L’été dernier, «l’affaire Rachel» surgissait, qui venait illustrer le problème des placements abusifs d’autistes. Cette maman avait dû confier ses trois enfants à l’aide sociale à l’enfance, accusée qu’elle était de provoquer délibérément chez eux des troubles du développement. L’un était diagnostiqué autiste et de forts soupçons d’autisme pesaient sur les deux autres. En cause donc, des troubles neurologiques, et non un problème d’éducation, comme nous l’expliquions à l’époque (nous présentions alors Rachel sous un pseudonyme).

Rachel avait saisi la justice afin de récupérer ses enfants, mais avait été déboutée en première instance. L’audience en appel se tient ce vendredi matin à Grenoble. Son avocate, Sophie Janois, revient sur les avancées du dossier et ses craintes quant à l’issue de l’audience.

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Que s’est-il passé depuis le placement des trois enfants de Rachel, l’été dernier ?

Le dossier s’est vraiment gonflé : les deux autres enfants ont eux aussi été diagnostiqués autistes. Aujourd’hui le diagnostic est très clair pour les trois enfants, et pour la mère aussi, qui est Asperger [une forme d’autisme sans retard mental, ndlr]. Sa froideur, son ton monocorde et le fait qu’elle ait du mal à soutenir le regard s’expliquent par son syndrome autistique. Mais on ne va pas placer tous les enfants de mères autistes ! Ces dernières sont plus à même de comprendre leurs enfants autistes et donc de les protéger, parce qu’elles sont comme eux.

Comment Rachel vit-elle la situation ?

Elle vit très mal le placement. Elle voit ses fils une demi-heure chacun tous les quinze jours, et sa fille une heure tous les quinze jours. Ils ont droit à un coup de téléphone la semaine de la visite et deux quand il n’y a pas de visite. Ce sont les enfants qui appellent, Rachel n’a pas le droit de connaître leurs numéros. 

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Etes-vous confiante sur l’issue de cet appel ?

Je ne le sens pas bien parce que j’ai vu le rapport de l’aide sociale à l’enfance : il n’évoque à aucun moment l’autisme. C’est vraiment très étrange, ce dossier, parce que tout le monde nie l’autisme alors qu’on a les diagnostics. Je ne connais pas une mère qui a envie que son enfant soit autiste. Il n’y a qu’une psychiatre qui dit que les enfants ne le sont pas, c’est l’experte [judiciaire, ndlr]. Or les juges ont tendance à suivre l’expert psychiatre et l’aide sociale à l’enfance. J’ai parfaitement conscience qu’on va sur un terrain miné.

Les services sociaux cherchent à obtenir un mea culpa de la mère, qu’elle reconnaisse qu’elle s’est trompée sur les diagnostics. C’est hors de question. C’est un bras de fer, ni plus ni moins. On a le monde entier contre nous.

Pourquoi ça bloque toujours ?

C’est classique, les services sociaux sont incapables de se dédire. On considère que les professionnels de l’enfance sont les meilleurs parents qui soient. Dans la tête de tout le monde, l’aide sociale à l’enfance, c’est le parent idéal, le placement ne peut avoir que des conséquences positives alors que la séparation brutale et incompréhensible pour les enfants (puisque jamais Rachel n’a été accusée de maltraitance, mais de représenter un prétendu danger psychique), et l’éloignement forcé d’une mère aimante, ne peuvent être que de lourds de traumatisme.

Elsa Maudet