Publié sur le site du CRAIF (Centre de Ressources Autisme Ile-de-France)
Définition
L’autisme est un trouble développemental débutant avant l’âge de 3 ans. Il touche simultanément :
- Les interactions sociales
- La communication, à la fois verbale et non verbale
- Le comportement avec des gestes répétitifs, stéréotypés, des rituels, des intérêts restreints
D’autres troubles existent dans les domaines de la cognition, de la motricité, de la sensorialité, des capacités adaptatives, mais ils ne sont pas retenus dans les critères diagnostiques.
Dans les classifications internationales actuelles, l’autisme fait partie d’un groupe plus large de troubles appelés Troubles Envahissants du Développement (TED). Le terme « Envahissants » employé ici signifie que plusieurs secteurs du développement sont touchés (interactions sociales, langage, comportements…). L’hétérogénéité des Troubles Envahissants du Développement est déterminée par la sévérité des symptômes, leur âge d’apparition et leur mode d’évolution, les troubles associés, l’existence ou non d’un retard mental…
L’autisme est la forme la plus typique et la plus complète de TED.
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Historique
L’autisme est un trouble dont la description est relativement récente. En effet, ce n’est qu’en 1943 que le psychiatre américain d’origine autrichienne Leo Kanner décrit sous le nom d’autisme infantile des particularités de comportement de certains enfants : tendance à l’isolement, besoin d’immuabilité et retard de langage.
Dans les années 50-70 les conceptions psychanalytiques ont fortement marqué la psychiatrie française et la compréhension de l’autisme. L’autisme était alors relié aux « psychoses infantiles », terme employé dans les classifications officielles jusqu’en 1980.
Par la suite d’autres courants de recherche théorique ont pris une importance croissante dans l’étude du développement normal et pathologique de l’enfant : biologie, psychologie développementale, sciences cognitives… La compréhension des troubles autistiques a été fortement modifiée par ces contributions, et continue d’être enrichie par les recherches actuelles.
En 1980 le concept de psychose infantile a été abandonné au plan international, en même temps qu’est apparu le terme de Trouble Envahissant du Développement (en 1975 dans la CIM 9) et en 1980 dans le DSM-III.
L’autisme est conçu actuellement comme un trouble neuro-développemental aux origines multifactorielles, notamment génétiques.
Il existe actuellement une controverse pour savoir si l’autisme et les différents types de TED représentent un continuum, ou s’il s’agit d’entités différentes justifiant le terme de « spectre des troubles autistiques » (Autism Spectrum Disorders) qui tend à devenir le plus utilisé.
Il est intéressant de souligner que les premières personnes à avoir reçu le diagnostic d’autisme viennent tout juste d’atteindre le troisième âge.
Description
L’autisme apparaît au cours des 36 premiers mois de la vie. Parfois, des signes sont présents quasiment d’emblée, dès les premiers mois de la vie, parfois les signes apparaissent après une période plus ou mois longue de développement apparemment normal.
L’autisme est réputé durer toute la vie, il interfère avec le développement et les apprentissages de tous ordres.
L’hétérogénéité du développement est caractéristique de l’autisme et des TED, c'est-à-dire que certains domaines de développement vont être très atteints, d’autres beaucoup plus légèrement ou pas du tout. Des compétences cognitives particulières sont également fréquemment retrouvées chez les personnes avec autisme. Les tableaux cliniques présentés par les personnes avec autisme ou TED sont donc très variables.
Les troubles autistiques peuvent être isolés, ou associés à d’autres anomalies, troubles ou maladies.
Il faut noter qu’il n’existe pas de moyen objectif (pas de tests sanguins, radiographiques…) pour faire le diagnostic d’autisme. Les examens complémentaires très importants à réaliser ont pour but de rechercher les fréquents troubles associés.
Dans tous les cas, le diagnostic est clinique, basé sur l’observation du trépied classique :
- Altération qualitative des interactions sociales
- Altérations qualitatives de la communication
- Caractère restreint, répétitif et stéréotypé du comportement, des intérêts et des activités
D’autres signes cliniques moins spécifiques viennent s’ajouter à ce tableau.
Les symptômes caractéristiques de l’autisme et des Troubles Envahissants du Développement
Les troubles décrits ici peuvent être plus ou moins sévères, certains peuvent être présents et d’autres non. Pour poser le diagnostic d’autisme ou de TED, un certain nombre de symptômes doivent être associés. Différentes classifications ont été mises au point pour permettre ces diagnostics, qui doivent être basés sur des évaluations précises des difficultés de la personne.
