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"Au bonheur d'Elise"
21 avril 2014

Josef Schovanec : JE SUIS A L'EST ! ... ça tombe bien, ici aussi !

article publié sur le blog Théo M'a Lu Anne !

C'est ma toute dernière lecture. Cela faisait bien longtemps que je n'avais rien lu qui traitait de l'autisme, celui-ci me faisait de l'oeil depuis un moment. Allons-y !

Attention, c'est Josef, une grande pointure au sein de la communauté autistique. Une sorte de porte-parole qui plaide la cause de tous les autres réduits au silence.

Donc Josef est d'abord et avant tout un philosophe...Pas de pacotille,non ,non, docteur en philosophie et ancien étudiant de Sciences Po. Autant de titres ronflants dont il n'a que faire. C'est tout Josef ça !

Autant le préciser, il ne fait pas dans l'apitoiement de soi même si quand même ça a été dur et que ça le reste de toute évidence pour lui. Josef a beaucoup réfléchi sur tout et bien au-delà de l'autisme. Attention, rappelons-le quand même: tous les autistes ne sont pas et ne deviendront jamais "autistes-et-savants" et c'est une trèèèès grande majorité des concernés par ce handicap. La prise en charge des "personnes avec autisme" est sûrement à pointer du doigt mais pas que... 

Il cite Foucault, Erasme, Kafka, Coluche et bien d'autres, toujours à propos (évidemment) et dans le seul but de faire avancer le schmilblick... Surtout pas par vanité. Impossible, il est autiste ! Par contre, il décode parfaitement le grande foire aux vanités qui le cerne; enfin...il a appris à le faire et ça lui a demandé des efforts colossaux bien plus que de mémoriser un rayon entier de livres à la bibliothèque ou je ne sais plus combien de langues étrangères.

Autant le dire, le syndrome d'Asperger, je ne le vis pas au quotidien et j'ai apprécié sa critique de la classification (il parle même de hiérarchisation dans les types et formes d'autisme et là, je le rejoins pleinement) et des contours de l'autisme. Mais là où je suis plus partagée, c'est quand il affirme: "Pour le ramener à moi, si l'autre jeune avec autisme [...] ne sait pas comment s'appeler le successeur de Ramsès II, il ne faut pas s'en lamenter. Il y a fort à parier qu'il ou elle sait aller chez le coiffeur, chose que je ne sais pas faire. Et des deux aptitudes, laquelle est la plus importante dans la vie ?". J'apporterai un bémol - même si sur le fond, je suis d'accord - car globalement, notre société se fiche pas mal de ce qui est "important" mais plutôt de ce qui est valorisant. Et connaître les noms des participants aux trente dernières dynasties de l'Egypte ancienne épatera toujours plus la galerie que de savoir se rendre dans un supermarché sans être saisi par l'angoisse...D'ailleurs remarquez comme tous les intervenants autistes sont principalement des Aspergers et que les autres semblent moins "présentables" pas assez "télégéniques", ce qui est moins le cas en ce qui concerne la Trisomie 21 comme il le souligne lui-même. Toujours cette hiérarchisation qui n'est jamais très loin !

Pour le reste, c'est que du bonheur: la diatribe contre la psychiatrie est très réussie d'autant plus que Josef sait parfaitement de quoi il parle. L'évocation de son calvaire "la tête dans le sac" (les psyks ne sont pas avares de "cachetons") pendant plusieurs années tendrait à laisser penser qu'il est plus que temps de revoir les fondamentaux en matière de prise en charge de l'autisme (même si on en est au 3ème plan autisme déjà et que si j'ai bien compris, il n'y a guère que les politiques pour trouver que les choses "évoluent dans le bon sens"): ne plus laisser l'autisme entre les seules mains de docteurs Jekyll et mister Hide lui semble (à moi aussi d'ailleurs) relever d'un sage et simple principe de précaution, favoriser le diagnostic précoce, former les personnels enseignants, penser à l'avenir et aux conditions de vie des autistes adultes (dont seulement 10% ont un emploi aujourd'hui et le plus souvent précaire)...

