Comment évaluer la douleur d’un patient dans l’incapacité de communiquer ? Comment traiter avec respect des personnes polyhandicapées en proie à de lourds problèmes dentaires ? Deux ans d’attente pour explorer ces questions. Dix jours pour les concrétiser. L’obstination a porté ses fruits. Elle a débouché sur « une première mondiale » qui se joue en ce moment dans les locaux de la faculté dentaire, attachée au CHRU de Lille. Deux ans pour combiner la « surintelligence » pragmatique de Fabien Pagniez, président de CEO (Eurasanté) et le surinvestissement professionnel de Ajmal Panchoo, référent au centre d’activité clinique « accueil handicap adulte ». Entre les deux hommes, un pont immense tendu par « la volonté de faire sens ».
Un signal issu de l’activité cardiaque
Au centre, un petit moniteur non-invasif (Mdoloris Medical Systems), merveille de technologie qui évalue « objectivement » la douleur des patients via un signal issu de l’activité cardiaque. Une description grossière pour un moment qualifié de « révolutionnaire » par le Pr Élisabeth Delcourt, qui supervise le secteur handicap adulte intégré au service d’odontologie du CHRU Lille. « Nous allons pouvoir traiter de façon éthique des personnes incapables de se plaindre. Ce sera source de confort pour eux et favorisera l’empathie. Leurs accompagnants seront moins stressés… »
Dans l’intimité d’un patient
Ce qui se réalise entre ces murs, avec l’aide d’étudiants de plus en plus nombreux et investis sur la gestion du handicap (véritable marqueur régional), représente une aventure pionnière. Une porte ouverte par le CHRU sur un monde dont la difficulté d’accès physique et/ou mentale n’échappe à personne. « Mon épouse, renversée par une voiture, a subi de graves dommages cérébraux. Elle est lourdement handicapée. Je ne savais où la faire soigner avant de rencontrer le Dr Ajmal Panchoo. S’occuper d’elle de façon aussi professionnelle et humaine est exceptionnel », lâche M. Xavier Carette, 80 ans. À son côté, Ezohr Ghalem, deux enfants handicapés, dont l’un « se cogne régulièrement la mâchoire », ne tarit pas d’éloges sur cette structure unique en France. « Les dentistes libéraux n’ont pas toujours la patience ou la méthode… », glisse-t-elle. Beaucoup y travaillent et progressent. « La demande explose. » Tout comme la perception du handicap. Le moniteur, « prêté pour un mois », renforce déjà le lien de confiance. Le seul qui permet d’entrer, sans la forcer, dans l’intimité d’un patient dit différent.