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"Au bonheur d'Elise"
22 avril 2016

Commentaire sur le rapport IGAS sur les CRA

22 avr. 2016
Par Jean VinçotBlog : Le blog de Jean Vinçot

Un rapport passionnant de l'IGAS sur les Centres de Ressources Autisme (CRA). Une occasion de revisiter l'audit sur le CRA de Bretagne. Et un espoir d'une évolution positive pour les usagers.

J'ai commencé à lire le rapport de l'IGAS sur les CRA à la lumière de la crise que nous avons connue en Bretagne et de l'audit alors réalisé à la demande de l'ARS.

Le rapport est bien plus intéressant que ce que j'attendais.

Ce rapport permet, par ailleurs,  de constater que le CRA de Bretagne faisait un très bon travail jusqu'à ce qu'une opération de destruction organisée intervienne.

Mon analyse est surtout technique, détaillée point par point. Je laisse à d'autres une analyse d'ensemble du rapport.

Les professionnels et les établissements doivent mettre en œuvre les recommandations de la HAS et de l'ANESM

Notons d'abord une mise au point très précise sur le caractère opposable des recommandations de bonnes pratiques de la HAS par rapport aux professionnels de santé, ainsi que celles de l'ANESM dans l'évaluation des établissements (page 19).

Dans ce cadre, le CRA est un outil de diffusion des bonnes pratiques, en application du 3ème plan autisme.

L'IGAS examine le fonctionnement des CRA à l'aune de cet objectif.

Données statistiques sur la prévalence

Les données sur la prévalence (pp.14 et 15) sont limitées. Il n'exploite pas les données recueillies par l'ARS de Bretagne et par les 4 conseils généraux, à partir de 3 sources :

  • l'enquête (nationale) ES Handicap 2010, renseignées par tous les établissements médico-sociaux (il est fait partiellement référence à cette enquête nationale p.50)

  • le RIMP (données sanitaires)

  • l'enquête CEKOIA dans les 500 établissements médico-sociaux de Bretagne.

Le rapport mentionne (page 28) qu'il est anormal que les MDPH ne renseignent pas le code CIM 10 dans leurs fichiers, alors qu'elles le devraient. Ce serait essentiel pour mener une politique de l'autisme, au niveau départemental, régional et national. Voir : https://blogs.mediapart.fr/jean-vincot/blog/170314/autisme-comment-cacher-un-elephant

Crise et audit du CRA de Bretagne

Vous pouvez trouver des éléments sur l'audit du CRA de Bretagne à partir de la page http://www.asperansa.org/actu/cra_201402/

Quand la crise a éclaté en fin 2012, le Pr Botbol, envoyé là par le Conseil National des Universités (CNU), menait campagne contre son équipe du CRA avec les arguments suivants :

  • le CRA ne fait pas assez de diagnostics ;

  • il laisse scandaleusement les familles sans soutien et orientation dans la période énorme qui précède le diagnostic ;

  • c'est parce qu'il sort de son rôle en faisant du conseil aux familles

  • et parce qu'il consacre son temps aux recherches, alors que le CRA ne doit pas en faire.

Toutes ses critiques semblaient trouver une oreille complaisante à l'ARS, qui prétendait par exemple interdire au CRA de continuer les recherches qui se sont avérées très prometteuses sur le bumétanide (plusieurs brevets déposés par l'hôpital de Brest).

Les données d'activité

Fin 2013, pour la dernière fois était présenté au CTRA de Bretagne un rapport d'activité du CRA, avec une diapo sur l'évolution du nombre de diagnostics, censée démontrée un redressement spectaculaire de l'activité des diagnostics en 2013, suite à l'expulsion du Dr Lemonnier vers le service de dermatologie de l'hôpital.