Altération des interactions sociales
Les personnes autistes ont une mauvaise appréciation des signaux sociaux ou émotionnels, comme l’intonation de la voix ou les expressions faciales. Elles ont beaucoup de mal à interpréter ce que les autres pensent ou ressentent, elles manquent d’empathie. Les enfants autistes ne savent pas comment jouer de façon interactive avec les autres enfants, ils ont tendance à s’isoler, ne répondent pas à l’appel de leur prénom, fuient le regard.
Altérations qualitatives de la communication
Les troubles du langage sont constants. Un grand nombre d’enfants autistes n’accède pas au langage oral, ou lorsque celui-ci est acquis, souvent avec retard, un grand nombre de difficultés persistent. Pour le langage verbal :
- Sur le plan expressif : Le langage reste très concret, autour des besoins de la vie quotidienne (nourriture, famille, toilette…). Le « je » n’est pas utilisé. L’intonation est étrange, la voix peu modulée, « haut perchée ».
- Sur le pan réceptif : on constate un manque de réaction émotionnelle aux sollicitations verbales, des difficultés d’accès à la compréhension du second degré.
Lorsque le langage oral est acquis, une faible synchronisation, un manque de réciprocité dans les échanges conversationnels restent perceptibles et entravent plus ou moins la communication.
Les personnes avec autisme sont également gênées dans leur communication non verbale : elles utilisent peu de gestes sociaux (« au revoir », « bravo »…), peu de gestes interactifs, peu ou pas d’imitation. La communication parlée n’est pas accompagnée de gestes, les mimiques faciales sont peu expressives. Chez les enfants, on constate des anomalies dans le jeu du « faire semblant ».
Caractère restreint, répétitif et stéréotypé du comportement, des intérêts et des activités
Les intérêts des enfants autistes sont restreints, leurs activités ont tendance à être stéréotypées et répétitives. Ils peuvent être fascinés par des objets inhabituels (bouts de ficelle, plumes, miettes…), ou utiliser de façon inhabituelle des objets ou des jouets (faire tourner indéfiniment une roue de petite voiture…). Souvent ils ont besoin de rituels plus ou moins complexes et supportent très mal les changements dans le quotidien. Il existe des stéréotypies : gestes répétitifs comme se balancer ou tourner sur soi-même. Les personnes autistes peuvent également présenter des comportements auto-agressifs et des automutilations.
Tous ces comportements sont plus ou moins envahissants, et peuvent persister ou au contraire s’atténuer. Ils peuvent également être renforcés ou réapparaître à certaines périodes de la vie. Il sera alors important d’essayer de comprendre les facteurs pouvant entraîner ce type d’aggravation.
Autres symptômes
D’autres symptômes sont fréquemment associés à l’autisme
- Des compétences cognitives particulières : très bonnes capacités visuo-spatiales, mémoire très développée dans certains domaines…
- Des particularités sensorielles : elles peuvent concerner toutes les modalités sensorielles (ouïe, vision, odorat, toucher, vestibulaire, c'est-à-dire sens de la position dans l’espace), et être caractérisées par une hypo, une hypersensibilité, ou la recherche de stimulations sensorielles souvent inhabituelles (sensibilité à certains sons, odeurs ou textures, coexistant parfois avec une apparente indifférence à d’autres, perception différente de la douleur…)
- Des troubles de la motricité et de la posture : difficultés de coordination droite-gauche ou haut-bas du corps, raideur et utilisation de la posture pour réguler les émotions, atteinte de la motricité fine…
Les troubles associés à l’autisme
Les anomalies, troubles ou maladies associés à l’autisme sont fréquents, ils doivent être recherchés systématiquement :
- Le retard mental : Dans une majorité de cas (environ 70%), l’autisme s’accompagne d’un retard mental plus ou moins sévère. Les autres 30% sont appelés « autistes de haut niveau ». Cette répartition est parfois contestée.
- Les déficits sensoriels, auditifs ou visuels sont beaucoup plus importants que dans la population générale
- L’épilepsie : environ 1/3 des personnes autistes présentent des manifestations épileptiques plus ou moins graves
- Des syndromes génétiques
Epidémiologie
La fréquence exacte de l’autisme est encore mal connue précisément, les estimations actuelles se situent de 1,7/1 000 à 4/1 000 pour l’autisme typique et de 3 à 7/1 000 pour l’ensemble des troubles envahissants du développement (soit en France entre 200 000 et 400 000 personnes, tous âges confondus. Source : Recommandations pour la pratique professionnelle du diagnostic de l’autisme - Fédération française de psychiatrie, 2005)
Une étude internationale de grande envergure parue en 2008 précise ces données en estimant à 2/1000 la fréquence de l’autisme typique et à 6.6 pour 1000 la fréquence des Troubles Envahissants du Développements (soit 380000 personnes en France).[1]
L’autisme touche 4 fois plus de garçons que de filles.
