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"Au bonheur d'Elise"
17 octobre 2013

Olivier Poinsot : l'ARS ne peut imposer à un ESSMS l'admission d'une personne

article publié sur tsa-quotidien "l'actualité de l'action sociale"

Olivier Poinsot :

Dans son ordonnance du 7 octobre 2013, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise oblige l'ARS d'Ile-de-France à trouver rapidement une prise en charge médico-sociale à la jeune Amélie souffrant de polyhandicap. Une ARS peut-elle imposer l'admission d'une personne à un directeur d'établissement ? Nous avons posé la question à l'avocat Olivier Poinsot.

Pour comprendre le dossier Amélie, lire nos précédents articles (ici et ) et notre analyse juridique publiée hier.

tsa : Quels enseignements tirés de cette décision du tribunal administratif de Cergy-Pontoise ?


Olivier Poinsot : L'ordonnance du 7 octobre présente un grand intérêt non seulement parce qu'elle rappelle les obligations de la collectivité en matière de réponse aux besoins de la population mais aussi parce qu'elle aborde un point essentiel du droit des institutions, celui du pouvoir des directeurs d'établissement en matière d'admission.

Justement, quelle est la marge dont disposent les directeurs en matière d'admission ?

Comme l'a rappelé le tribunal de Cergy-Pontoise, en vertu de l'article L. 241-6, III du code de l'action sociale et des familles (CASF), tout établissement a l'obligation - s'il dispose d'une place disponible - d'accueillir le candidat-usager titulaire d'une notification d'orientation de la CDAPH correspondant à la catégorie juridique dont il relève "dans la limite de la spécialité au titre de laquelle il a été autorisé ou agréé". Cette expression est capitale dans la mesure où elle rappelle que tous les établissements qui relèvent d'une catégorie donnée au sens du I de l'article L. 312-1 du CASF n'exercent pas nécessairement les mêmes activités.
En effet, chaque établissement dispose d'objectifs et de modalités d'intervention qui lui sont propres et qui sont exprimées au travers de deux documents obligatoires : le projet d'établissement et le règlement de fonctionnement. Ces objectifs sont fixés librement par l'organisme gestionnaire ; ainsi l'activité peut-elle s'adresser à des catégories de population particulières mais également procéder de choix de plateau technique, de méthodes d'intervention et d'infrastructures particulières.
Pour cette raison, si, lors des pourparlers engagés entre le candidat-usager et le directeur, il apparaît une inadéquation entre les besoins et attentes de la personne et l'offre de prestation de l'établissement, alors le refus d'admission est licite dès lors qu'il est objectivé pour établir que la demande exprimée ne correspond pas au principe de spécialité de la structure.

Le directeur est alors dans son droit ?

Tout à fait. Dans ce cas, le refus d'admission n'est pas abusif et des précédents jurisprudentiels du juge judiciaire l'ont même confirmé s'agissant de candidats dont l'état de santé requérait une prise en charge impossible à réaliser compte tenu de l'insuffisance des moyens disponibles en personnel.

Et pourtant les juges des référés de Cergy-Pontoise imposent à l'ARS de trouver une solution de prise en charge ?

Leur ordonnance affirme qu'il appartient à l'ARS de "prendre toutes dispositions utiles et le cas échéant de faire usage de ses pouvoirs de contrôle pour mettre un terme aux refus d'admission opposés aux cas les plus lourds". Ce point appelle une observation critique. D'abord, parce que l'ARS ne dispose d'aucune attribution légale ou réglementaire pour imposer une admission. Ensuite, parce que les textes qui définissent son pouvoir de contrôle visent seulement, s'agissant de la situation des personnes, celles qui sont actuellement accueillies et non les candidats évincés. De surcroît, si un contrôle devait s'exercer au titre des obligations de conformité juridique des établissements et services sociaux ou médico-sociaux (ESSMS), alors il faudrait immédiatement constater qu'il n'existe pas de norme juridique applicable au processus d'admission ; en l'état, l'existence même d'une procédure d'admission formalisée n'est pas obligatoire, de sorte qu'aucune injonction ne pourrait être édictée. Enfin, l'ARS ne peut imposer une personne en surnombre à un établissement car une telle situation, assimilable à la réalisation d'une extension de capacité sans autorisation, constituerait un délit pénal.

Faut-il pour autant dégager l'ARS de toute responsabilité en la matière ?

La responsabilité de l'ARS réside en réalité dans son double rôle d'autorité de planification et de tarification. Dans le premier, elle a la charge d'identifier les besoins d'accueil et d'accompagnement et de susciter, par des appels à projet qu'elle est seule à pouvoir lancer, la création des structures utiles qui manquent. Dans le deuxième, elle est responsable de l'attribution aux établissements des moyens qui sont nécessaires à l'exercice de leurs missions. Au cas présent, il apparaît que ces missions n'ont pas été exercées de manière efficace et que des mesures sont sans doute à prendre pour compléter le schéma régional de l'organisation médico-sociale (Sroms) et le calendrier prévisionnel des appels à projet.

Contacts : Olivier Poinsot
Avocat à la Cour, chercheur associé à l'Ifross, Université de Lyon 3.
Chargé de cours à l'EHESP, aux Universités de Toulouse et Lyon et au CNFPT.
T. 04 67 60 03 03
Blog : http://avocats.fr/space/olivier.poinsot
Site : www.grandjean-poinsot.fr 
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