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"Au bonheur d'Elise"
9 mars 2014

Freud, misogyne indécrottable - article publié sur le blog d'EFB

Samedi 8 mars 2014

drapeau_francais.gif   Une des choses que je n’ai jamais comprises est l’absence de révolte des femmes vis-à-vis de la misogynie freudienne. Et encore moins que les psychanalystes femmes aient épousé, intégré, intériorisé et perpétué cette vision machiste sans moufter le moins du monde. Et ne parlons pas de Marie Bonaparte, l’égérie de la psychanalyse française, qui, suivant la doctrine de Freud, « Grand Exciseur » symbolique, selon laquelle les femmes doivent abandonner le clitoris, simple pénis vestigial, pour se concentrer sur l’orgasme purement vaginal (donc sous la dépendance du plaisir de l’homme), se rend en Suisse pour se soumettre à une résection du clitoris, opération à laquelle elle se livrera par trois fois (voir le livre d’Alix Lemel : Les 200 clitoris de Marie Bonaparte).

Et la bienveillance souvent affichée devant cette misogynie inacceptable en avançant des arguments du type : « c’était l’époque qui voulait cela » ou encore : « il ne faut pas juger les positions de Freud avec nos conceptions actuelles », ne tient absolument pas la route, pour au moins deux raisons.

La première est qu’il existait déjà, au moment où « le débroussailleur de l’inconscient » élaborait ses affabulations (pour reprendre le terme de Michel Onfray), un courant féministe présent dans la société, porté non seulement par des femmes mais aussi par des hommes illustres (comme le philosophe anglais Jeremy Bentham ou notre Condorcet national) auquel le fondateur de la psychanalyse aurait pu adhérer.

La seconde est que si l’on considère que le machisme de Freud n’est que le reflet de l’idéologie prédominante à son époque, alors la conclusion logique est de le corriger aux vues des conceptions actuelles sur la féminité. Et donc de reconnaître que Freud, sous l’influence de son siècle, s’était tout simplement trompé. Et que ses affirmations sur la question doivent être purement et simplement abandonnées, voire répudiées. Or cela reviendrait à reconnaître que le Maître n’était pas infaillible, que son œuvre n’est pas un dogme intouchable et universel mais réformable et culturellement déterminé. Sauf que, dans ce cas, le mythe s’écroule, l’idole tombe de son piédestal, le roi est nu et il n’y a aucune raison de ne pas « réformer » tel ou tel autre concept freudien, voire son œuvre entière. Et cela aucun système fermé, basé sur le principe d’autorité, de « l’homme providentiel », de la soumission aveugle et inconditionnelle, ne peut se le permettre, sous peine de disparaître comme s’est dissoute l’URSS lorsque le réformateur Gorbatchev a lancé la glasnost et la perestroïka, comme le ferait le catholicisme si le Pape commençait à transiger avec le dogme. La psychanalyse, pas plus que le communisme (les deux grandes « religions » du XXème siècle), ne peuvent en aucun cas tolérer la moindre réforme sous peine d’effondrement irréversible.

Il existe peut-être, en y réfléchissant bien, une raison à cette absence de révolte des femmes : la méconnaissance de ce qu’a réellement dit et écrit Freud de la part du grand public, à qui on n’a donné que la version édulcorée de la doctrine psychanalytique (la légende freudienne, les « cartes postales » -pour citer Onffray à nouveau-, la Vulgata officielle -celle de Jones, son biographe autorisé, qui relève carrément de l’hagiographie-), ce que Jacques Van Rillaer appelle : « la psychanalyse populaire » en opposition à « la psychanalyse pour initiés » (voir ICI).

Pour pallier cette lacune, rien de tel que de lire Freud lui-même, dans le texte (tiré de la version française de ses œuvres complètes, aux éditions du P.U.F.), sur le sujet qui nous occupe.

LE VOICI.

Pour celles et ceux qui ne veulent pas le lire dans son intégralité (c’est dommage, car cela en vaut la peine…), voilà deux extraits particulièrement éloquents :

"Nous attribuons donc à la féminité un plus haut degré de narcissisme qui influence encore son choix d'objet, si bien qu'être aimée est pour la femme un besoin plus fort qu'aimer. A la vanité corporelle de la femme participe encore l'action de l'envie de pénis, étant donné qu'il lui faut tenir en d'autant plus haute estime ses attraits, en dédommagement tardif pour son infériorité sexuelle originelle. A la pudeur, qui passe pour une qualité féminine par excellence, mais qui est beaucoup plus affaire de convention qu'on ne pourrait le penser, nous attribuons la visée originelle de masquer la défectuosité de l'organe génital. Nous n'oublions pas qu'elle a plus tard assumé d'autres fonctions.

