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"Au bonheur d'Elise"
4 août 2015

Découverte d'une pièce manquante dans le puzzle des troubles autistiques

article publié dans sciences & avenir

Lise Loumé Publié le 04-08-2015 à 11h00

Une équipe française a découvert une enzyme responsable de certains traits autistiques. Sciences et Avenir a interrogé François Féron, neurobiologiste et co-auteur de ces travaux.

Images à faible grossissement de neurones matures (rouge), au sein de la couche CA1 de l’hippocampe, exprimant la protéine MOCOS (vert), une enzyme impliquée dans le métabolisme des purines, le stress oxydatif et la formation des synapses. © François Féron
Images à faible grossissement de neurones matures (rouge), au sein de la couche CA1 de l’hippocampe, exprimant la protéine MOCOS (vert), une enzyme impliquée dans le métabolisme des purines, le stress oxydatif et la formation des synapses. © François Féron

AUTISME. Bien que des centaines de gènes aient déjà été identifiés pour leurs rôles présumés dans les troubles du spectre autistique (TSA), ils n'expliquent au mieux que... 1 % des cas. C'est pourquoi les biologistes sont à la recherche de ceux qui permettraient d'expliquer un plus grand nombre de cas. Une équipe française a récemment découvert qu'un gène jouant un rôle majeur au cours du développement précoce de l’individu est sous-exprimé dans la majorité des cellules souches issues de patients et serait responsable de certains traits autistiques. Ses travaux sont publiés le 4 août 2015 dans la prestigieuse revue Molecular Psychiatry. Sciences et Avenir a interrogé François Féron, l'un des auteurs de ces travaux. Il dirige l'équipe "Plasticité olfactive et réparation du système nerveux" dans le laboratoire Neurobiologie des interactions cellulaires et neurophysiopathologie (NICN), de la faculté de médecine de Marseille et affilié au CNRS.

Sciences et Avenir : Quelle est cette enzyme responsable de certains traits autistiques ?

François Féron : Il s'agit de l'enzyme MOCOS, connue pour sa fonction dans le métabolisme des purines, avec notamment la production finale d'acide urique (voir en vert ci-dessous). Nous nous sommes aperçus qu'elle était sous-exprimée chez la majorité des patients de notre cohorte (9 patients sur 11), atteints d'autisme à des degrés divers (6 patients atteints d'autisme sévère, 2 d'une forme très sévère, 1 d'une forme modérée ; 2 sont des autistes de haut niveau, également appelés "autistes Asperger"). Or ces personnes ne souffraient pas d'une production réduite d'acide urique. C'est une première surprise. La seconde, c'est que nous avons constaté que l'enzyme MOCOS a aussi un rôle dans le cerveau, puisqu'elle est exprimée dans les cellules de l'encéphale, au cours du développement et chez l'adulte.

ACIDE URIQUE. L'ADN et l'ARN (acides nucléiques) issus du renouvellement cellulaire se transforment dans l'organisme : on parle de métabolisme des purines. L'acide urique est leur produit métabolique final. Il provient aussi de l'alimentation et est produit dans l'organisme par le foie. Lorsque le taux d'acide urique sanguin s'élève trop, il précipite, en particulier au niveau des articulations, et est responsable de la maladie de la goutte.

Quels sont les traits autistiques touchés par la sous-expression de l'enzyme MOCOS ?

La sous-expression de cette enzyme induit une hypersensibilité au stress oxydatif, des synapses en moins grand nombre et une neurotransmission anormale. Nous soupçonnons donc que sa sous-expression conduit au développement cérébral anormal observé chez les patients autistes. Elle semble également être impliquée dans l’absorption intestinale et pourrait en partie expliquer les troubles gastro-intestinaux observés chez les patients autistes. Une hypothèse qui valide la théorie étudiée depuis quelques années par plusieurs équipes de recherche dans le monde et selon laquelle le microbiote jouerait un rôle dans l'autisme.

Comment avez-vous découvert le rôle de l'enzyme MOCOS dans les TSA ?

En étudiant des cellules souches olfactives adultes, témoins des premiers stades du développement de l'homme. Elles résident dans un tissu nerveux, sont facilement accessibles et avaient déjà prouvé leur utilité lors d’études sur des troubles du cerveau. Mais ces cellules souches n'avaient jamais servi d'outil pour détecter la dérégulation d'un gène dans l'autisme. Pour mener ce type d'études, les chercheurs utilisent plutôt des cellules sanguines ou de la peau.

La découverte de l'implication de l'enzyme MOCOS dans l'autisme permettra-t-elle d'ouvrir des perspectives thérapeutiques nouvelles ?

Nous espérons que cette découverte nous permettra de développer de nouveaux outils de diagnostic et de découvrir des molécules thérapeutiques destinés aux patients atteints de TSA. Cependant, entre la partie fondamentale et les essais cliniques, nous ne nous attendons pas à ce que cela soit possible avant plusieurs années. Nous allons également vérifier nos résultats sur une cohorte plus large : nous souhaitons vérifier la sous expression de MOCOS au sein d'une cohorte comprenant 50 patients atteints de TSA et 50 patients "contrôles".

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