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"Au bonheur d'Elise"
5 septembre 2016

La pédopsychiatrie pourrait bien disparaître !

Le psychiatre et psychanalyste Pierre Delion estime que cette discipline est en danger, notamment en raison des difficultés à soigner l'autisme. Par
Publié le 05/09/2016 à 12:46 | Le Point.fr
Le service pédopsychiatrique de l'hôpital Ville-vrard. Neuilly-sur-Marne ( 93), 05/12/2005

Le service pédopsychiatrique de l'hôpital Ville-vrard. Neuilly-sur-Marne ( 93), 05/12/2005 © POUZET/SIPA

La pédopsychiatrie est une discipline médicale relativement récente, mais déjà en voie de disparition. C'est en tout cas ce qu'estime Pierre Delion dans son dernier ouvrage*. Cette spécialité est née officiellement en 1800 avec Jean Itard lorsqu'il a récupéré l'enfant sauvage de l'Aveyron dont il va s'occuper pendant plusieurs années. L'auteur, psychiatre et psychanalyste rappelle qu'au XIXe siècle les jeunes malades étaient pris en charge par les aliénistes, enfermés et maintenus attachés dans des conditions ignominieuses. Cette situation a duré jusqu'après la Seconde Guerre mondiale. C'est seulement à cette époque que des psychiatres se spécialisent dans l'enfance, que des pédagogues se préoccupent des jeunes en difficulté et que des psychanalystes suivent des patients qui parlent de leurs premières années. Cette convergence de trois faisceaux a amené à l'émergence de la pédopsychiatrie, devenue une spécialité universitaire en 1973.

Dès le départ, raconte le Dr Delion, l'ambition était que l'enfant puisse rester dans sa famille et dans son école. Plus question d'hospitaliser un jeune quand trois séances de thérapie par semaine peuvent suffire. Bien sûr, certains malades devront toujours être placés dans des établissements de soins, mais il est indispensable de maintenir le contact avec leurs parents ainsi que de créer les conditions pour qu'ils puissent sortir, aller dans le médico-social, avoir des activités. Quant aux jeunes autistes, ils devront autant que possible être soignés en hôpital de jour.

Des éducateurs ou des psychologues suffisent

Jusque dans les années 2000, les politiques ont soutenu la pédopsychiatrie, même si c'était sans leur donner beaucoup de moyens. « Aujourd'hui, ils la disqualifient sous prétexte qu'elle ne soignerait pas correctement l'autisme », regrette l'auteur. « Ils veulent que les enfants soient pris en charge par le médico-social – parce que cela coûte moins cher – et ils entendent donner satisfaction aux associations les plus extrémistes », désireuses de voir leurs enfants soignés par des neuropsychiatres (qui ne le souhaitent pas) ou par des généticiens. Dans le 3e plan autisme, la prise en charge et le diagnostic de cette maladie reviennent désormais aux pédiatres. Et les méthodes prônées par la Haute Autorité de santé sont désormais essentiellement éducatives ; il n'y a donc plus besoin de pédopsychiatres, des éducateurs ou des psychologues suffisent.

Le problème, insiste Pierre Delion, c'est qu'il faut beaucoup de temps pour apprendre la psychopathologie. Dans une génération, « on s'apercevra que le comportementalisme ne suffit pas pour certains gosses et qu'ils ont besoin de soins, mais le savoir aura disparu ». Il cite notamment le domaine de la délinquance, où des jeunes qui ont de graves troubles du comportement ne sont pas correctement pris en charge de façon précoce et finissent dans les foyers de délinquants. « Lorsque les éducateurs n'en peuvent plus, ils les envoient en psychiatrie. Dès lors, ces enfants ont l'impression qu'ils sont hospitalisés en guise de punition. Pour eux, la psychiatrie, c'est la prison et ils nous considèrent comme des matons. » Impossible, dans ces conditions, de s'occuper de leur souffrance psychique. Cette négation de leur utilité et ce constat d'un terrible gâchis taraudent le Dr Delion, qui se bat pour une psychiatrie humaine.

* Mon combat pour une psychiatrie humaine, écrit avec Patrick Coupechoux, éditions Albin Michel, 282 pages, 19,50 euros

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Commentaires
G
Si la pédopsychiatrie a historiquement constitué un progrès considérable dans l'accompagnement des troubles de la personnalité et/ou du comportement des enfants, elle n'aura pas su évoluer et remettre en cause certains dogmes devenus obsolètes notamment en effet concernant l'autisme. Il n'en reste pas moins qu'il ne faudrait pas "jeter le bébé avec l'eau du bain" car de nombreux enfants, adolescents, et familles ont eu, ont, et auront encore (et ce sont toujours pour les troubles les moins évidents à traiter) besoins de spécialistes, cliniciens, opérants au croisement de la médecine et de la psychologie. Si les apports comportementalistes peuvent être intéressants à certains égards, ils ne sauraient répondre à l'ensemble des besoins et ont aussi leurs limites. Le traitement de la souffrance psychique est d'un apport bien plus complexe. La réponse ne saurait être dans la disparition de la pédopsychiatrie, mais plutôt dans la redéfinition de son périmètre, de ses pratiques, et de son éthique.
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