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"Au bonheur d'Elise"
9 février 2013

Autisme : s'exiler au Québec, pour donner une chance à son enfant ...

Déclaration du secrétaire général de l’ONU, 01/04/11

L’autisme affecte aujourd’hui au moins 67 millions de personnes dans le monde. De tous les troubles graves de développement, il est celui qui connaît la plus rapide expansion dans le monde.

Cette année, le nombre de cas d’autisme diagnostiqué chez des enfants sera supérieur aux diagnostics de diabète, de cancer et de SIDA additionnés.

Sans commentaires… La France n’offrant aucun avenir digne pour mon fils, mon seul espoir dans le futur est peut- être l’exil. En attendant, je prospecte… J’ai vécu un an à Montréal pendant mes études, et j’ai eu énormément de mal à en partir.

Comment se passe le diagnostic, l’accompagnement d’un enfant autiste au Quebec, par rapport à la France ?

Pour en savoir plus, j’ai posé des questions à  Baptiste Zapirain, papa d’Adam, petit garçon de 4 ans, autiste. Baptiste, journaliste (il tient un blog), est parti de la France pour vivre au Quebec.

 

 

-   Pourquoi vous êtes vous exilés au Quebec ?

On est arrivé au Québec à trois, avec ma femme, il y a un peu plus d’un an. Nous sommes venus pour deux raisons majeures : je ne trouvais pas de travail dans ma branche en France (journalisme) et je soupçonnais mon fils d’avoir un problème de développement, depuis qu’il a un an environ. En France, l’horizon devenait vraiment bouché : pas de vrai boulot en vue pour moi, une vie précaire pour nous trois, et les pédiatres, pédopsychiatres, orthophonistes, ne trouvaient rien d’autre à nous dire que  »c’est rien monsieur, il grandira à son rythme votre fils, ça va venir ». En clair, on passait pour des parents paranos.

Mais on savait que les problèmes des enfants étaient pris plus au sérieux au Québec, et qu’il y avait de belles opportunités professionnelles pour ma femme et moi. C’était donc un véritable projet familial, avec le but de trouver des solutions à des problèmes fondamentaux pour nous et remettre de l’espoir dans nos vies. D’ailleurs, concernant notre enfant, une fois au Québec on a pu rencontrer une neuropsychologue qui a passé plusieurs jours avec lui pour lui faire passer des tests, et c’est bien un enfant TED, catégorie 1 (troubles autistiques). Je vous laisse imaginer la colère que j’ai eu envers les soi-disant spécialistes de l’enfance qu’on avait rencontrés en France…

 

- Quelles ont été vos démarches pour vous exiler ? Je sais que c’est difficile avec un enfant handicapé…

Plutôt que de prendre un visa temporaire, et vu que notre but était de réussir au Québec et de vivre là-bas, on a voulu tout de suite immigrer en tant que résidents permanents. C’était un an de démarches administratives infernales, avec recherche de dossiers scolaires et tout. Mais au moins on n’avait pas à s’embarrasser plus tard. Je pensais aussi que c’était plus facile de trouver un emploi dans ces conditions : cela montre aux employeurs qu’on a l’intention de rester. Mais c’est effectivement difficile à obtenir avec un enfant handicapé. Il y a plusieurs cas où le Canada a renvoyé chez eux des immigrés temporaires qui ont un enfant autiste et demandent un statut de résident permanent. Le gouvernement canadien ne veut pas accorder ce statut à des immigrés dont la santé représenterait un ‘« fardeau excessif » (c’est l’expression utilisée) pour la société canadienne. Mais en ce qui nous concerne, Adam n’était pas encore handicapé, puisque nos médecins français n’avaient rien vu !

Du coup, notre dossier a franchi sans problème l’étape de la visite médicale. Là, notre résidence permanente est valable 5 ans. Pendant ce temps, on a les mêmes droits que n’importe quel Canadien, sauf le droit de vote. Et on a le droit de demander la citoyenneté canadienne au bout de 3 ans. C’est ce qu’on va faire, pour obtenir la double nationalité.

 

- Comment cela s’est passé à l’arrivée au Québec pour lui ? quelles démarches avez vous entrepris pour son accompagnement ?

