédigées en anglais à 95 %. Le refus de savoir est plus fort chez les professionnels d'un certain âge, qui ont hélas des positions hiérarchiquement élevées dans le milieu de la santé.

On l'apprend tout juste (début décembre, ndr), des chercheurs français assurent avoir mis au point un traitement prometteur, un diurétique, pour atténuer certains des symptômes de l'autisme. Voilà qui redonne de l'espoir, non ?
Je ne connais pas les détails de la recherche que vous évoquez, ma réaction ne peut donc être que très partielle et mal informée. Ceci étant, il en faudrait beaucoup plus pour que je déborde d'optimisme. D'une part, car on a très régulièrement ce type d'étude. D'autre part, car généralement l'amélioration des symptômes est souvent marginale. Troisièmement, je me méfie des traitements à effets secondaires : vais-je devoir être mis sous diurétiques ? A une époque, on faisait des chocs insuliniques et autres fortes fièvres artificielles qui, effectivement, réduisaient un peu les symptômes, mais à quel prix. Ici, je crois que les toilettes seront mises à contribution (désolé pour l'humour noir). Je crois, jusqu'à preuve du contraire, que le meilleur traitement est l'apprentissage de la différence, et ce des deux côtés.

Comment le monde de l'autisme a-t-il accueilli le docu-fiction de Sophie Révil, Le Cerveau d'Hugo, diffusé sur France 2 le mois dernier ?
Ce fut un moment fédérateur. Il a créé une unanimité remarquable. Et puis cela n'a pas été qu'un événement communautaire. J'ai été très frappé, il y a deux jours, au café dans lequel nous autres Asperger nous réunissons une fois par mois, du nombre de gens étrangers à l'autisme. Certains sont venus par curiosité, d'autres parce qu'ils veulent devenir bénévoles. Cela donne beaucoup d'espoir.

19 décembre 2012

"Planète autisme" : et si on parlait de la France ?


18/12/2012 | 17h30
autisme

Ce soir, France 5 consacre un documentaire à l’autisme, “Planète autisme”. L’occasion de s’interroger en profondeur sur l’action des pouvoirs publics face à cette maladie qui touche près d’un enfant sur cent.

Le 20 décembre 2011, à l’Assemblée nationale, le Premier ministre François Fillon déclarait officiellement l’autisme “grande cause nationale 2012″, expliquant que “cette distinction est un message d’espoir en direction des personnes autistes et de leurs familles. Avec cette cause nationale, nous voulons leur dire que nous allons combattre ensemble les méconnaissances et les préjugés qui ont longtemps entouré l’autisme dans notre pays, et c’est ainsi que nous remplirons notre devoir collectif qui est de signifier à chaque personne autiste qu’elle a le droit au respect le plus absolu et à une insertion dans notre vie sociale.” 

Un an plus tard, François Fillon n’est plus Premier ministre et, comme on a pu le constater ces derniers temps, d’autres causes bien plus importantes, du moins pour lui, l’accaparent entièrement. C’est Marie-Arlette Carlotti qui, dans le gouvernement actuel, est en charge du dossier autisme. En tant que ministre déléguée auprès du ministère de la Santé, en charge des personnes handicapées, elle a promis pour janvier 2013 le lancement d’un nouveau “plan autisme” axé sur un dépistage plus précoce et plus systématique ainsi que sur une formation améliorée du personnel prenant en charge l’autisme. Les intentions semblent bonnes, mais en attendant de pouvoir juger sur pièce cette nouvelle initiative, l’année 2012 s’achevant, il faut s’interroger sur ce que le label de “grande cause nationale” a concrètement apporté aux familles qui, jour après jour, doivent composer avec l’autisme.

“La France est en retard”

La chose est souvent dite mais il faut encore la répéter : la prise en charge de l’autisme en France est un scandale. Il existe de nombreux pôles d’action, mais ils ne sont ni assez coordonnés ni assez accessibles. “La France est en retard, confirme le docteur Chabane, psychiatre spécialisée dans l’autisme et chercheuse à l’INSERM, ce retard affecte à la fois les programmes d’intervention précoce et les techniques de rééducation, de pédagogie et d’accompagnement des personnes.” Les parents d’enfants autistes ont parfois l’impression décourageante de batailler non seulement contre une souffrance psychologique et de grands soucis pratiques, mais aussi contre un certain abandon des pouvoirs publics. Une double peine d’autant plus inexcusable que l’autisme n’est pas une maladie rare. Selon un récent rapport de l’INSERM, un enfant sur 110 serait atteint de “troubles du spectre autistique”, catégorie regroupant le syndrome autistique, le syndrome Asperger (autistes de très haut niveau) et des troubles non spécifiés mais apparentés aux TED (Troubles Envahissants du Développement).

