Monsieur le Président de l’Association Nationale pour la Promotion des soins somatiques en santé mentale, cher Docteur Saravane,
Mesdames, Messieurs les représentants d’associations de familles et de personnes avec autisme,
Mesdames et Messieurs les professionnels,
Mesdames et Messieurs les parents présents,
Mesdames et Messieurs,
Alors que la prise en charge de la douleur est présentée comme un enjeu majeur de santé et de société, celle de la douleur en santé mentale en particulier, parce que jugée éminemment complexe, a trop longtemps été ignorée.
Lorsque les patients sont des personnes avec des trouble du spectre autistique et qu’elles ne peuvent dire leur douleur avec des mots, la consultation est alors réputée encore plus difficile. Et pourtant, pour ces patients aussi, identifier les pathologies organiques douloureuses, les apaiser, les traiter, est essentiel.
Tout d’abord, et j’ai une pensée toute particulière pour les parents présents dans la salle, les comportements/problèmes liés aux pathologies non traitées entraînent non seulement des hospitalisations vécues de façon terrible par les personnes et par leurs proches, mais aussi des ruptures de parcours lourdes de conséquences. Ces hospitalisations, pourtant, peuvent être évitées.
Ensuite, et les études cliniques et épidémiologiques l’indiquent, ces patients ont une espérance de vie réduite. Les risques de mourir à la suite d’une maladie organique chez les personnes atteintes de troubles du spectre de l’autisme, sont supérieurs à celui de la population générale. Ce n’est pas l’autisme qui les tue, mais bien le défaut de soins.
Pourtant, avec la création du Centre régional douleur et soins somatiques en santé mentale et autisme de l’Etablissement public de santé Barthélémy-Durand, vous avez démontré, Docteur Saravane, qu’il est tout à fait possible de rendre accessible la consultation médicale aux patients autistes dyscommuniquants.
Vous en parlez avec simplicité, en mettant en avant ce que les familles et les personnes autistes elles-mêmes vous ont appris. L’essentiel, dîtes-vous, est de laisser vos patients se familiariser avec l’environnement des locaux où se déroule la consultation et de prendre aussi tout le temps qui leur est nécessaire. Avec vous, une consultation dure en moyenne deux heures !
En respectant ainsi les personnes et leur volonté ; en les soignant sans discrimination, vous faîtes, Docteur, honneur à la profession médicale. Vous participez également, avec les membres de votre équipe, à l’avancée de la connaissance. J’en tiens pour preuve l’intérêt que le centre suscite, m’a-t-on dit, au Québec, réputé en pointe en matière de prise en charge de l’autisme.
Par ailleurs, vous avez su faire bouger les lignes ici, en France, puisque vous êtes parvenu à ce qu’une question sur la douleur chez les patients autistes soit inscrite au programme du concours de l’internat pour les étudiants en médecine.
Les choses avancent, et il faut s’en réjouir. Je n’oublie pas pour autant que le souhait que j’ai déjà formulé devant vous de voir des consultations spécialisées s’implanter dans chaque région, n’est toujours pas réalisé. Vous pouvez compter sur ma ténacité pour faire avancer ce projet.
J’aimerais maintenant vous donner quelques nouvelles des mesures concernant la santé des personnes handicapées inscrites à la feuille de route du Gouvernement.
Je me souviens que je vous avais parlé l’année dernière, lors du colloque annuel l’Association Nationale pour la Promotion des Soins Somatiques en Santé Mentale, de la diffusion de la charte Romain Jacob que certains d’entre vous ont fortement soutenue. Les efforts collectifs ont porté leurs fruits : toutes les régions auront signé la charte d’ici la fin du mois, à l’exception de la Guadeloupe où elle sera signée en octobre. D’ores et déjà, des chartes spécialisées - notamment pour les urgences, les soins bucco-dentaires et la médecine physique de rééducation - sont en préparation sur le modèle de la charte Romain Jacob.
Concernant la prise en compte du handicap dans le cadre des soins de ville et dans les établissements de santé, des consultations dédiées ont été mises en place. Elles ont fait la preuve de leur intérêt pour les personnes en situation de handicap, c’est la raison pour laquelle les agences régionales de santé ont veillé à conforter les consultations existantes et à identifier celles qu’il convient de créer. Le financement de cette mesure intervient sur la base d’un financement pluriannuel du Fonds d’Intervention Régional (pour 10 millions d’euros).
Le Gouvernement agit par ailleurs pour faire évoluer les pratiques.
C’est la raison pour laquelle la Haute Autorité de Santé travaille à la rédaction d’un guide relatif à l’accueil et la prise en charge des personnes handicapées dans les établissements de santé. Il s’appliquera aux pratiques professionnelles, aux organisations et à la certification.
