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"Au bonheur d'Elise"
3 juillet 2015

Pr Nadia Chabane confirme : Une prise en charge précoce de l'autisme donne des résultats

SantéUnique en Suisse, le Centre cantonal de l’autisme ouvre à la rentrée. Il doit combler de graves lacunes. Rencontre avec sa directrice.

La professeure Nadia Chabane, directrice du Centre cantonal de l’autisme et responsable de la Chaire d’excellence Hoffmann dans le domaine des troubles du spectre de l’autisme.

La professeure Nadia Chabane, directrice du Centre cantonal de l’autisme et responsable de la Chaire d’excellence Hoffmann dans le domaine des troubles du spectre de l’autisme. Image: VANESSA CARDOSO

La Suisse doit absolument améliorer sa prise en charge des troubles du spectre autistique (TSA), qui touchent une personne sur cent. C’est la conclusion d’un rapport commandé par le Conseil fédéral, rendu public la semaine dernière («24 heures» du 27 juin). «Un excellent point pour mettre en avant les changements nécessaires à initier dans l’accompagnement des personnes autistes», relève la professeure Nadia Chabane. Cette pédopsychiatre parisienne nommée l’an dernier à la tête de la chaire autisme CHUV-UNIL a participé à la mise en œuvre du 3e Plan autisme en France. Elle milite depuis plus de vingt ans pour une détection précoce et un suivi intensif; deux aspects défendus par le rapport. Dès la fin du mois de septembre, le Centre cantonal de l’autisme prendra en charge enfants et adultes avec des stratégies thérapeutiques alignées sur les standards internationaux.

Vous défendez une approche comportementale de l’autisme. Ici, comme en France, c’est l’approche psychanalytique qui a longtemps prévalu.
Il n’y a plus de raison de débattre aujourd’hui. Il a été reconnu que l’autisme est un trouble du développement cérébral et non un trouble de la relation entre la mère et l’enfant. Vous pouvez être le meil­­leur parent du monde et avoir un enfant autiste. C’est parfois difficile à faire admettre sur le terrain. Il y a dix ans, c’était la guerre ouverte en France. Il n’était pas question d’envisager le recours à une vision plus neurobiologique de l’origine du trouble. Aujour­d’hui, les professionnels sont plutôt demandeurs de pratiques plus modernes. J’ai le même sentiment en Suisse romande.

Il y a encore du travail, à en croire les familles qui dénoncent une psychiatrisation de l’autisme et des diagnostics tardifs.
La réalité est très hétérogène. Des choses excellentes se font mais il y a encore un manque de formation. Le défi est de créer un réseau formé: pédiatres en premier lieu, pédopsychiatres, psychiatres, neuropédiatres, généticiens, généralistes, mais aussi éducateurs, personnel de crèche, enseignants en enfantine, maîtres professionnels…

Les causes sont-elles exclusivement génétiques?
Il y a un terrain de vulnérabilité génétique, oui. Entre 30 et 100 gènes interviennent dans l’autisme, ce qui explique que l’on ait des cas si différents.

Qu’en est-il des facteurs environnementaux, souvent pointés du doigt?
Pour l’instant, rien n’est scientifiquement prouvé, mais cela ne veut pas dire qu’il n’y en a pas. Il faut encore étudier l’impact environnemental. Seules la grande prénatalité, les infections virales ou la prise d’antiépileptiques pendant la grossesse ont été clairement identifiées comme risques environnementaux. L’âge du père à la conception est également une variable importante. Il a été démontré que plus il est âgé, plus il y a de risques pour l’enfant d’avoir un TSA.

Encouragez-vous la scolarisation de ces enfants?
Oui, et j’ai découvert ici une réelle volonté de les intégrer dans le milieu scolaire. Maintenant, il faut faire en sorte que les très jeunes enfants qui vont entrer à l’école aient le maximum d’outils pour affronter la situation. Pour cela, il faut qu’ils soient clairement accompagnés dans leur socialisation et que l’enseignant ait un minimum de compétences dans ce domaine. Tous les enfants autistes ne pourront pas faire une scolarité complète, mais nous souhaitons qu’ils acquièrent un savoir pratique leur permettant d’accéder à l’autonomie: compter la monnaie, lire un plan de métro…

Comment?
Grâce à une détection très précoce. Il faut démarrer la prise en charge entre 1 an et demi et 4 ans, quand la plasticité du cerveau est maximum. Si on stimule l’enfant pendant cette période cruciale, il y a alors une chance de diminuer le handicap et de maximiser les capacités de socialisation et d’apprentissage.

Quel traitement fonctionne le mieux?
Les approches dites comportementales et développementales sont aujourd’hui mises en avant dans les bonnes pratiques cliniques. C’est-à-dire travailler sur le comportement de l’enfant pour améliorer son autonomie, sa socialisation et sa communication. Le modèle d’excellence chez les très jeunes enfants est celui de Denver. Il intègre vingt à vingt-cinq heures de stimulation par semaine. Nous travaillons avec les enfants les premiers éléments de la communication et de l’interaction, par exemple regarder quelqu’un dans les yeux ou savoir faire une demande.

Quels sont les résultats?
Les travaux scientifiques menés sur ce modèle montrent son efficacité. Il y a une réelle amélioration sur la communication, les fonctions intellectuelles et la capacité d’apprentissage. A condition, bien sûr, d’avoir l’adhésion des parents, qui sont de véritables partenaires. Ce sont eux qui vont «travailler» à la maison avec l’enfant à l’aide de ces outils. Il faut donc les former à les utiliser.

Peut-on espérer des médicaments?
C’est une piste d’avenir. Aujour­d’hui, les médicaments sur le marché atténuent les symptômes liés aux troubles du comportement: agitation, agressivité, automutilation… On peut imaginer des médicaments qui travaillent sur les zones impliquées dans la socialisation et l’interaction. Mais la pharmacologie ne fera jamais tout. Une démarche d’accompagnement globale est nécessaire.

Les familles attendent beaucoup de vous.
Quand il y a beaucoup d’attente, il peut y avoir beaucoup de déception. Soyons clair: je n’ai pas de baguette magique. Nous parlons d’un travail de longue haleine, sur cinq à dix ans, pour modifier notre regard sur ces troubles et favoriser toute démarche scientifiquement prouvée améliorant le parcours de vie de ces personnes. (24 heures)

(Créé: 03.07.2015, 06h55)
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