Par ailleurs, la France compterait entre 300 000 et 600 000 personnes autistes (on notera le flou nimbant ces chiffres). En réalité, bien des diagnostics ne sont pas établis, ou tardivement, soit parce que les parents ont manqué d’informations, soit parce que les pédiatres, pédopsychiatres ou psychanalystes auxquels ils se sont d’abord adressés n’ont pas su identifier correctement les symptômes. Mais même lorsque les bons rendez-vous sont pris, il n’est pas rare d’attendre un an avant que le diagnostic ne soit finalement établi. Pourtant, tous les praticiens s’accordent à dire que plus tôt la pathologie est détectée, meilleurs seront les effets de la prise en charge. Les parents se heurtent là à une contradiction. Ce n’est que la première.

Plusieurs approches

Passé le choc de l’annonce, viennent les interrogations sur l’origine du handicap. Les tenants du “tout psychologique” s’opposant à ceux du “tout génétique”, les réponses varient selon les interlocuteurs. Les spécialistes les plus sérieux admettent qu’on ne sait toujours pas quelles sont les causes réelles de l’autisme. Au scénario familial ou traumatique longtemps avancé par la psychanalyse se substitue aujourd’hui une théorie plus scientifique : l’autisme est un trouble neuro-développemental affectant les fonctions cognitives du sujet et entraînant une forme d’incapacité à communiquer et à interagir avec le monde extérieur. L’absence de parole, l’intolérance à tout changement, même infime, les débordements colériques et la fascination pour les mouvements répétitifs, principales manifestations de ce handicap, ne pourront que s’aggraver faute de soins appropriés. D’après le Dr. Chabane, “le but est d’offrir une vie sociale à la personne autiste. Il est donc essentiel de lui donner un outil lui permettant de ne plus être coupée du monde extérieur.”

Plusieurs techniques de communication alternative existent, qui peuvent amener certains autistes à s’exprimer, même partiellement, et sans forcément passer par le langage oral. Il s’agit notamment du PECS, qui repose sur l’utilisation de pictogrammes, et du Makaton qui s’appuie également sur le langage des signes. D’autres techniques dites comportementales, comme l’ABA, cherchent à établir une relation entre le sujet autiste et son entourage en suscitant le désir par des objets “renforçateurs” (apportant une satisfaction immédiate). L’échange est constamment stimulé afin de permettre à l’enfant de s’ouvrir progressivement à l’altérité et d’acquérir des compétences fondamentales.

La difficulté consiste à trouver l’outil le mieux adapté à chaque individu. “Pour bien s’occuper d’un enfant autiste, explique le Dr. Chabane, il faut connaître clairement son mode de fonctionnement, puis travailler sur sa socialisation, sa communication, sa compréhension de l’environnement, son comportement, et favoriser son autonomie. Il est donc nécessaire d’adopter une approche multiaxiale, d’utiliser le maximum de compétences et de connaissances. La méthode unique n’existe pas. Une seule technique ne peut pas s’adapter à tous les enfants.” 

Mais selon qu’ils se sont adressés à des centres médico-psychologiques (CMP), à des hôpitaux ou à des praticiens indépendants, les parents sont souvent orientés vers des pratiques radicalement opposées et risquent, à expérimenter tout et son contraire, d’exposer leur enfant à des démarches stériles. Généralement, on leur proposera des séances d’orthophonie et de psychomotricité, au mieux supervisées par un pédopsychiatre. On leur parlera aussi de structures publiques du type SESSAD (Service d’Education Spéciale et de Soins à Domicile) où les places sont si rares qu’il faut parfois attendre des mois avant d’en voir une seule se libérer. Or, la sortie des comportements stéréotypés qui isolent le sujet autiste du monde suppose une stimulation de chaque instant. Pour améliorer vraiment la vie de leur enfant, les parents doivent donc se tourner vers des structures expérimentales. Presque toujours montées par des parents, elles sont trop peu nombreuses, n’ont que peu de places à offrir et, dans leur majorité, sont payantes.

Le problème du coût

Ce qui met au jour un nouveau problème : le coût de la prise en charge. L’aide financière des MDPH (Maisons Départementales des Personnes Handicapées) est loin de couvrir tous les frais entraînés par une solide prise en charge. Le combat contre l’autisme exige une très grande disponibilité des parents. Pour s’occuper au mieux de leur enfant, il arrive fréquemment que l’un d’eux soit contraint de ne plus travailler, ce qui, évidemment, réduit la capacité du foyer à fournir les sommes nécessaires à la rééducation. C’est le cercle vicieux auquel sont confrontées des familles qui, en plus d’avoir un quotidien pour le moins compliqué par l’autisme de leur enfant, se retrouvent en situation de ne pouvoir lui apporter toute l’aide nécessaire, faute de revenus suffisants.