Josef "balance" et ça fait du bien comme un grand dépoussiérage de printemps: les politiques (Mme Carlotti a dû avoir les oreilles qui ont sifflé), l'éducation nationale, les associations et leurs présidents à vie gérées comme des partis politiques, les associations encore qui excluent les autistes de leur exécutif (!), les médias... Bref, tout le monde en prend pour son grade et c'est à la fois tellement justifié et jamais méchant parce qu'abondamment argumenté.

Sinon, j'y ai trouvé des choses vécues ici et qui m'ont raménée à notre quotidien. Exemple :"Lorsqu'il allait faire les courses, mon père m'emmenait souvent avec lui, profitant de ce moment pour m'exercer aux codes sociaux, sachant que lui fasait tout, et que je ne faisais que marcher derrière lui". Et ce n'est qu'un exemple...Il avoue ne pas savoir s'habiller, garnir sa garde-robe des mêmes vêtements, ne pas fréquenter les restaurants... Je n'ai pu m'empêcher de penser que Théophile s'entendrait bien avec Josef même si les profils sont un peu différents (toujours cette hiérarchisation !!!).

L'évocation de son parcours scolaire est un grand moment avec ce constat: si on arrive encore à scolariser quelques enfants autistes (pas même 20% en France) en maternelle et en primaire, ils disparaissent comme par enchantement au collège. Quant à ceux qui atteindront le lycée, voire l'université...Ne les cherchez pas, il n'y en a quasiment aucun malgré leur intelligence (certes pafois atypique mais intelligence tout de même).

Sa théorie de "la gaffe, de la baffe et de la contre-baffe" est réjouissante même si le sujet est grave. En arriver à penser que l'expérience souvent douloureuse reste la meilleure rééducation pour un autiste illustre son parcours "social". Il dépeint parfaitement sa désolation devant la pauvreté des relations sociales de l'autiste  (parce que sa conviction, c'est que l'autiste n'est pas réfractaire à aller vers l'autre, il ne sait juste pas comment faire...) ou le culte du moi qui est par essence une notion qui lui est étrangère. Imaginez sa surprise quant ayant mis un pied dans la politique (enfin pas directement quand même), il entend un sbire lui confier: "Pour moi, une journée sans qu'on parle de moi dans les médias, est une journée perdue". Josef va de surprise en surprise tel le Petit Prince mais en moins poétique !

Et c'est la qu'apparaît toute la question de l'altérité, thème qu'il affectionne. Elle est en fait le fil conducteur de cet ouvrage. Josef développe abondamment cette notion hautement philosophique mais que tout le monde peut comprendre ici. La différence, l'acceptation oblige à déplacer nos curseurs de "neurotypiques" (mot qu'il n'apprécie pas trop d'ailleurs) dans bien des domaines. En citant Erasme et son Eloge de la Folie, il nous amène là encore à envisager une autre forme de pensée. Et l'autiste, bien avant de vivre autrement (de par ses petites manies ou ses obsessions), pense autrement, envisage notre monde très différemment de nous. Pour autant, est-ce qu'il est à bannir ou mieux, est-ce qu'il n'a pas raison ?

Alors je vais laisser ceux qui ne l'ont pas encore lu le faire et se régaler des thèses et souvenirs de Josef Schovanec. Une journaliste de France Info qui présentait le dernier ouvrage de Josef finissait son éloge par un : " Nous gagnerions tous à être un peu plus autistes". Alors pour ceux qui voudraient continuer le voyage...

http://www.franceinfo.fr/societe/modes-de-vie/eloge-du-voyage-a-l-usage-des-autistes-1354037-2014-03-17

Grand moment d'humanité et de réconfort que cette lecture. Josef dit de lui-même: "Quand je suis déprimé, je me sens apatride. Quand je suis en forme, je me sens citoyen du monde". Alors Monsieur, laissez-moi vous dire que vous n'êtes pas seulement autiste (et c'est déjà une grande qualité), vous êtes également un grand humaniste...

Bonne lecture.

LaMaman

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