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"Au bonheur d'Elise"
15 février 2015

L'autisme à l'école -> Arthur, un enfant presque comme les autres

 article publié dans PARIS MATCH le 15 février 2015

Arthur, un enfant presque comme les autres

Arthur, 8 ans et demi, est aujourd’hui un brillant élève de CE2. Il a pu intégrer une classe « normale » © Alvaro Canovas

Aucune école ne pouvait accueillir le jeune autiste jusqu’à l’ouverture de la classe soleil. En septembre 2009, il est parmi les premiers à être intégré dans la nouvelle classe maternelle de Saint-Dominique, l’un des rares établissements en France à proposer à quelques autistes une scolarité adaptée.

« Avant, Arthur était autiste. Maintenant, il est guéri ! » Flore répond à la ­question de M. Anglès, le chef d’établissement, qui demande aux élèves s’ils ont compris pourquoi des journalistes sont aujourd’hui en classe avec eux. Le garçon se tient au milieu de ses camarades de CE2, une classe ordinaire composée d’élèves ordinaires. A 8 ans et demi, son visage est lumineux et son regard bleu transperce ceux à qui il s’adresse. Arthur s’exprime parfaitement. Il a un bon 14 de moyenne. Il joue au foot à la récréation et va dormir de temps en temps chez ses copains, comme n’importe quel enfant de son âge. Pourtant, à 2 ans, Arthur a été diagnostiqué autiste sévère. Incapable de verbaliser, emprisonné à l’intérieur de lui-même, il se débattait violemment à chaque frustration, se tapait la tête contre les murs, mordait au sang. Aujourd’hui, les tests qu’il effectue régulièrement ne détectent plus aucun symptôme de son handicap. Une pathologie liée à des anomalies du développement du système nerveux central qui ne se guérit pas. Un miracle ? Non ! Arthur doit son salut à une expérience inédite en France jusqu’en 2009. Cette année-là, à Neuilly-sur-Seine, l’école privée Saint-Dominique, établissement catholique d’enseignement en contrat avec l’Etat, ouvre en maternelle une classe d’inclusion spécialisée pour les enfants autistes : la « classe Soleil ». Six ans plus tard, celle-ci perdure. Ses résultats probants ont fait d’elle l’un des modèles sur lesquels s’appuient les unités d’enseignement (UE) dédiées à l’autisme. Ces UE se mettent en place dans le public. Il y en aura bientôt une trentaine en France.

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Partie de baby-foot entre Mathieu, le père, et les jumeaux. © Alvaro Canovas

Le jour de notre venue, ils sont cinq écoliers dans la classe Soleil, quatre ­garçons et une fille assis à une table autour de Dominique Bravais, l’institutrice. C’est l’heure du goûter. Dominique leur demande ce qu’ils souhaitent manger.­ Chacun leur tour, ils attrapent leur classeur où des images sont « scratchées » par thème. Une page pour les couleurs, une pour les formes, une autre pour les objets, une autre encore pour les actions… Puis ils collent méthodiquement les dessins sur une bande Velcro pour former une phrase. Par exemple : « je veux » le « gros » « gâteau » au « chocolat ». Seule la petite fille arrive à formuler à haute voix, les autres balbutient encore ; mais tous ­parviennent à transmettre leur désir. Ils s’expriment à travers un langage, le PECS (Picture Exchange Communication ­System). Une victoire émouvante pour ces enfants qui souffrent de ne pas ­pouvoir communiquer. « Plutôt que de pleurer ou de s’énerver, on leur montre qu’ils peuvent demander », explique Dominique. Aux côtés de chaque enfant, se tient un adulte, auxiliaire de vie ­scolaire ou stagiaire, qui lui est attaché. Tout au long de la journée, tous les temps sont utilisés à un apprentissage. « La classe fonctionne le plus possible comme une classe banale. Mais nous devons veiller à ce que ces élèves entrent en relation avec le monde qui les entoure. »

Quand Arthur est arrivé dans la classe Soleil, à 3 ans, il ne parlait pas et avait de gros problèmes de comportement. Dès la deuxième année, en moyenne ­section, il passait des petits moments dans une classe avec des enfants neurotypiques (« normaux »), au sein de l’école. En grande section, il est intégré dans une classe traditionnelle. « Il avait développé le langage oral, précise Dominique. Et il avait aussi le comportement d’un enfant ordinaire. » Le ­deuxième outil utilisé dans la classe Soleil est la mise en place de techniques issues de l’Aba (Applied Behavior Analysis), l’analyse appliquée des comportements. Les agissements des enfants sont scrutés puis analysés pour leur apporter une réponse personnalisée les conduisant à adopter la bonne attitude en société. « Le partenariat avec les parents est essentiel, précise l’institutrice. Arthur a une famille particulièrement investie qui a participé à ses progrès. » Sur leur carte de vœux de 2015, ­dessinée en famille et envoyée aux proches, Charlotte, la maman d’Arthur, figure en Wonder Woman. Elle veille sur ses trois hommes : Mathieu, son mari, croqué en Superman, et leurs jumeaux Arthur et Jules en superhéros. Ce tableau résume le combat que le foyer mène depuis que Charlotte, en chef d’orchestre, a pris la maladie de son fils à bras-le-corps. « Mon objectif est ­qu’Arthur ne soit jamais à la charge de Jules, qu’il soit le plus autonome possible », ­explique-t-elle.

