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"Au bonheur d'Elise"
1 octobre 2015

Les oubliés de l'autisme : témoignage d'une mère

article publié dans le Huffingtonpost

Bonnie Zampino Headshot
Les oubliés de l'autisme: témoignage d'une mère
Publication: 30/09/2015 06h40 CEST Mis à jour: 30/09/2015 06h40 CEST
AUTISM

VIE DE FAMILLE - Comme la plupart des parents d'enfants autistes, j'ai entendu parler de cette famille de Californie qui se voit intenter un procès par plusieurs voisins sous prétexte que leur enfant nuit à l'ordre public du fait de ses troubles du comportement, auxquels ses parents ont été incapables de remédier.

L'un des plaignants a déclaré: "Ce n'est pas une question d'autisme, mais de sécurité publique."

Il se trompe. C'est bien d'autisme dont il s'agit... mais pas celui dont on parle généralement.

Les médias nous montrent toutes les histoires les plus positives, comme celle de l'enfant autiste qui devient manager de l'équipe de basket du lycée, de celui qui va au bal de promo avec une fille ravissante, ou de celle qui fait partie de la cour de la reine de sa promo. Nos bâtiments se parent de bleu au début du mois d'avril, et on se félicite de notre conscience du problème.

Mais on n'en est pas conscients.

Parce que pour chaque autiste qui parvient à intégrer l'équipe de basket de son lycée, il y en a vingt qui jettent leurs excréments. Pour chaque autiste qui fait partie de la cour de la reine de sa promo, il y en a trente qui s'arrachent les cheveux et se mordent les bras jusqu'au sang. Et pour chaque autiste qui a la chance d'aller au bal, il y en a cinquante qui font du mal aux autres, à coups de pied, de poing et de dents.

Voilà l'autisme dont personne ne parle. Celui que personne n'a envie de voir.

Et nous n'en sommes pas conscients.

L'un des plaignants a déclaré: "Ce n'est pas son autisme qui nous inquiète mais la violence qu'il manifeste envers nos enfants."

Il n'est pas logique d'avoir un problème avec les comportements de cet enfant mais pas avec l'autisme.

L'autisme et les troubles du comportement sont indissociables. Pourquoi? Le comportement est un moyen de communication. Les personnes atteintes d'autisme sont souvent incapables de communiquer de manière compréhensible pour les personnes dites "normales". Alors ils se débrouillent pour qu'on réponde à leurs besoins, de manière souvent violente et effrayante.

Nous ne sommes pas conscients de tout ça.

Mon fils, qui a l'âge de l'enfant en question, était extrêmement agressif quand il était plus jeune. Tout ce que cet enfant a fait, il l'a fait aussi. Il poursuivait les autres enfants dans la cour, juste pour les faire tomber par terre. Il donnait des coups de poing, des coups de pied, il mordait, il tirait les cheveux. Et je ne savais jamais à quoi m'attendre avec lui. J'ai longtemps eu un réflexe de peur en le voyant courir vers moi, parce que je ne savais pas s'il allait me faire un câlin ou me frapper. Vous imaginez, en tant que mère, ce que cela représente? Le fait de tressaillir quand votre enfant court vers vous?

Nous ne sommes pas conscients de tout ça.

Vu que je ne savais pas ce que mon fils pourrait faire aux autres enfants, on a arrêté d'aller au parc, aux cours maman-enfant organisés par la bibliothèque. On s'est mis à faire nos courses à six heures du matin, quand il n'y avait presque personne. Il n'allait pas à la crèche mais il avait une nounou à la maison, pour éviter qu'il ne soit en contact avec d'autres enfants à la garderie. En somme, je l'ai isolé pour assurer la sécurité d'autrui. Vous imaginez ce que c'est pour une maman de ne pas pouvoir emmener son enfant au parc? Ni l'amener à une fête d'anniversaire? Ou inviter ses amis?

Nous ne sommes pas conscients de tout ça.

Du fait de la nécessité d'isoler mon fils, je me suis moi aussi isolée. J'observais de ma fenêtre les mamans du voisinage qui bavardaient, bien installées sur leurs chaises pliantes, pendant que leurs enfants jouaient. Je ne pouvais pas les rejoindre, parce que mon fils ne pouvait pas rester avec les autres. Un jour, une maman a invité mon fils à venir chez elle pour jouer avec le sien. Vous imaginez ce que c'est que de se sentir tellement enthousiaste puis d'avoir tellement honte quand, une fois prévenue des problèmes de mon fils, elle a retiré son invitation?

Nous ne sommes absolument pas conscients de tout ça.

Mais nous pourrions l'être. Nous pourrions ouvrir les yeux, et comprendre que l'autisme, ce n'est pas que l'enfant très intelligent, "un peu bizarre" mais fréquentable. Ce n'est pas que le petit virtuose de six ans, capable de jouer Piano Man mieux que Billy Joel. L'autisme peut être difficile. Une vraie galère. L'autisme peut être violent. Et vous isoler.

Quand on sera tous conscients des choses, il n'y aura plus de procès comme celui-là. Pourquoi? Parce qu'au lieu d'allumer des lumières bleues sur notre porche, on sortira avec nos enfants pour les aider à jouer tous ensemble... les "normaux" et ceux qui sont atteints d'autisme. On apprendra à connaître nos voisins, et on acceptera les enfants qui présentent des troubles du comportement, et leurs parents avec eux.

On apprendra ce qui peut déclencher une crise chez le camarade autiste de notre enfant, afin d'aider les petits à échanger en évitant ces facteurs d'agressivité. On formera une véritable communauté, incluant à la fois les personnes capables d'avoir un comportement adapté et celles qui font énormément d'efforts pour les apprendre. On s'efforcera d'apprendre à nos enfants à ne pas frapper les autres, et à éviter de se faire frapper.

Les parents concernés par ce procès -des deux côtés- ont encore du travail à faire. Au niveau de l'éducation, de la compréhension, de l'inclusion et de l'implication.

Alors dites-moi: est-ce vraiment l'autisme qui nuit à l'ordre public?

Une prise de conscience est possible... si c'est ce que l'on veut vraiment.

Ce blog, publié à l'origine sur le Huffington Post américain, a été traduit par Guillemette Allard-Bares pour Fast for Word.

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Commentaires
P
Tellement vrai ce témoignage. En tant que parents parfois il est difficile de se convaincre que sortir est important et bénéfique pour l'enfant comme pour les autres et que s'enfermer ne fera qu'aggraver les choses. Mais trop souvent la fatigue du regard des autres l'emporte !
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