Le 9 février dernier, François Fillon affirmait pourtant :

“Nous ne pouvons plus accepter que les proches, que les aidants familiaux soient livrés à eux-mêmes et soient laissés sans repères. Ici encore, des initiatives fortes ont déjà été prises pour leur apporter un concours renforcé.

A vrai dire, ces “initiatives fortes” sont restées invisibles au plus grand nombre et les situations de grande détresse psychologique et financière ont continué de se multiplier. Si l’enfant est trop lourdement handicapé, les parents les moins favorisés ou ne pouvant aménager leur temps de travail n’auront d’autre choix que de le placer en hôpital de jour ou en IME (Instituts Médico-Educatifs). Mais là encore, les places sont plutôt rares, et l’enfant, qui s’y trouvera mêlé à des personnes atteintes de pathologies diverses, ne pourra bénéficier pleinement des soins propres à son handicap.

Comment scolariser les enfants autistes ?

La France ne saurait-elle que faire de ses enfants autistes ? On pourrait le croire en voyant surgir une difficulté supplémentaire : la scolarisation. Les apprentissages et la socialisation par l’école s’avèrent parfois très bénéfiques aux enfants autistes. Or, seuls 4% d’entre eux seraient scolarisés. Officiellement, les écoles doivent accueillir les enfants handicapés mais les instituteurs, qui ne disposent d’aucune formation spécifique, sont souvent fort embarrassés par ces élèves au comportement inhabituel qu’ils redoutent de voir perturber des classes déjà surchargées. L’affligeante pénurie d’AVS (Auxiliaires de Vie Scolaire), presque pas formés et très mal payés, n’arrange rien. Quand ils ne refusent pas d’accepter des autistes, la plupart des établissements ne leur offre que quelques heures de classe. Le reste du temps, c’est aux parents de le gérer comme ils peuvent.

L’autisme : grande cause nationale

Si le label de “grande cause nationale” a eu un mérite, c’est donc d’avoir fait parler de l’autisme. Pour le reste, tout ou presque est encore à faire. Dans un premier temps, il est indispensable d’améliorer la formation. Aujourd’hui encore, ce n’est que sur le terrain ou de leur propre initiative que les psychiatres, orthophonistes et éducateurs spécialisés se forment aux techniques relatives à l’autisme. Par ailleurs, le Dr Chabane insiste sur la nécessité d’une perception plus globale :

“On n’avancera pas tant qu’on ne couplera pas la pratique clinique aux données de la recherche. Il faut un aller-retour permanent entre ces deux mondes. Cela ne se fait pas avec le dynamisme suffisant. Donnons-nous les moyens de changer notre façon d’agir et d’accompagner les personnes autistes en formant les gens, en changeant les pratiques et en développant la recherche.”

Les autistes eux-mêmes ne trouvent guère d’intérêt à être l’objet des querelles dogmatiques entre psychanalystes1 et comportementalistes. Le passage d’un gouvernement à l’autre leur est indifférent. L’harmonisation de tous les outils thérapeutiques dont l’efficacité a pu être démontrée et une approche transversale dépassant les clivages méthodologiques et politiques leur serait autrement bénéfique. Il est indispensable de s’engager résolument dans cette voie. Car les autistes, ces êtres à la fois autres et si semblables à nous-mêmes, auxquels il faut tout apprendre et qui ont tant à nous apprendre, mettent en question l’humanité de notre société. Il est plus que temps qu’elle leur en donne la preuve.

Louis-Jullien Nicolaou

Planète autsime, mardi 18 décembre France 5, 18h30

*Depuis des années, les associations de parents d’autistes, soutenues par de nombreux praticiens, livrent une lutte acharnée contre les graves dérives théoriques et pratiques d’une certaine psychanalyse qui, de son côté, se montre farouchement opposée à toute approche autre que la sienne. Dans son rapport paru en mars, la HAS (Haute Autorité de Santé) a tranché en qualifiant pour la première fois la psychanalyse de « non consensuelle » dans l’approche de l’autisme. Les associations s’en sont réjouis et, à lire dans la presse les déclarations délirantes des plus sectaires de leurs adversaires, on ne peut que les comprendre.

le 18 décembre 2012 à 17h30
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