Une forme particulière de trouble envahissant du développement est constituée par le syndrome d’Asperger, qui est proche de l’autisme de haut niveau, mais avec une absence de retard de langage.
Causes de l’autisme
A ce jour, il n’a pas été trouvé de cause unique à l’autisme et il est probable que plusieurs causes différentes peuvent entraîner le développement des signes de l’autisme.
Les recherches actuelles suggèrent fortement qu’il existe des bases neurologiques et génétiques. L’idée selon laquelle l’autisme trouverait son origine dans des troubles de la relation parent-enfant doit être maintenant totalement abandonnée (Autisme Europe. Les personnes atteintes d'autisme : Identification, Compréhension, Intervention).
Le risque d’apparition de l’autisme ne dépend pas du niveau social ou éducatif de la famille ni de l’origine ethnique.
Les recherches sur les causes de l’autisme font appel à des spécialités scientifiques différentes et à des approches variées, sans doute complémentaires. Voici un bref aperçu des principaux courants de recherche :
L’abord neuropsychologique
Il cherche à comprendre le fonctionnement cognitif des personnes autistes. Trois modèles principaux ont été proposés et étudiés :
- Un déficit des fonctions exécutives [2], c'est-à-dire de l’ensemble des capacités mentales qui permettent à une personne de gérer son comportement, d’initier une action, de la planifier et de l’organiser, d’être flexible face à une tâche.
- Une « faiblesse de la cohérence centrale » [3] La cohérence centrale est la fonction qui permet de situer une information dans son contexte, d’extraire les informations significatives parmi l’ensemble des informations reçues, et de les hiérarchiser. Les personnes avec autisme privilégieraient le traitement du détail au détriment du tout, elles traiteraient préférentiellement les aspects perceptifs de l’environnement du fait d’une capacité moindre à accéder au sens.
- Un déficit de la « théorie de l’esprit » [4] Il s’agit de la capacité d’un individu à attribuer des états mentaux à soi-même et à autrui. Cette capacité permet par exemple d’interpréter ou de prédire les comportements d’autrui à partir des désirs, croyances, intentions… que l’on peut prêter à l’autre. Elle permet de se représenter les situations sociales, de mentir, d’anticiper les conséquences de ses actes. Cette difficulté expliquerait les troubles de la socialisation, de la communication et de l’imagination.
L’étude des particularités dans le traitement des perceptions
Selon Laurent Mottron [5], le déficit de base de l’autisme serait un traitement de la perception à un « bas niveau » : les personnes autistes traiteraient préférentiellement les perceptions dans leurs propriétés élémentaires, surtout dans les domaines visuel et auditif. D’autres auteurs proposent un déficit dans le traitement des informations complexes.
Les données neurobiologiques
Ces recherches se basent sur l’étude de la morphologie du cerveau, sur l’étude de son fonctionnement avec les nouvelles techniques d’imagerie, sur des mesures biologiques.
Ces études ont permis de mettre en évidence des différences de morphologie du cerveau des personnes autistes, des différences dans leur cinétique développementale, des anomalies du traitement de l’information révélées par des anomalies dans l’activation des différentes zones et des différents circuits cérébraux, des anomalies biologiques significatives.
Les données génétiques
L’intervention de facteurs génétiques parmi les causes de l’autisme est maintenant reconnue. Il s’agirait d’une transmission multigénique complexe. De nombreux gènes ont été détectés à partir de l’étude des différences entre sujets atteints, sujets apparentés ou sujets sains (« gènes candidats » qui pourraient être impliqués dans l’autisme). Actuellement seules les anomalies sur les gènes q21-35 et le chromosome 17q ont été répliquées de manière significative. Les gènes de la neuroligine, la neurexine SHANK semblent aussi impliqués, affectant la fonction synaptique par dysrégulation de la synthèse protéique.
Les données psychanalytiques
Les particularités perceptives, sensorielles et motrices des personnes autistes entraîneraient des troubles dans la constitution du psychisme, et notamment concernant la constitution de l’image du corps et des « enveloppes corporelles ». Ces difficultés entraîneraient un débordement émotionnel lui-même responsable de difficultés surajoutées dans le développement et l’organisation des perceptions sensorielles et de la cognition.
« Les recherches psychanalytiques actuelles s’appuient sur des éléments de concordance apparus ces dernières années entre les données fournies par les neurosciences, les travaux du courant de la psychologie du développement et les théorisations élaborées à partir de l’observation des bébés notamment, des ressentis des patients et des observations empathiques recueillies dans les traitements ».
