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"Au bonheur d'Elise"
14 mai 2014

Des sévices physiques à l'exclusion politique des personnes handicapées

Les reportages diffusés dans les médias audiovisuels et presse écrite sur la maltraitance des personnes handicapées en établissement révèlent plus largement la situation de discrimination que subissent les six millions de citoyennes et citoyens handicapés en France. Lorsque la personne (enfant ou adulte) ne dispose pas des droits fondamentaux, son exclusion devient effective et sa vulnérabilité l’expose à tous les dangers.

Des milliers de parents rencontrent des obstacles insurmontables pour que leur enfant puisse aller à l’école du quartier ; près de deux millions de personnes handicapées voudraient trouver une place dans une formation professionnelle, universitaire ou en apprentissage. Mais là aussi les portes sont fermées : contrairement aux pays avancés dans ce domaine, en France les dispositifs n’ont rien prévu pour accueillir ces personnes. La loi du 11 février 2005 est totalement ignorée, ses décrets sont très partiellement appliqués, voire parfois détournés.

Cette politique de discrimination a engendré par exemple une zone de non droit pour les 130.000 personnes handicapées accueillies dans les ESAT (Etablissements et Services d’Aide par le Travail), à savoir que pour ces dernière le droit commun du travail n’est pas appliqué en toute légalité.

Les révélations dans l'émission Zone Interdite, au mois de janvier 2014, ainsi que celles faites par Libération (24 avril) s’agissant de la maltraitance d'enfants Français lourdement handicapés en France et en Belgique, ont jeté un peu de lumière sur une situation inacceptable. Une situation qui, malheureusement, n'est pas nouvelle, car en 2002 et 2003 plusieurs rapports parlementaires (notamment le rapport au Sénat nº 369 de M. Blanc, et le rapport nº 683 de l'Assemblée Nationale de M. Chossy qui demandait, déjà à l'époque, une Commission d'enquête sur la situation dans les ESAT) signalaient des dysfonctionnements graves concernant la prise en charge institutionnelle du handicap en France. Dix ans après les choses n'ont pas évolué, elles se sont même aggravées.

En effet, à l’exception de Jacques Chirac, la classe politique française n’a jamais eu de stratégie d’accueil ni de projet de vie pour les personnes handicapées, les plaçant dans des centres, le plus souvent à l’écart des villes, comme un moyen de se débarrasser d’un problème. Plus grave, elle ne s’est jamais préoccupée de la formation des équipes accueillant une population qui requiert une attention particulière, et pour laquelle la réponse dans nombre de pays de l’OCDE est la vie en milieu ordinaire et non dans des centres considérés comme ségrégatifs par les pays scandinaves.

Les données chiffrées sur la problématique de la maltraitance sont rares, mais elles pourraient être infimes si la France adoptait une approche plus socio-éducative que médicale du handicap. Qui plus est, un rapport de l’IGAS-IGF (2012) fait ressortir un manque de places en France pour accueillir des enfants et adultes lourdement handicapés, les pouvoirs publics ne proposant aucune solution tant pour ces personnes que pour leurs parents souvent en détresse, sans le moindre soutien.

Les sources les plus récentes (2011) estimeraient à 4.000 enfants (maternelle, primaire, collège) et à près de 2.000 adultes accueillis en Wallonie, financés par l’Assurance Maladie française. D’autres sources parlent de plus de 10.000 personnes vulnérables françaises orientées en Belgique, les placements relevant du champ des conseils généraux (ex. foyers pour adultes) demeurent difficiles à être évalués. 47 départements auraient une convention avec des établissements Belges. La délocalisation du handicap est devenue l’économie locale de la Wallonie, générant plus de 2.000 emplois directs. Il s’agit le plus souvent de structures commerciales qui échappent à tout contrôle de la part des autorités françaises. Ces centres ne veulent pas accueillir de Belges, car le Ministère de la Santé wallon est beaucoup plus exigeant en matière de contrôles de la qualité de la prise en charge avec ses compatriotes. En effet, les structures d’accueil wallones sont réputées parmi les meilleures d’Europe, du moins celles agréées par l’Etat belge pour les Belges. Or, ce n’est pas le cas de la plupart des structures privées de Wallonie accueillant des Français, simplement soumises à des critères d’hygiène et de sécurité. L’analyse du Ministre de la Santé wallon est sur ce point sévère, car il fait part d’un défaut de transparence, de contrôles, de dialogue et de coordination entre la France et la Belgique.

Comment l’Etat français peut-il envoyer des mineurs, de surcroît vulnérables, dans un autre pays sans surveillance ni possibilité d’effectuer des contrôles par l’Assurance Maladie dans des institutions à caractère lucratif ?

Par ailleurs, contrairement à ce que prétendent les autorités françaises, la question ne se pose pas en termes d’une plus grande disponibilité de places en Belgique ou de complémentarité d’offres de places entre nos deux pays, car le ministère de la Santé wallon est également confronté à un manque de places pour ses ressortissants.

On ferme volontairement les yeux pour mieux rejeter les réclamations de ceux qui ne demandent que le respect de leur dignité et de leurs droits, et ce pour mieux discréditer la parole de ceux qui osent mettre à nu toute une série de mécanismes d'exclusion d’êtres humains par des êtres humains au sein même d'une société qui se considère hautement civilisée.

Des mécanismes donc qui œuvrent en plein jour mais dans l'indifférence totale, jetant ainsi dans l'ombre et l'invisibilité de la sous-citoyenneté des millions de personnes.

 

Stéphane Forgeron, Sergio Avalos, Bachir Kerroumi

 

Lien vers pétition sur change.org : http://www.change.org/fr/p%C3%A9titions/mme-s%C3%A9gol%C3%A8ne-neuville-une-enqu%C3%AAte-parlementaire-sur-la-maltraitance-concernant-toutes-les-personnes-en-situation-de-handicap-enfants-et-adultes-dans-toutes-les-institutions?recruiter=53926253&utm_camp

 

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