On est arrivé en octobre 2011, et on a trouvé une neuropsychologue qualifiée pour faire passer les tests en mars 2012. Mais on n’a pas cherché tout de suite, on s’est d’abord installés, il fallait chercher du travail… Et il faut dire qu’à force de nous avoir dit qu’Adam n’avait rien, on se disait que c’était peut-être vrai ! Il faut dire qu’il ne correspond pas au cliché de l’autisme tel qu’on le véhicule en France. Il avait l’air plus en retard au niveau du langage et de la socialisation  mais il ne le portait pas sur lui: c’est un petit garçon très rieur, qui exprime ses émotions, est très affectueux. Notre entourage est tombé des nues quand on a annoncé qu’il était autiste. Mais au Québec, même si notre fils semblait très heureux (on dit souvent que c’est lui qui s’est adapté le plus vite…), les doutes sont rapidement revenus. On a voulu l’inscrire à un cours d’éveil musical, mais il était incapable de suivre les consignes, de s’intégrer dans une activité collective. Ça a réveillé nos doutes. On a dû trouver un pédiatre pour qu’il recommande un diagnostic TED. Ce qui nous a conduit à la neuropsychologue, et les tests étaient sans appel.

À partir de là, on a pu enfin penser au moyen de l’aider. Suite au rapport de la neuropsy, on lui a trouvé une ergothérapeute, une orthophoniste, et on l’a inscrit dans un CRDITED. C’est un Centre de réadaptation en déficience intellectuelle, spécialisé dans les TED, une clinique bardée de spécialistes qui peuvent suivre un enfant TED 20 à 40 heures par semaine en lui appliquant, en gros, la méthode ABA. C’est public, donc c’est gratuit, mais l’attente était très longue. Au bout de quelques mois, à force de demander, on a fini par nous avouer qu’Adam ne serait certainement pas pris en charge avant ses 5 ans, faute de place, alors que c’est primordial. On a donc laissé tomber et on a inscrit notre enfant dans une clinique privée, qui applique aussi la méthode ABA. Ça nous a fait perdre des mois, et il a fallu considérer la question d’un point de vue financier aussi (25 000 $ par an pour 20h de traitement intensif par semaine). Mais au final, on l’a fait, et ça a commencé la semaine dernière.

 

- Quel est le quotidien de votre enfant actuellement ? il est en école ? quel type de prise en charge il a ? Est il inclus dans la société ? Est ce que le fait d’avoir un enfant autiste vous permet de vivre « normalement » ? dépensez-vous de l’argent pour son (ré)éducation?

Actuellement, Adam est à la garderie, une petite garderie familiale où il reçoit beaucoup d’amour et où il est très heureux ! Il y sera jusqu’en septembre 2014, où il fera sa rentrée en maternelle l’année de ses 5 ans (il est de fin d’année). En attendant, il a une éducatrice spécialisée ABA qui vient le voir directement à sa garderie. Elle le prend à part plusieurs heures par jour et applique les méthodes ABA. C’est très bien car notre fils ne fait plus de sieste, donc il peut travailler pendant que les autres enfants dorment. Et le reste du temps, l’éducatrice a l’option de l’accompagner dans ses jeux avec les amis. De temps en temps, elle vient aussi à la maison en fin de journée. Et une fois par semaine, on l’amène chez l’orthophoniste. On essaye aussi de lui faire faire de l’ergothérapie régulièrement.

Pour l’ABA, c’est vraiment ce type de prise en charge dont on avait besoin, avec un service en garderie ou à domicile en fin de journée. Cela nous permet à la fois de continuer à travailler à temps plein tout en d’offrant à notre enfant un traitement intensif. Et on a besoin de travailler à temps plein, parce que ça va nous coûter 25 000 $ par an pendant environ deux ans, sans parler de l’ergothérapie qui n’est pas remboursée par notre assurance. Disons que ça décale certains projets qu’on pouvait avoir, mais c’est une question de priorité là… Et puis, entre le Canada et le Québec, on reçoit environ 5000$ d’aide annuelle parce qu’on a un enfant handicapé. Certaines fondations peuvent également donner un coup de pouce.

 

- Quelles différences pouvez-vous constater avec la façon dont il aurait été accompagné en France ?

Je ne m’étais même pas renseigné sur l’accompagnement en France à l’époque, puisqu’on n’avait même pas pu avoir un diagnostic. Mais quand je regarde ça maintenant, je me dis que c’est un peu la différence entre tout et rien. Ici, l’autisme est pris au sérieux, avant l’école et pendant. Le système scolaire québécois francophone propose plusieurs options, selon le cas (les dossiers sont évalués de manière individuelle) : on peut diriger un enfant autiste dans une classe régulière si on considère qu’il a le niveau, ou dans une classe régulière avec un accompagnateur personnel, ou dans une classe adaptée (les classes TEACCH).Ce n’est pas figé d’ailleurs, puisque si l’enfant évolue, on peut changer son orientation. C’est étudié sérieusement. Nous, on voit ça avec beaucoup de soulagement, on a l’impression qu’on va donner à notre fils une chance de s’en sortir dans la vie. Ça redonne de l’espoir.