Prise en charge de l'autisme
Il n’y a pas à ce jour de traitement capable de guérir l’autisme, et il est très difficile de ne pas se perdre devant la multiplicité des modes de prises en charge proposées pour répondre aux difficultés des personnes autistes. Actuellement, seul un article a montré de manière validée une supériorité d’une modalité de traitement par rapport à une autre dans la prise en charge des personnes autistes [6].
Un accord existe cependant autour des points suivants :
- Il est couramment recommandé que la prise en charge des personnes autistes repose sur trois grands volets dont la part relative est à adapter en fonction des caractéristiques de chaque personne et de son évolution (projet personnalisé). Ces trois volets sont les suivants :
- Educatif, avec pour objectif l’autonomie du sujet
- Pédagogique, avec pour objectif les apprentissages
- Thérapeutique, avec pour objectif la santé mentale et physique du sujet
- L’intérêt d’une prise en charge précoce est reconnu. Il faut cependant savoir qu’une personne autiste peut continuer de progresser toute sa vie, y compris à l’âge adulte.
- La prise en charge doit être suffisamment intensive.
- Elle doit être individualisée, c'est-à-dire adaptée aux particularités de chaque personne et régulièrement réévaluée en fonction de l’évolution.
- Il n’existe donc pas une prise en charge de l’autisme mais des modalités différentes qui peuvent être plus indiquées pour certaines personnes, pour certaines difficultés, ou à certains moments de l’évolution de la personne autiste. Les modèles souples, ouverts, coordonnant plusieurs modalités de prise en charge sont à privilégier. Les règles de bon sens sont également importantes (se méfier des techniques qui excluent les autres ou sont trop onéreuses).
- L’utilisation de médicaments peut-être indiquée. Il faut savoir que les traitements pharmacologiques sont toujours symptomatiques c'est-à-dire qu’ils visent à réduire certains symptômes (comme l’agitation, l’anxiété, des stéréotypies ou rituels envahissants, les troubles du sommeil…), sans traiter la cause de l’autisme. En général ces traitements ne sont pas dénués d’effets secondaires. Chez l’enfant très peu ont reçu l’AMM (Autorisation de Mise sur le Marché). Par contre, en permettant de soulager un symptôme gênant ou d’apaiser une période de crise, ils peuvent avoir un impact indirect sur les apprentissages, la communication ou la socialisation.
- Il faut toujours porter une grande attention à la santé physique de la personne autiste, dont les problèmes somatiques peuvent être occultés par la symptomatologie autistique notamment les troubles de la communication et du comportement.
Document à consulter : BAGHDADLI Amaria. Interventions éducatives, pédagogiques et thérapeutiques proposées dans l'autisme. Paris : Ministère de la santé et des Solidarités, DGAS, Juin 2007.
Evolution
L’autisme interfère dans les apprentissages de tous ordres et entraîne un développement très hétérogène. La plupart des symptômes cependant s’améliore avec le temps. Le pronostic dépend notamment de l’existence et de l’importance d’un retard mental associé, de la présence d’une épilepsie, de l’apparition du langage avant 6 ans. Une aggravation pendant la puberté est fréquente, qui peut durer un à deux ans, avec retour à l’état antérieur.
Au total, l’évolution est très variable d’une personne autiste à une autre. Certaines d’entre elles restent très handicapées toute leur vie, n’accèdent pas au langage, alors que d’autres vont arriver à une autonomie personnelle relativement bonne. La très grande majorité des personnes atteintes d’autisme a besoin d’un accompagnement important tout au long de la vie.
[1] Fombonne Eric. Epidemiology of pervasive developmental disorders. Pediatr Res. 2009;65(6):591–8.
[2] Ozonoff S, Pennington BF, Rogers SJ. Executive function deficits in high-functioning autistic individuals: relationship to theory of mind. J Child Psychol Psychiatry. 1991 Nov;32(7):1081-105
[3] Frith U, Happé F. Autism: beyond "theory of mind". Cognition. 1994;50(1-3):115-32
[4] Baron-Cohen S, Leslie AM, Frith U. Does the autistic child have a "theory of mind"? Cognition. 1985 Oct;21(1):37-46
[5] MOTTRON Laurent. L'autisme, une autre intelligence. Sprimont : Editions Mardaga, 2004
[6] Dawson G, Rogers S, Munson J, Smith M, Winter J, Greenson J, Donaldson A, Varley J. Randomized, controlled trial of an intervention for toddlers with autism: the Early Start Denver Model. Pediatrics. 2010 Jan;125(1):e17-23