Par ailleurs, afin de faciliter l’accès aux soins des personnes handicapées en établissements, le recours à la télémédecine et à l’hospitalisation à domicile fait l’objet de réflexions. Une évaluation de la montée en charge de l’hospitalisation à domicile dans les établissements médico-sociaux réalisée par la direction générale de l’offre de soins, la DGOS, et la direction générale de la cohésion sociale, la DGCS, est en cours. Y participent en appui quatre agences régionales de santé. La publication du rapport d’évaluation et de sa feuille de route devrait intervenir rapidement.
J’en viens maintenant à un sujet qui me tient particulièrement à coeur : les moyens de resserrer les liens entre secteurs sanitaire et médico-social autour des bonnes pratiques et de la recherche.
La mise en oeuvre de projets territoriaux de santé mentale, inscrite à l’article 69 de la loi de modernisation de notre système de santé promulguée le 26 janvier dernier, est lancée. Le projet territorial de santé mentale a pour objectif d’améliorer l’accès des personnes concernées à des parcours de santé et de vie de qualité.
En outre, les travaux du Centre de preuves sur le handicap psychique ont abouti à la rédaction d’un rapport. Remis en 2015, il a fait l’objet d’une présentation aux agences régionales de santé en avril dernier.
Quant aux travaux communs à la HAS et à l’ANESM sur les recommandations de bonnes pratiques pour adultes ayant des troubles du spectre de l’autisme, ils sont engagés.
Quelques mots, si vous le voulez bien, sur l’amélioration de l’organisation du parcours de santé des personnes handicapées vieillissantes : les circulaires budgétaires destinées aux agences régionales de santé en ont fait une priorité en 2015 et 2016, sur la base des recommandations de l’ANESM et du rapport de Patrick Gohet. L’analyse des conditions d’accueil, d’accompagnement spécifique et de soins des personnes handicapées vieillissantes est en cours. L’objectif est d’élaborer une stratégie nationale pour les personnes handicapées vieillissantes. De nature globale, elle portera sur les soins, sur les conditions de médicalisation, impliquant de ce fait le personnel paramédical, les formations spécifiques, et aussi la coopération entre le secteur du handicap et la filière géronto/gériatrique.
J’en termine en évoquant les actions et les messages de prévention. Les objectifs de prévention ont été intégrés aux Contrat Pluriannuels d’Objectif et de Moyens, les CPOM, conformément aux dispositions votées dans la loi de modernisation de notre système de santé. C’est à mon sens essentiel car cela permet d’organiser l’offre sur le long terme et de s’assurer de la diffusion des bonnes pratiques.
Enfin, la question de la reprise de la mesure du troisième plan autisme (objet de la fiche n°18) consacrée à la prise en charge de la douleur, dans le quatrième plan annoncé par le Président de la République lors de la Conférence nationale du handicap du 19 mai dernier, m’a été posée.
Ce que je peux vous dire à l’heure actuelle, c’est que ce nouveau plan sera construit avec les personnes autistes et dans le souci constant de tenir compte de l’avancée des connaissances et des bonnes pratiques recommandées par la HAS et de l’ANESM.
D’ores et déjà, deux thèmes ont été retenus : la scolarisation et l’emploi. Ce dernier était absent du troisième plan et réclame d’être approfondi. C’est la raison pour laquelle Josef Schovanec, qui interviendra tout à l’heure, a été chargé d’une mission sur l’insertion professionnelle et la participation sociale des adultes autistes. Il a désormais rejoint mon cabinet.
Pour les autres thèmes qui figuraient dans le troisième plan, ils feront au préalable l’objet d’une évaluation. Les mesures qui n’ont pas été prises seront aussi étudiées, de telle sorte de déterminer les raisons pour lesquelles elles sont restées en suspens. C’est le cas, je le rappelais à l’instant, de la question de la prise en charge de la douleur, son anticipation et son traitement chez les personnes autistes et celles avec des troubles envahissants du développement.
Le bilan du troisième plan viendra nourrir le quatrième. D’autres apports sont les bienvenus : soyez assurés que je regarderai avec le plus grand soin les propositions et réflexions qui me parviendront. Pour conclure, je profite de ma présence aujourd’hui pour vous dire que les contributions de l’Association Nationale pour la Promotion des Soins Somatiques en Santé Mentale à la réflexion me seraient particulièrement précieuses.
Il me reste, pour conclure, à saluer l’engagement de l’ensemble des professionnels qui vont cet après-midi faire part de leur expertise et de leur expérience.
A vous tous, je vous souhaite des débats et des travaux fructueux.
Je vous remercie.
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