En France, j’avais l’impression de voir mon fils se noyer ou partir à la dérive, sans rien pouvoir faire. Je sais bien que l’autisme ne se guérit pas. Mais ici, j’ai l’impression qu’il pourra peut-être vivre avec, qu’il va peut-être gagner son autonomie. Si c’est le cas, on aura accompli notre devoir de parents.

Je suis persuadé que ça aurait été impossible en France, sauf pour quelques personnes formidables qui en ont fait le combat de leur vie, et sont capables de soulever des montagnes. Mais ils ne reçoivent pas la moindre aide du pays, c’est juste lamentable. Nous on a décidé qu’il n’était pas question de vivre dans un pays qui laissait complètement tomber notre enfant.

 

- Globalement, la vie que vous menez au Québec est-elle plus agréable, plus difficile que celle que vous aviez en France ?

On vit beaucoup mieux au Québec. Je ne veux pas généraliser, parce qu’on avait un profil très particulier. Mais le Québec a répondu à deux besoins fondamentaux de notre famille : un travail pour moi et un accompagnement pour notre enfant. En France, on avait nos amis et nos familles, mais il était impossible d’être heureux avec de tels manques. Ici, notre vie sociale est un peu réduite au minimum pour l’instant, parce qu’on est très occupés par toutes nos démarches, et que ça prend du temps dans ces conditions de se tisser un réseau d’amis. Mais on est là où on voulait être, on peut faire des projets, on gagne bien mieux notre vie ici qu’en France, on a de l’espoir pour notre fils qui porte la joie de vivre sur lui… Comme tous les parents d’enfant autiste je suppose, on vit forcément des moments difficiles où on a l’impression de se battre contre le sort. Mais maintenant que nos deux salaires nous le permettent, on se prend pas mal de bons moments aussi. On n’a pas le choix de toute façon, Adam adore aller au restaurant et passer un week-end au chalet dans les parcs nationaux, alors on est obligés ! On ne pouvait pas rêver de meilleures fondations pour notre nouvelle vie. Le reste viendra avec le temps.

 

- Quel avenir pouvez-vous envisager pour votre enfant ? (a-t-il des chances d’être inclus dans la société, d’être en institution, médicamenté, pourra-t-il avoir une petite autonomie ?)

C’est un long parcours qui dépendra beaucoup de son développement personnel, je ne veux pas trop faire de pronostic là-dessus. Mais je suis convaincu que la société québécoise va lui offrir les outils pour se donner une chance d’être autonome, pour s’intégrer. Je ne sais pas encore très bien comment ça se passe pour les autistes adultes ici, mais au Québec, parler d’un enfant autiste n’est pas un tabou comme en France.

Les gens ont l’air de savoir beaucoup mieux de quoi il s’agit, alors je me dis que ça doit être plus facile de s’intégrer dans ces conditions. Je ne vais pas rêver éveillé non plus, je me doute bien qu’il va connaître la discrimination à un moment ou un autre… Pour le reste, cela va dépendre vraiment de son développement. Il a un peu plus de 4 ans, il a un traitement ABA intensif pendant un an et demi, puis il y aura un système scolaire adapté… Les outils sont là, mais ça va dépendre de la manière dont il les appréhende. Au moins, il a une chance d’y arriver.

 

- Voudriez-vous revenir vivre en France ? si oui, pourquoi ? si non, pourquoi ?

Jamais. Je n’arrivais plus à trouver de travail dans mon secteur en France, et ce pays nie le problème de l’autisme : il n’y a donc pas de place pour moi. Alors qu’en même temps, le Québec a accueilli ma famille à bras ouverts et nous offre une vie meilleure. J’ai la reconnaissance du ventre vis-à-vis du Canada et du Québec. Encore une fois, je ne veux pas généraliser ou avoir l’air anti-français. Mais c’est juste que la France ne répondait pas aux besoins fondamentaux de MA famille. Alors on est partis.

 

- Que conseilleriez-vous aux familles avec un enfant autiste vivant en France ?

Je leur dirais d’être fiers de ce qu’ils font pour leur enfant. Parce que se battre pour son enfant autiste, c’est un geste d’amour d’une rare intensité. En particulier quand on n’est pas aidés, c’est aussi une lutte contre l’injustice, l’inégalité. Ça donne une valeur et un sens extraordinaire à sa vie. N’oubliez surtout pas ça!

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