Aujourd'hui, grâce aux données CNSA, figurant dans le rapport de l'IGAS et dans un document de l'ARS de fin 2014, - données 2012/2013/2014 - on s'aperçoit que les données étaient complètement bidonnées. Les diagnostics du CRA ont été divisées par 2 à Brest – en partie masqués par la montée des équipes associées de Rennes et de Vannes (Saint Avé).

Pour la région Bretagne, 233 bilans ont été réalisés en 2012 et 159 en 2013 (pp.40-41). Rapport IGAS (P.35) : environ 110 en 2014.

Le rapport d'audit sur le CRA de Bretagne a été incapable d'analyser cette évolution.

Pages 35 et 36 du rapport de l'IGAS, le CRA de Bretagne figure désormais dans les mauvais élèves de la classe (4 diagnostics pour 100 000 habitants – graphique 3, 485 jours de délais – graphique 4) , comme dans le graphique 5 (rapports entre le délai de diagnostic et le nombre de diagnostic). Dans ce dernier graphique, le Limousin caracole en tête. Amer pour les bretons. Criant

Le rapport d'audit sur le CRA de Bretagne a été également incapable de recueillir des données budgétaires sur le CRA, disparues on ne sait comment. La transparence n'est pas évidente (voir p.28 du rapport de l'IGAS), notamment quand du personnel de l'hôpital utilisé ailleurs est rémunéré sur des crédits fléchés autisme.

Les données existaient quand même - c'est ce qu'on voit dans ce rapport. Il apparaît que le CRA de Bretagne était sous-doté par rapport à sa population (graphique 8 page 40) : non seulement sous doté, mais dotation sous-utilisée. Son expérience lui permettait d'assurer beaucoup de services, ce qui a été détruit méthodiquement depuis 4 ans. La preuve est désormais faite.

Le conseil aux familles

Le rapport montre que cette mission n'est pas prise en considération par bien des CRA, si ce n'est une assistance sociale.

C'est pourtant la première mission réglementaire des CRA.

C'était la mission qui devait être renforcée au CRA de Bretagne, suite au rapport d'évaluation de la structure expérimentale du 1er plan autisme (CIERA).

C'est celle qui a été supprimée par le Pr Botbol : fin décembre 2013, il se vantait que les conseils aux usagers étaient passés de 754 à 2 (cf diapo 5 ). Deux de trop pour lui.La fonction d'un CRA était réduite à ramener à la pédopsychiatrie de secteur les usagers qui se sont adressés au CRA, avec un diagnostic "puisqu'ils y tiennent"..

Trois CRA seulement ont mis en place un groupe d'expression des usagers (page 30). Au CRA de Bretagne, il y avait un ou deux groupes d'expression des usagers par mois, animés par le Dr Lemonnier (deux groupes de parents en fonction du degré de sévérité, un groupe d'adultes). Supprimés en janvier 2013.

A noter que le nouveau CRA de Bretagne a prévu un dispositif se rapprochant de la recommandation n°4 (page 31) : un psychologue par département est le référent des familles.

La recherche

Le rapport IGAS trouve insatisfaisant la participation à la recherche des CRA, dont c'est une des missions.

C'est un reproche qu'on ne pouvait faire au CRA de Bretagne, impliqué dans la publication sur le SHANK 3, puis dans les brevets sur le bumétanide, par exemple.

Mais l'ARS et le Pr Botbol ont cherché à l'empêcher de continuer sur ce plan.

Le rapport d'audit sur le CRA de Bretagne a négligé tout cet effort (cf. pp12-14). Et le rapport avait réduit la question de la recherche à la question des bons rapports entre les Prs Botbol et Tordjmann (bien entendu, puisque Sylvie Tordjmann était un des 5 membres de la section CNU qui nous l'a expédié en cadeau).

Avec le rapport IGAS, on a au moins la satisfaction amère que le CRA travaillait bien, était bien dans sa mission.

La procédure de diagnostic

PP.31-32, l'IGAS décrit le processus classique de diagnostic dans les CRA.

