Plus de 240.000 euros, c'est la somme totale obtenue devant le tribunal administratif de Paris par sept familles d'enfants autistes, l'Etat ayant été jugé responsable de "carences" dans leur prise en charge. "Ces chiffres sont dérisoires par rapport aux conséquences subies par les parents et leurs enfants, souligne auprès de metronews M'Hammed Sajidi, président de l'association Vaincre l'autisme, qui les a épaulés dans leur combat. Mais ces premières condamnations représentent une vraie victoire et un véritable espoir : enfin, la justice administrative reconnaît les discriminations étatiques dont sont victimes les familles". Jeudi, la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées Ségolène Neuville a annoncé que le gouvernement ne ferait pas appel de ces décisions, reconnaissant le retard "historique" de la France dans la prise en charge des enfants autistes.

Sur les sept familles qui ont obtenu gain de cause dans ce jugement daté du 15 juillet, cinq ont été indemnisées pour les dépenses engagées, faute de place dans les établissements publics, pour la scolarisation de leurs enfants ou pour l'abandon par les parents de leur activité professionnelle. Les deux autres, qui ont obtenu les plus fortes sommes (les dédommagements vont de 13.164 euros à 70.000 euros), l'ont été car face à l'impossibilité de scolariser leur enfant en France, elles avaient été obligées de lui faire intégrer l'un des nombreux centres spécialisés de Belgique, ces "usines à Français" dont les associations dénoncent parfois la logique commerciale. Dans ces deux cas, ce sont moins les dépenses engagées pour l'exil - la prise en charge dans les structures étrangères est aux frais des conseils généraux et de l'assurance maladie - que "le préjudice moral" engendré par "l'éloignement de l'enfant" qui ont valu à l'Etat d'être condamné.

L'Etat a du souci à se faire

Selon M'Hammed Sajidi, cette décision est appelée à faire "jurisprudence pour toute personne française obligée de s'exiler à l'étranger par défaut de prise en charge dans le pays". L'Etat a donc du souci à se faire : selon l'Unapei, fédération de familles de personnes handicapées mentales, "13.000 enfants handicapés sont aujourd'hui sans solution éducative" en France, et "6.500 enfants et adultes sont exilés en Belgique" (aucun chiffre officiel spécifique n'est disponible sur le nombre d'enfants autistes pris en charge outre-Quiévrain ou dans d'autres pays comme la Suisse).

D'ores et déjà, des dossiers sont en cours de constitution. Vaincre l'autisme assure qu'en plus des sept familles qui sont parvenues à faire condamner l'Etat, une trentaine sont en train de finaliser le leur, quatorze étant attendues dès septembre prochain devant le tribunal administratif de Paris. Mais ce n'est pas tout. "Une centaine de familles se sont prononcées pour porter plainte à leur tour, et nous espérons que cette jurisprudence va encourager les parents d'autres associations à attaquer de leur côté devant les tribunaux", veut croire M'Hammed Sajidi. Regrettant que la majorité des 6.300 places d'accueil supplémentaires promises d'ici à 2018 par le plan autisme du gouvernement soient "inadaptées", beaucoup ne consistant selon lui qu'à "améliorer l'existant" dans le "vieux système" des instituts médico-éducatifs, il prévient : "Nous ne lâcherons pas tant que la législation ne reconnaîtra pas les besoins des enfants autistes."