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"Au bonheur d'Elise"
3 avril 2014

INTERVIEW - L'autisme : Laurent Savard avec Le bal des pompiers appuie là où ça fait mal

article publié dans allo-médecins

Rédigé par , le 02 avril 2014 à 17h00

Prochaine représentation de Laurent Savard le 5 avril à Paris !

Prochaine représentation de Laurent Savard le 5 avril à Paris !

Ce 2 avril 2014, c’est la journée de l’autisme. A cette occasion, Allo-Médecins est allé à la rencontre de Laurent Savard, le père de Gabin, un enfant autiste. Son métier ? Humoriste : c’est ainsi qu’il a conçu le Bal des Pompiers, un spectacle racontant son expérience

« Ce spectacle vient de mes tripes, de mon intériorité de papa. Gabin, c’est comme s’il était avec moi en permanence sur scène ». Laurent Savard est le père de Gabin, un enfant autiste. Il joue depuis 2012 son spectacle le Bal des pompiers, racontant son expérience. Pourquoi le Bal des pompiers ? Gabin est né ce jour-là, un 13 juillet ! En cette journée internationale dédiée à l’autisme, nous avons voulu en savoir plus sur ce spectacle. Laurent Savard nous répond.

Allo-Médecins : Pourquoi avez-vous décidé de dédier votre spectacle à votre fils et par extension à l’autisme ?

Laurent Savard : L’humour est mon métier. J’ai commencé au milieu des années 1990 avec des potes comme Stéphane Guillon. J’ai eu des pièces, dont une a été produite au splendide, et puis Gabin est né. Très vite alors que Gabin grandissait on s’est rendu compte qu’il avait des problèmes, même si on ne savait pas lesquels. Je me suis donc écarté de mon métier, et à un moment donné la scène me manquait. Je me suis alors rendu compte que je ne pouvais pas faire autre chose qu’un spectacle autour de tout ce qui se passait avec Gabin. Je ne me suis pas dit « je vais faire un sujet sur l’autisme, mais juste un spectacle globalement drôle qui décrit la réalité de ce qui se passe avec mon enfant ».

A-M : Quel message voulez-vous faire passer avec ce spectacle ?

L Sa : C’est intéressant parce que, est-ce que justement un spectacle doit faire passer un message ? Je me suis rendu compte très vite que les gens m’ont dit « ah oui, vous avez du courage, vous êtes militant ». Et en fait non ! J’ai juste décrit les personnages qui s’articulent dans la vie de Gabin comme une psy scolaire ou une directrice d’école. Je n’ai fait que retranscrire la réalité parfois en forçant le trait mais pas tant que ça, et du coup s’il y a un message, c’est à l’insu de mon plein gré. La situation est si intolérable en France en matière d’autisme et d’handicap mental en général que forcément, ça imprime un message fort qui surligne tout ce qui est inadmissible en France.

A-M : Voulez-vous dénoncer la manière dont votre fils, ou les personnes handicapées en général sont stigmatisés ?

L Sa : J’en ai conscience, ça dénonce pas mal. Mais voilà, vous êtes Papa pour la première fois, vous vous rendez compte que votre enfant est différent et on vous fait subir comme une double peine. Ce n’est déjà pas facile d’avoir un enfant dit différent mais après, la société vous fait payer cette différence. Je ne demandais rien, comme tous les parents je ne demandais qu’à éduquer mon enfant et au final on vous culpabilise. C’est ça être le papa d’un enfant autiste en France. Le spectacle porte particulièrement sur la période où Gabin a entre 2 et 6 ans, quand on n’a pas encore le diagnostic et qu’il y a l’entrée à l’école. C’est une période qui me semblait très intéressante à traiter.

A-M : Durant cette période, vous saviez que Gabin était différent, mais ne saviez pas qu’il était autiste ?

L Sa : Non, il faut savoir que le spectacle s’ouvre par une scène chez une pédiatre, et j’ai quasiment restitué mot pour mot ce qu’on a pu entendre. Quand votre enfant a deux ans et que la pédiatre vous dit « oh moi je ne me m’inquiète pas pour Gabin » ou « on se revoit hop hop hop bah six mois plus tard à la Toussaint et si à Pâques prochain il n’y a toujours pas de progrès on verra ». Les mois passent, et heureusement qu’il y a un truc qui s’appelle Internet pour aller sur les forums. On se met presque en position de médecins, et on essaie à partir de signes cliniques de faire nous-même un diagnostic. Progressivement, Marylou, la mère de Gabin a commencé à penser qu’il était peut-être autiste. Et moi j’ai dit « non non non, autiste c’est Rain Man ». Vous voyez, on a tous nos préjugés sur l’autisme. Je suis fier de ce spectacle car il y a environ un an, il y a un article sur le Parisien qui disait que depuis le bouquin de Francis Perrin (ndlr : co-auteur du livre autobiographique Louis, pas à pas) et mon spectacle, on avait maintenant une vision différente et plus détaillée de ce que peut être l’autisme. De toute façon il n’y a pas un autisme mais des autismes.

Le spectacle porte sur la période où Gabin a entre 2 et 6 ans
Le spectacle porte sur la période où Gabin a entre 2 et 6 ans

A-M : Quand et comment a été diagnostiqué l’autisme de Gabin ?

L Sa : On a appris il y a deux ans que son autisme était dû à la mutation d’un gêne qui s’appelle le Shank 3, c’est un peu exotique comme nom ! En fait, quand vous avez un enfant différent, le pédiatre ne va pas vous aider parce qu’il n’en sait pas plus que vous. Le problème est que l’autisme dans une formation médicale correspond à un cours de deux heures. Au final, c’est les parents qui font avancer les choses, qui vont sur le terrain et qui mettent la pression pour dire au corps médical « faites quelque chose parce que ça devient une priorité sanitaire ».