Je me rappelle des discussions sur ce point au CTRA de Bretagne Pays de Loire. Le CIERA (qui regroupait les deux régions) prévoyait dans son protocole que la restitution du diagnostic se faisait en invitant les parents et l'équipe de proximité qui suivait l'enfant. C'est ce qui se passait à Rennes et à Nantes très souvent, mais à Brest, les équipes de proximité boycottaient systématiquement cette réunion. Elles estimaient que l'annonce du diagnostic relevait de la démarche thérapeutique, et donc était leur monopole. Sans tenir compte qu'elles avaient passé des années à éviter un diagnostic pour « ne pas stigmatiser », prendre en charge la « souffrance parentale » etc …

Le CRA de Bretagne demande aujourd'hui qu'un usager soit orienté pour un diagnostic par un médecin, généraliste, psychiatre ou pédiatre. La présence de ce médecin lors de la restitution du diagnostic – avec les parents ou la personne autiste bien sûr, et pas dans son dos comme certains le veulent - me semble une chance pour la suite.

L'IGAS soulève une intéressante question sur le rôle des différents métiers dans la procédure de diagnostic. Ces questions doivent être abordes, à mon avis, en fonction de la degré de complexité du diagnostic. Les étapes actuelles ont été définies par les premiers CRA. Elles mêlent diagnostic proprement dit et évaluations du fonctionnement. Il y a une directive européenne qui impose de commencer la prise en charge dans les 3 mois qui suivent la suspicion d'autisme. Le processus de diagnostic n'a donc pas besoin d'être finalisé pour que les méthodes éducatives nécessaires soient mises en œuvre. Si cela est assuré, je laisse le soin aux professionnels de se mettre d'accord sur le nom de la personne qui mettra son tampon à la fin du dossier.

Page 37, le CRA de Bretagne fait partie des 5 CRA (dont le Limousin) qui assurent un bon niveau de diagnostic adultes. Avouons que le Pr Botbol a foutu la paix à ce pôle.

P.43, la mission IGAS revient sur le processus de diagnostic. Elle dit que dans la moyenne d'un tiers, les demandes de diagnostic ne concernent pas des autistes. La mission n'avait pas les moyens d'apprécier si ce résultat a des bases solides. Nous savons qu'il y a des CRA de qualité, expérimentés. Mais un diagnostic de non-autisme dans certains CRA n'a pas beaucoup de valeur. La comparaison des diagnostics entre CRA devrait assez facilement valider ou invalider cette hypothèse.

Il est de toute façon indispensable de mettre en route les prises en charge dans les 3 mois de la demande de diagnostic, dans des conditions acceptées par les MDPH.

CRA et formations

Le graphique 198, page 58, montre un CRA de Bretagne ayant réduit au string dans la formation des professionnels. Ceci après un rapport d'audit incapable de voir l'intense activité de formation du CRA auparavant. Il est vrai que le chef du CRA préférait faire venir cette année-là (2014) MC Laznik pour babiller sur le mamanais guérisseur des bébés à risque autistique. En 2014, le CRA n'était pas dans une phase de « refondation » (sic), mais de destruction, contre les RBP !

A noter qu'il ne faut pas surestimer le coût des formations sur le diagnostic pour les professionnels. Le CRA de Bretagne, dans le temps, les assurait pour 200 € (3 jours !), supervision comprise ensuite. Ceux qui voulaient s'en saisir pouvaient le faire. Le CRA NPDC avait une offre ADOS à 540 € ! Voir pp. 3 à 5 

La difficulté en Bretagne, ce n'était pas le coût, mais la volonté de s'en servir.

L'équipe de St-Avé signalait lors d'un CTRA que leurs collègues formés préféraient transférer au CRA le diagnostic, pour éviter de passer une heure 30 à l'ADI-R....

Page 65, il est indiqué, au sujet de la mise à jour de la formation initiale des médecins, que « les blocages sont bien identifiés au niveau des CNU [conseil national des universités] de psychiatrie et de pédopsychiatrie ».

