Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
"Au bonheur d'Elise"
21 janvier 2014

Tollé après les révélations télévisuelles sur les maltraitances

article publié dans tsa (l'actualité de l'action sociale)

Le reportage qu'a proposé M6 le 19 janvier sur la détresse des familles d'enfant handicapé sans possibilité d'accueil et sur les situations de maltraitance dans certains établissements a provoqué une vive émotion parmi le grand public. Sur les réseaux sociaux, celui-ci met en cause, parfois sévèrement, l'ensemble des acteurs de cette politique, y compris les professionnels.

2,8 millions. C'est le nombre de téléspectateurs qui ont suivi le (long) reportage de Zone interdite diffusé le 19 janvier par M6. Une telle audience (la seconde après celle de TF1) un dimanche soir pour une enquête journalistique est suffisamment rare pour être soulignée. Et pourtant, le sujet n'était pas vraiment glamour : les conditions d'accueil des enfants (ou jeunes adultes) handicapés en France comme en Belgique.

Un an d'investigation

Au sortir d'une investigation qui, annonce M6, s'est étalée sur un an, Zone interdite montre des familles désemparées, et souvent épuisées, par l'absence de solution d'accueil qui leur est proposée et des situations de maltraitance dans certains établissements français comme belges : violences verbales ou physiques, manque de confort, accompagnement éducatif déficient, etc. Ponctuée d'images fortes recueillies souvent en caméra cachée, l'émission présente un tableau très sombre de l'accueil des enfants handicapés dans notre pays et dans les "usines à Français" que sont devenus de nombreux établissements wallons.

Les réseaux sociaux s'emparent du sujet

Dès le lundi matin, les réseaux sociaux se sont affolés relayant des réactions virulentes de téléspectateurs qui, pour beaucoup, n'avaient aucune connaissance du dossier avant. Sur sa page Facebook, le gratuit 20 minutes propose à ses lecteurs de réagir à l'émission. "Choquant", "inadmissible", "honteux"... les qualificatifs pleuvent. En quelques heures, des dizaines et des dizaines de réactions sont récoltées. "J'ai pris l'émission en cours et je ne savais pas dans quel pays ça se déroulait. Je me demandais dans quel pays sous développé ça se passait. J'étais encore plus choquée de voir que c'était la France qui permettait cela", estime ainsi Caroline.

Libération de la parole

La diffusion de ce reportage en prime time libère les paroles. Chacun y va de son histoire, forte, émouvante (bien qu'invérifiable), avec la volonté de soulever une chape de plomb. Stéphane, handicapé : " J'ai été dans un centre avec mon frère [qui] s'est fait tabasser par un éducateur devant moi. […] Le directeur d'établissement a soutenu l'éducateur". Katia, maman d'un enfant handicapé : "Dix parents ont porté plainte pour maltraitance sur un institut Itep et c'est classé sans suite pas assez de preuves mais les enfants n'ont pas été entendus." Ces réactions dessinent un paysage professionnel où les solidarités internes l'emportent sur l'écoute des enfants et parents, où la loi du silence empêche souvent la vérité d'éclater.
D'autres réactions soulignent le retard de la France dans la prise en charge du handicap, en général, et de l'autisme en particulier. Bernard : "Je suis parent d'une fille autiste de 36 ans. Nous nous "démerdons" depuis toutes ces années, seuls. Le problème majeur et dramatique en France est que les psys ont la maîtrise et exclusivement la main sur les décisions de placement."

Où sont les contrôles ? 

Plusieurs internautes s'étonnent de l'absence ou de la faiblesse des contrôles opérés par les administrations. Fanette : "Je pense qu'il n'y a pas assez de contrôles, de surveillance partout et tout le temps ! Des institutions qui perçoivent de l'argent pour s'établir devraient avoir des comptes à rendre sur l'emploi de ces fonds, et cela sans relâche." Katia explique pourquoi les contrôles débouchent rarement : "Quand vous faites trop de bruit en alertant la presse, l'ARS fait une inspection datée (pas de surprise et le temps pour la direction de faire du ménage et de mettre les dossiers à jour) et ne constate rien." Dans le reportage de M6, le directeur de l'ARS Bourgogne, un brin gêné, confirmait le manque de moyens pour opérer des contrôles réguliers dans les établissements qui dépendent de l'agence.

Difficultés à dénoncer les maltraitances

Mais les professionnels profitent aussi de cet événement pour "l'ouvrir". Sur le site de Faire face (APF), on peut ainsi lire cela : "A 22 ans, premier poste, inexpérience, naïveté, j'ai assisté à la maltraitance d'adultes polyhandicapés dans un établissement très réputé, très beau, très bien doté en personnel : un établissement au-dessus de tout soupçon… Cris, bousculades, insultes, humiliations, enfermement (même dans un placard), privation de repas, gestes brusques. Lorsque j'ai dénoncé ces agissements répétés, j'ai été menacée de licenciement et de poursuites pour diffamation. Je n'ai pas su quoi faire, j'ai été lâche, j'ai abdiqué. J'ai démissionné et ai définitivement quitté le secteur médico-social."

Exigence de transparence

Dans le sujet de M6, on suit le calvaire d'un chauffeur d'IME qui, à la suite de la dénonciation de faits graves mettant en cause plusieurs éducateurs - condamnés ensuite par la justice - a été mis en quarantaine par le personnel de cet établissement.
Même si les professionnels ont toutes les raisons de refuser toute généralisation (lire encadré), ils devront aussi s'interroger sur les raisons qui rendent si compliquée (et si risquée professionnellement) la dénonciation de faits graves de maltraitance. L'exigence de transparence ne peut pas concerner les seuls politiques - qui ont, tout de même, quelques responsabilités dans le retard français.

"J'ai pleuré et j'ai dit des gros mots en regardant cette émission"
La diffusion de cette enquête à charge a ému de nombreux professionnels qui parfois se sont sentis mis en cause personnellement. C'est le cas de Ludivine : "J'ai travaillé en tant que chef de serve éducatif dans un EMP accueillant 70 enfants déficients intellectuels, encadré 15 éducateurs spécialisés […] et je n'ai jamais vu ça de ma vie." Elle poursuit : "Il y a bien plus d'IME et de professionnels bientraitants et qui ont fait ce choix de vie parce que ce n'est pas juste un boulot que l'on peut faire sans conviction." Et cette chef de service éducatif d'écrire : "J'ai pleuré et dit tellement de gros mots en regardant cette émission."
Son de cloche différent chez Jean-Yves Baillon. À l'époque de la première affaire de l'IME de Moussaron en 1997-1999, il suivait le dossier au titre de la CGT. Il se souvient de ses échanges avec le DDASS justifiant l'inertie des pouvoirs publics par rapport à cet établissement : "Que voulez-vous faire ?, me disait-il. Personne ne veut s'occuper de ces enfants et ils nous coûtent moins cher dans cet IME." Comme on le sait, les deux éducatrices qui avaient dénoncé des mauvais traitements ont été déboutées par la justice et licenciées. Une quinzaine d'années plus tard, la situation aurait bien changé. "Fondamentalement, notre regard est plus acéré sur le fonctionnement des établissements." Devenu évaluateur (certifié par l'Anesm), il estime que l'obligation d'évaluation facilite l'ouverture des esprits. Même s'il reste bien du chemin à faire..
Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité
"Au bonheur d'Elise"
Visiteurs
Depuis la création 2 397 679
Newsletter
"Au bonheur d'Elise"
Archives
Publicité