A-M : Vous voulez dire au corps médical qu’il faut faire plus sur l’autisme avec ce spectacle ?

L Sa : Progressivement en écrivant ce spectacle, je me suis rendu compte que l’autisme est un peu la synthèse de tout ce qui ne va pas en France en matière de santé, de prise en charge. Je n’ai pas fait un spectacle sur l’autisme, mais sur la différence. On touche la différence en France et au final, on appuie où ça fait mal. La différence fait peur, elle est mal connue, mal accompagnée et du coup on mène un combat permanent. Ma manière de combattre est peut-être l’humour, mais partout en France les parents doivent s’impliquer d’autant plus pour que leur enfant soit bien pris en charge par rapport à d’autres pays.

A-M : Avez-vous l’impression de sensibiliser ?

L Sa : Ce qui est assez marrant, c’est que les programmations sont assez variées. Je joue à des festivals d’humour, des festivals liés au handicap, des communes qui m’appellent dans le cadre d’un programme de sensibilisation, des théâtres classiques, des associations de parents qui programment. Les gens qui ne connaissent pas se disent « ce n’est pas vrai, ils vivent tout ça ces parents ?! » et ceux qui ont des enfants autistes confirment « et oui, c’est exactement ce qu’on vit ». C’est ce qui est fou !

A-M : Les parents d’enfants autistes se reconnaissent tous dans le spectacle ?

L Sa : Oui ils se reconnaissent vraiment dans le spectacle. Et c’est vrai que je suis un peu gêné pour le dire, mais je suis très fier que ce soit devenu leur spectacle. Ils peuvent dire à leurs voisins, à leurs amis « allez voir le Bal des pompiers, allez voir ce qu’on vit ». L’avantage est que souvent les proches se déplacent plus facilement à un spectacle car c’est moins gênant d’apprendre de cette manière la vérité, parce qu’au final, ça reste un spectacle. C’est un outil de sensibilisation mais avant toute chose, ça reste un spectacle d’humour. Il m’a tout de même demandé trois ans d’écriture et réécriture parce que je ne voulais pas être à côté de la plaque, ne serait-ce que par respect pour mon fils puisque le spectacle parle de lui ; et à aucun moment je ne devais faire en sorte qu’on rit de sa différence, mais bien de ceux qui rient de lui.

"Gabin, c'est comme s'il était avec moi en permanence sur scène"

A-M : Les spectateurs rient donc de ceux qui ont rejeté votre enfant ?

L Sa : Quand la directrice d’école vous dit « quand j’ai commencé ce métier, ce n’était certainement pas pour m’occuper d’handicapés », déjà j’ai regardé derrière moi pour savoir si c’était bien à moi qu’elle parlait. Oui oui, c’était bien à moi. Vous vous dites c’est tellement énorme que vous vous demandez si tout va bien dans sa tête. Si on est humain on ne peut pas dire des choses pareilles. Ou quand la psy scolaire vous dit que votre enfant se met dans un cerceau pour retrouver l’utérus de sa maman… vous vous demandez ce que vient faire la psychanalyse pure ici. C’est tellement énorme qu’il vaut mieux en rire. Donc je suis fier du succès du spectacle et aussi ça nous aide au quotidien pour Gabin.

A-M : En quoi le spectacle a changé quelque chose pour votre vie quotidienne ?

L Sa : A force ça se sait, donc tout ceux qui sont dans la sphère de Gabin sont au courant du spectacle et se disent qu’il ne faut pas qu’ils finissent en sketch. Du coup Gabin est d’autant plus chéri, et les gens font plus attention à lui. Et ça mène aussi une responsabilité pour nous. Même si je fais en sorte de protéger son image, ça le met en lumière. Mais on doit faire attention, pour qu’il grandisse le mieux possible. Il ne va pas être enfant toute sa vie, il va avoir douze ans au prochain bal des pompiers. Avec ce spectacle, la maman de Gabin qui était déjà fière l’est encore plus. Au début on peut se dire que son enfant est différent, on l’aime mais c’est dur et ce spectacle magnifie cette différence.

A-M : La presse compare souvent votre spectacle avec le livre Où on va papa de Jean-Louis Fournier. Que pensez-vous de cette comparaison ?

L Sa : C’est forcément flatteur. Évidement il y a plein de points communs. Lui était pote avec Desproges, moi avec Guillon. Il avait deux enfants handicapés, moi j’en ai un. La différence est que Jean-Louis Fournier était à une époque où on mettait facilement les handicapés dans des centres. Aujourd’hui les parents veulent de moins en moins y mettre leurs enfants. C’est ma volonté en tout cas. On est d’autant plus en action avec notre enfant et moins dans l’observation. Je voulais être sûr que mon spectacle soit légitime. Et quand j’ai vu le livre de Fournier paraître pendant que j’écrivais mon spectacle, je me suis dit que la société était prête. Je ne voulais pas que les parents pensent que je profitais du handicap de mon fils pour faire un spectacle.

A-M : Quel avenir envisagez-vous pour votre spectacle ?

L Sa : Peut-être une suite au Bal des pompiers pour toucher à l’adolescence de Gabin. Pour l’instant entre la tournée et Gabin je n’ai pas trop le temps d’y penser. Je réfléchis à une adaptation cinématographique aussi.

Allo-Médecins remercie Laurent Savard pour cette interview. Nous vous invitons à consulter son site, et les dates de sa tournée juste ici !

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