On a bien entendu ce blocage lors du comité national autisme du 21 avril, avec une représentante essayant de venir au secours de "La Main à l'Oreille".

Nous en avons surtout été victimes en Bretagne, puisque c'est la section CNU de pédopsychiatrie (5 mandarins) qui nous a expédié le Dr Botbol. Technicien de surface efficace (il a éliminé le Dr Lemonnier et l'autre chef de service de pédopsychiatrie, Maria Squillante, du réseau PREAUT pourtant).

Et les MDPH …

La question des réévaluations de diagnostic par les MDPH avait déjà été soulevée lors de la 2ème journée CNSA – CRA – MDPH.

A mon sens, cela soulève un problème crucial dans les orientations vers les ITEP. En Bretagne, 35% des jeunes en ITEP ont une psychose infantile, synonyme de TED dans la CIM-10. Or, les jeunes autistes ne devraient pas y être orientés.

Comment les équipes pluridisciplinaires des MDPH peuvent accepter ce diagnostic obsolète, non conforme aux RBP et aux règles concernant les certificats médicaux et leur application informatique ?

Je constate aussi que la qualité des certificats médicaux a des conséquences notamment sur l'attribution des droits (AAH, RQTH, SAVS, PCH …) pour les adultes autistes. Ce serait quand même plus simple s'il n'était pas nécessaire de faire un recours gracieux pour que les préconisations du CRA soient acceptées par la MDPH !

Le statut des CRA

J'aime l'optimisme de l'IGAS quand elle considère que le CRA de Bretagne est en train d'évoluer vers un statut de GCMS. Il est vrai que c'est que nous demandons, et que l'association Les Genêts d'Or, qui a obtenu la gestion du CRA, a accepté comme perspective à terme.

Mais l'ARS bloque la participation des usagers à cette structure.

Le projet présenté par Les Genêts d'Or prévoyait une instance de décision composé de 6 représentants des usagers sur 14. L'ARS a fait en sorte ensuite que nous passions à 2 seulement sur 14. Et surtout, que toutes les décisions soient prises en dehors de tout représentant des usagers depuis un an.

De ce point de vue, la recommandation n°23 de l'IGAS est plus conforme à ce que nous voulons.

Alors que le CRA de Bretagne a fait l'objet à sa création d'une cogestion entre le CHU et une association d'usagers (Sesame Autisme), c'est lamentable de voir l'ARS agir pour réduire la part des usagers.

La mission de l'IGAS (pp. 81-82) n'a pas bien compris – pas complètement - les raisons de l'indépendance  nécessaire par rapport au sanitaire - que nous réclamons.

Bien entendu, les CRA Rhône-Alpes et Languedoc Roussillon sont implantés dans des services hospitaliers. Mais le premier dépend complètement de l'existence d'une délégation du directeur général des hôpitaux de Lyon. Le deuxième dépend de la personnalité du professeur de pédopsychiatrie. Nous avions le Pr Lazartigues : après diverses manœuvres, les 5 membres de la section CNU de pédopsychiatrie nous ont expédié le Dr Botbol. Et depuis 4 ans, nous avons régressé.

Le changement du statut des CRA a, selon moi, plusieurs objectifs :

  • rendre plus réactif le fonctionnement du CRA ;

  • éviter les détournements de budget, assurer la transparence du financement ;

  • permettre aux usagers d'intervenir activement dans l'orientation, dans une instance décisionnelle ;

  • permettre aussi à d'autres acteurs (médico-social, éducation nationale, emploi …) d'intervenir dans une instance décisionnelle ;

  • arracher l'autisme de la pédopsychiatrie pour y inclure tous les professionnels et chercheurs (neurosciences, génétique, psychologie, TCC …).

La cerise sur le gâteau dans un changement des participants aux lieux de pouvoir, c'est que la psychanalyse post-kleinienne ira plus rapidement dans les poubelles de l'histoire.

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