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"Au bonheur d'Elise"
31 janvier 2016

A Roncq, de jeunes autistes autonomes grâce à Habited

article publié dans La Voix du Nord

Publié le

ANNE COURTEL

C’est une structure unique en France. Habited, ouvert depuis quelques semaines, permet à des jeunes autistes de vivre en appartement tout en bénéficiant d’un accompagnement. C’est Fabienne De Oliveira, fondatrice de l’association ISRAA, qui a porté ce projet qu’elle espère voir dupliquer.

Vianney, un des locataires, et Fabienne De Oliveira qui a posé les fondations de cette structure d’accueil.

La petite cuisine des espaces communs d’Habited ressemble à toutes les autres. Il flotte une odeur de café et un torchon est accroché à un placard. Pourtant sur chacune des portes de placard, des pictogrammes indiquent ce qu’ils contiennent. Ici les fourchettes, là le sucre ou les casseroles. Petits repères pour des personnes que l’inconnu paralyse. « Les personnes, qui viennent ici, ont besoin de repères visuels. J’ai ainsi vu un jeune ne pas oser frapper à la porte des toilettes pour savoir s’il y avait quelqu’un ou non. Nous avons mis un pictogramme rouge pour signaler si le lieu est occupé. Vivre auprès d’un autiste, c’est sans cesse anticiper et rassurer », explique Fabienne De Oliveira.

Elle a créé l’association ISRAA (Innover Sensibiliser Réagir pour l’avenir des autistes) qui a porté ce projet, avec les Papillons blancs et AMFD, baptisé Habited : dix appartements loués à des jeunes autistes (entre 20 et 40 ans) avec un espace commun d’accompagnement. La ville de Roncq a soutenu la structure tout comme le bailleur Notre Logis. « Il existe très peu de choses en France. Si la personne a un autisme sévère, elle est souvent accueillie en foyer avec des personnes ayant d’autres troubles ; d’autres au contraire peuvent être autonomes et vivre seules. Mais entre les deux, il n’existe rien. Les jeunes doivent souvent rester chez leurs parents. »

Avoir un projet de vie

Habited a voulu permettre à ces jeunes de prendre leur autonomie. Aujourd’hui, neuf personnes se sont déjà installées, une jeune fille va bientôt les rejoindre. Dans la résidence, ils sont accompagnés par AMFD Métropole Nord Est. « Lorsqu’ils sont ici, il faut qu’ils acceptent d’être accompagnés. De plus ils doivent avoir un projet de vie. Il y a une réunion hebdomadaire où sont évoquées les difficultés auxquelles ils doivent faire face. Mais sinon, ils peuvent se retirer dans leur appartement qui est souvent leur bulle. » Une opportunité dont ne peuvent profiter tous ceux qui le désirent. Quinze personnes sont sur la liste d’attente pour obtenir un appartement. « L’idée c’est quand même qu’ici ce soit un passage, une école vers l’autonomie. Ensuite peut-être que certains d’entre eux pourront avoir un appartement indépendant », précise Fabienne De Oliveira qui a été sollicitée par des associations de toute la France pour dupliquer ce modèle. « Notre structure a créé beaucoup de curiosité. Je ne vois pas de problème à ce que notre modèle soit repris. »

Habited mis sur les rails, l’association, menée par Fabienne De Oliveira, imagine déjà d’autres projets. « Il faut réfléchir au parcours avant et après cet appartement. Imaginer des solutions pour des autistes qui ont d’autres besoins… Nous devons penser à l’après-Habited… pour les plus de 40 ans. » Une anticipation des besoins pour éviter l’angoisse de demain.

Fabienne De Oliveira, le combat d’une mère

C’est presque le combat d’une vie. Louise a 18 mois lorsque ses parents remarquent des anomalies du comportement. « Elle ne jouait pas, avait un comportement bizarre… La crèche ne voulait plus l’accueillir. » Bien que prise en charge par les centres médicaux psychologiques, un IME dès la maternelle… personne ne sait ce dont souffre la fille de Fabienne De Oliveira.

Fabienne De Oliveira a mis beaucoup d’énergie à la naissance d’Habited.

« À 13 ans, on m’a dit qu’elle avait une disharmonie évolutive à versant psychotique », explique-t-elle.

Faute de scolarité adaptée en France, Louise est accueillie dans un établissement en Belgique. Finalement c’est lors d’un accueil de jour aux Papillons blancs que Fabienne De Oliveira entend le mot d’autisme. Elle contacte le centre de ressources autisme. « Là elle a été vue par un médecin et le diagnostic d’autisme est tombé. Il y a eu un drôle de sentiment : à la fois contente parce que je savais au moins ce qu’elle avait, mais j’ai aussi pleuré parce que c’était aussi comme une période de deuil d’un enfant comme les autres. Or ces signes, qui ont permis de poser le diagnostic, je les avais vus dès l’âge de 18 mois », regrette Fabienne De Oliveira qui avait été contrainte de quitter son emploi pour être auprès de sa fille.

Une association ouverte sur la société

Commence alors un autre combat pour que Louise trace sa voie. « Les parents d’enfants autistes sont extrêmement seuls. C’est pour cela que j’ai créé l’association ISRAA. Je voulais aussi que mon expérience serve aux autres. »

Mais l’association ne regroupe pas que des parents, elle est ouverte vers la société pour mieux faire connaître les autistes. « C’est important que d’autres personnes s’intéressent à eux. Les autistes suscitent beaucoup d’intérêt et d’incompréhension. Ils n’ont pas nos codes sociaux, ce sont des personnes rigoureuses qui ne supportent pas la transgression des règles. Elles sont des atouts, certains chefs d’entreprise l‘ont bien compris. »

Aujourd’hui, ISRAA ne veut pas être gestionnaire d’Habited, mais poursuivre ses projets. « Nous sommes dans l’impulsion, dans le montage de projets, dans le fait de convaincre politiques et décideurs. C’est un travail de longue haleine. »

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