C’est une victoire émouvante et un espoir pour ces enfants qui souffrent de ne pas pouvoir communiquer              

Le 4 avril 2006, cette jeune maman accouche de deux garçons. Ils ont 15 mois quand elle se rend compte qu’Arthur ne répond plus à son prénom. Il fait des colères. « C’est comme s’il avait fait un “reset” dans sa tête », raconte-t-elle. Elle croit d’abord qu’il est sourd et l’amène chez un ORL. « Impossible de faire les tests. Il se débattait. Alors, j’ai pensé à l’autisme. » Le constat tombe comme un verdict. « C’était insurmontable, avoue Charlotte. Mon fils était condamné à l’hôpital psychiatrique. » Elle recherche alors sur le Net les méthodes étrangères qui améliorent la vie des autistes. « En France, il n’y avait pas de solutions proposées. J’ai découvert le PECS et l’Aba. » Quinze jours après le diagnostic,­ Charlotte démissionne de son travail et décide de lutter pour conjurer le sort. Elle se forme aux deux techniques. Puis c’est au tour de ­Mathieu. Ils mettent immédiatement en place un dispositif pour Arthur. Deux éducatrices spécialisées Aba, Laure et Linda, viennent vingt-trois heures par semaine chez eux pour le faire travailler. Julie Tuil, orthophoniste qui a implanté le PECS en France, l’accompagne aussi. « Tout ce que Jules faisait, Arthur devrait être capable de le faire un jour », avait ­décrété Charlotte. Jules devient un modèle, une motivation, une stimulation, une chance supplémentaire pour son frère. « Il fallait qu’il soit ­costaud, assure sa mère. Quand Arthur était en pleine crise, à la ludothèque, et que je devais le maîtriser, je disais à Jules : “Il faut que tu fasses le grand. Va chercher les chaussures et les manteaux. Maman ne peut pas bouger.” »

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A Paris chez Arthur avec Charlotte, sa maman, et Jules, son frère. © Alvaro Canovas

L’autisme est une pathologie aux multiples facteurs qui reste encore ­mystérieuse. D’autres solutions peuvent adoucir la vie des petits patients. Une piste de recherche explique certains symptômes annexes par la présence d’une bactérie dans le corps de l’enfant. En la traitant, on peut agir sur ces maux : un nez qui coule en permanence, des oreilles qui grattent, une transpiration excessive, l’impossibilité de faire ses nuits… Charlotte prend contact avec un groupe de médecins, dirigé par le Pr Luc Montagnier, qui effectuent ce type d’essais. Ils détectent la bactérie chez le garçon et le traitent par antibiotiques, pour la première fois, en 2008. « Ses bobos ont cessé, raconte-t-elle. Ça l’a rendu plus à l’écoute, plus disponible pour le reste. » Aujourd’hui, Arthur reçoit encore ce traitement sous forme de cure de quinze jours, une fois par an. « A sa demande, précise sa mère, quand il en ressent le besoin. » Avant son entrée en maternelle, la prise en charge d’Arthur par des spécialistes, orthophonistes, psychomotriciens, auxiliaires de vie, coûtait 3 500 euros par mois. Les premiers temps, l’allocation chômage de Charlotte a payé les factures. Plus tard, pour prendre le relais, elle crée une association, Le petit roi a dit, où membres de la famille, amis, connaissances ont versé leur obole afin de lui offrir les meilleurs outils. « Sinon, je ne sais pas comment nous aurions fait avec un seul salaire », avoue la maman. En septembre 2009, Jules doit faire sa rentrée en maternelle. Charlotte tente de trouver une école publique qui accepte son frère. « Refus catégorique ! Dans le privé, on le prenait quinze minutes par jour. Nous avons eu la chance que la classe Soleil ouvre à Saint-Dominique et qu’Arthur puisse en bénéficier. » Chaque année, 150 000 euros sont nécessaires pour la faire fonctionner. Seules la contribution annuelle et la cantine sont à la charge des parents, soit à peine 10 % du budget. Le reste est financé par le mécénat. Ce projet, conçu en partenariat avec ­l’Education nationale et l’hôpital Robert-Debré, doit, quand c’est possible, permettre à ces enfants différents d’intégrer un cursus ordinaire. Depuis 2009, outre Arthur, cinq autres élèves ont pu le concrétiser.

Viendra le jour où il faudra couper le cordon, où Arthur devra s’affranchir d’une aide extérieure

Aujourd’hui, le garçonnet n’a aucun souvenir de sa « vie d’avant ». Il nie avoir utilisé un classeur d’images pour communiquer. Seule Linda, son auxiliaire de vie, lui rappelle sa différence. Elle est présente en cours, dix-huit heures par semaine. « Je n’interviens plus en classe, explique-t-elle. S’il a un problème, il va voir sa maîtresse. Si le blocage persiste, je le travaille alors avec lui en temps individuel. » Les difficultés qui subsistent touchent plutôt la compréhension de la lecture. Certaines métaphores peuvent encore rester abstraites. Viendra le jour où il faudra couper le cordon, où Arthur devra s’affranchir d’une aide extérieure. « C’est l’objectif, assure Georges Anglès, le directeur. Cela se réfléchit, se prépare, se construit. »
Reste à garder une certaine vigilance. Divers moments clés d’une vie génèrent de fortes émotions et du stress. L’adolescence, par exemple, peut poser la question de la rechute. « Jules a une réponse, explique Charlotte. Il me dit : “Maman, on a guéri Arthur une fois, on peut le guérir deux fois.” » « Je vis un conte de fées, tient à ajouter Charlotte. J’aimerais que les parents et les enfants concernés par l’autisme sachent que c’est possible ! »

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