 On estime que les femmes ont apporté peu de contributions aux découvertes et aux inventions de l'histoire de la culture, mais peut-être ont-elles quand même inventé une technique, celle du tressage et du tissage. S'il en est ainsi, on serait tenté de deviner le motif inconscient de cette prestation. C'est la nature elle-même qui aurait fourni le modèle de cette imitation, en faisant pousser, au moment de la maturité sexuée, la toison génitale qui dissimule l'organe génital. Le pas qui restait encore à franchir consistait à faire adhérer les unes aux autres les fibres qui, sur le corps, étaient plantées dans la peau et seulement enchevêtrées les unes avec les autres. Si vous repoussez cette idée incidente comme fantastique et si vous m'imputez comme une idée fixe l'influence du défaut de pénis sur la configuration de la féminité, je suis naturellement sans défense".

 

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 "Que le facteur ancien du défaut de pénis n'ait toujours pas perdu sa force, cela se montre dans la réaction distincte de la mère à la naissance d'un fils ou d'une fille. Seul le rapport au fils apporte à la mère une satisfaction sans restriction ; c'est en fin de compte, de toutes les relations humaines, la plus parfaite, celle qui est le plus exempte d'ambivalence. Sur le fils, la mère peut transférer l'ambition qu'elle a dû réprimer chez elle, attendre de lui la satisfaction de tout ce qui lui est resté de son complexe de masculinité. Le mariage lui-même n'est pas assuré tant que la femme n'a pas réussi à faire de son mari aussi son enfant, et à agir à son égard le rôle de la mère."

"Le fait qu'il faille reconnaître à la femme peu de sens de la justice est sans doute en corrélation avec la prédominance de l'envie dans sa vie d'âme, car l'exigence de justice est une élaboration de l'envie, indiquant à quelle condition on peut se départir de celle-ci. Nous disons aussi des femmes que leurs intérêts sociaux sont plus faibles et leur capacité de sublimation pulsionnelle moindre que celle des hommes."

"Un homme dans la trentaine apparaît comme un individu juvénile, plutôt inachevé, dont nous attendons qu'il exploite de toute sa force les possibilités de développement que lui ouvre l'analyse. Mais une femme au même âge de la vie nous effraie fréquemment par sa rigidité et son immutabilité psychiques." 

 

Et ce n'est pas tout: le père sort sa fille du lit en pleine nuit froide, ce qui explique, selon lui, les frissons des femmes hystériques, tout comme les migraines féminines sont attribuées aux réminiscences de la pression exercée par le père sur les tempes de la fillette lorsqu'il la forçait à lui administrer une fellation (d’où, ensuite, des eczémas labiaux à répétition). (Lettres à Wilhelm Fliess, lettre n) 115 du 3 janvier 1897 et n°120 du  8 février 1897 PUF, 2006,  pp. 281 et 294)  

Et je garde le meilleur pour la fin. D'après Freud, les femmes agoraphobes ne sont que des nynphomanes qui se retiennent. Textuellement:  "L’agoraphobie chez les femmes, c’est le refoulement de l’intention d’aller chercher dans la rue le premier venu."  Lettres à Wilhelm Fliess, lettre du 17 février1896, PUF, 2006, p. 277).

Alors, féministes françaises : qu’attendez-vous pour monter au front, vous qui voilà quelques décennies aviez demandé la démolition de la tour Eiffel au motif qu’elle était un odieux symbole phallique imposé à toutes les parisiennes et, au-delà, à toutes les femmes ? Voici, pour mémoire, ce qu'écrivait l'une des vôtres, Benoîte Groult, une vraie "lame" (fine, brillante, tranchante) dans son magnifique ouvrage: Ainsi soit-elle: "Freud a fait perdre cent ans à la cause des femmes" (p. 134),  " Freud regarde la femme du haut de ses testicules " (p. 136),  "Dans toute cette affaire, l'obsédé du pénis, n'est-ce pas Freud ? " (p. 201).

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Ce post est très largement redevable envers Jacques Van Rillaer.

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