C’est ce qu’on appelle un rétropédalage en règle. L’Etat renonce finalement à faire appel de la décision concernant Amélie, cette jeune femme lourdement handicapée, qui ne trouvait pas de place dans une structure médicalisée.

L’Etat avait été condamné par la justice, le 7 octobre, à trouver d’urgence une place à Amélie, sous peine d’une astreinte de 200 euros par jour. Mercredi, les parents de la jeune femme ont reçu un coup de fil : leur fille aura une place à compter du 4 novembre prochain dans un établissement de Beaumont-sur-Oise. Mais dans le même temps, le ministère de la Santé avait annoncé qu'il faisait appel de cette décision, pour éviter que cette histoire ne donne des idées à d’autres personnes. «Il est demandé au Conseil d’Etat de censurer le raisonnement qui sous-tend cette ordonnance, dont on peut craindre qu’elle suscite un nombre considérable de demandes auxquelles l’administration ne pourra de toute évidence pas faire face», écrivait-il dans la requête déposée devant le Conseil d’Etat et qui devait être examinée lundi.

Cette position avait suscité, évidemment, l’indignation et la colère des associations défendant les droits des personnes handicapées, dénonçant «un mépris total du gouvernement» et un renoncement à ses responsabilités. «Que Marie-Arlette Carlotti, la ministre censée défendre les droits des handicapés fasse appel en disant que l’Etat n’est pas responsable du manque de places, c’est le summum ! Vraiment odieux», s’indignait mercredi soir Christel Prado, la présidente de l’Unapei, la principale fédération d’associations de défense des personnes handicapées mentales.

«Je refuse l’affrontement»

La ministre Carlotti, sous la tutelle de la ministre de la Santé, a-t-elle fait volte-face sous la pression des associations ? Elle s’est expliquée lors d’un point presse, ce jeudi en fin d’après-midi. «En renonçant à l’appel, je refuse l’affrontement. J’ai décidé de retirer ce recours par respect pour les personnes porteuses de handicap. Je préfère la voie que je viens de choisir.» Pourquoi alors avoir déposé un appel hier ? «J’avais déposé ce recours en sachant que je pouvais me désister, a-telle répondu. Ce matin, j’ai rencontré les associations, nous allons travailler ensemble pour des solutions concrètes pour les cas critiques comme celui d’Amélie.»

La ministre s’est longuement épanchée sur l’histoire de la jeune femme. Elle a attaqué fort : «L’histoire d’Amélie me touche particulièrement. Ce n’est pas l’Etat qui parle, c’est la ministre, l’être humain.» Elle a assuré aussi que «toutes ses équipes travaillaient activement pour trouver un hébergement permanent à Amélie comme le souhaite sa famille». Pour l’instant, la solution proposée n’est qu’un accueil de jour. «Il faut que l’histoire d’Amélie aide les autres derrière elle. Amélie aura été utile», a dit la ministre.

La ministre a un «plan»

Pour «les autres», que propose-t-elle ? La ministre a établi un plan, mais seulement pour les «cas d’urgence comme Amélie», qu’il faut définir. «On réfléchit à des critères : une situation qui dure, l’état de détresse de l’entourage familial, les ressources de la famille… L’Unapei dit avoir treize dossiers semblables à celui d’Amélie, nous allons commencer par s’occuper d’eux.»

Pour ces «cas critiques» donc, seront créées dans chaque maison départementale des personnes handicapées (MDPH) «des commissions spéciales» chargées d’étudier ces situations et proposer des solution. «Si ça ne marche pas au niveau départemental, alors ça devra marcher au niveau régional», a poursuivi Carlotti, accompagnant ses explications de grands gestes. Le ministère va passer une convention avec les agences régionales de santé (ARS) pour fluidifier les choses.

En cas de blocage, un comité de suivi, mis sur pied au plan national, devra se réunir tous les mois pour «trouver des solutions rapides et urgentes pour les cas les plus complexes». Enfin, les familles pourront toujours appeler le 3977 (numéro national contre la maltraitance) et «dire leur désarroi».

Marie PIQUEMAL