Ils sont nombreux, ces parents, ces frères et sœurs de personnes handicapées, en grande solitude. Ils tapent à toutes les portes, mais n’obtiennent pas toujours de réponse adaptée, voire pas de réponse du tout… Après la parution de l’enquête de Libération, beaucoup ont contacté la rédaction.

Hann (Hauts-de-Seine), 70 ans, mère d’un fils de 37 ans, autiste :

«Pendant des années, on a bourré mon fils de neuroleptiques, baladés dans des hôpitaux psychiatriques. J’ai fini par accepter de l’envoyer en Belgique. Mais cela s’est très mal passé. Ils lui donnaient des médicaments en cachette, l’enfermaient dans sa chambre. Il tapait tellement fort avec ses mains pour qu’on le sorte de là, qu’il a les doigts tout abîmés, avec des staphylocoques que je soigne encore. Il a perdu 12 kilos en six mois. Ce n’était plus possible, je l’ai repris à la maison. Et vous savez quoi ? Je lui ai redonné le sourire. Avec l’aide du généraliste, et des professionnels qui viennent chez moi, on a réussi à arrêter les neuroleptiques. Il progresse tous les jours, même à 37 ans ! Il fait du roller, de la trottinette et du piano, vous imaginez ? A présent, il va dormir tout seul le soir. Mais toutes les nuits, je me réveille avec cette angoisse : que va-t-il devenir quand je ne serai plus là, qui va s’en occuper ?»

Eric Steiner (Savoie), 49 ans, père d’une petite fille autiste de 5 ans et demi :

«Les maisons départementales pour les personnes handicapées [MDPH, ndlr], franchement, on se demande à quoi ça sert. Je passe tout mon temps libre à faire des démarches administratives. Je ne travaille plus, j’ai vendu mon entreprise de rénovation dans le bâtiment. Pas le choix, de toute façon, c’est du temps plein de s’occuper d’elle. Je me débrouille avec le RSA et les allocations. On a déjà déménagé quatre fois, car dès que je repère un établissement qui pourrait accepter mon enfant, pour avoir une chance que ma demande soit étudiée, il faut être domicilié dans le département. Au total, j’ai contacté 256 centres… Rien. J’ai réussi à la scolariser deux demi-journées par semaine, dans une "Clis" (classe pour l’inclusion scolaire). C’est à 120 km de chez moi… Mais en deux ans, elle n’a quasiment rien appris dans cette école. Elle n’a fait aucun progrès. A quoi bon continuer ? A la maison, j’arrive à la faire progresser, je lui ai appris à communiquer avec une langue des signes adaptée. Je fais tout, tout seul. C’est épuisant. Un docteur m’a dit que j’avais sorti mon enfant de l’autisme profond. Pourquoi en France, on n’intègre pas les parents dans les solutions de prises en charge ? Je suis persuadé que ça marcherait, mais personne ne m’écoute. Je lance une bouteille à la mer : tedaction73@orange.fr»

Yves (Bouches-du-Rhône) 75 ans, père d’une fille de 40 ans, schizophrène :

«Adolescente, notre fille est restée pendant neuf mois dans sa chambre, dans le noir, car les médecins refusaient de se déplacer à notre domicile pour la prendre en charge. C’est un des principaux problèmes en France : on manque d’équipes mobiles de psychiatres formés, qui peuvent approcher le malade, lui parler, et éviter d’aboutir à une situation de crise non maîtrisable. Notre fille a été placée dans cinq ou six hôpitaux psychiatriques et autant de centres de réadaptation. A chaque fois, elle n’y restait au maximum qu’une année, car les structures ne peuvent la garder plus longtemps. Résultat : même si elle sort à peu près stabilisée, au bout de quelques semaines, elle rechute. Et comme son dossier médical n’est pas toujours transféré d’un hôpital à un autre, la même erreur se reproduit : le psychiatre la shoote un bon coup, et c’est à chaque fois une tragédie pour elle, et nous, sa famille. Dans quelques mois, on va encore devoir changer notre fille de lieu alors qu’elle avait progressé. Son état va se dégrader à nouveau…»

Sylvain MOUILLARD et Marie PIQUEMAL