Il a déjà traversé la Méditerranée, la Manche et rallié les cinq continents à la nage, ou encore battu le record de profondeur de plongée pour un amputé (33m). Cette fois, Philippe Croizon retrouve la terre ferme pour un nouveau défi: le Dakar. L'aventurier de 48 ans espère devenir dans quelques jours, le premier amputé des quatre membres à terminer le rallye-raid le plus réputé, au volant d'une voiture adaptée.
Ce serait déjà un bel exploit, après douze jours de course, dont près de la moitié à plus de 3.000 mètres d'altitude, en Bolivie. Une folie aussi pour "99% des gens", selon l'intéressé. "Tout est possible! C'est mon slogan", leur répond-il. "L'impossible, c'est juste une seule personne, c'est juste nous. Elles sont où nos limites? Moi je trouve que je n'ai pas de limites. J'ai eu un accident (deux électrocutions) le 5 mars 1994, tout ce que je vis aujourd'hui, c'est du plus!"
Point de masque ou de tuba donc pour ce nouveau défi au coeur du continent sud-américain, mais un buggy adapté. Sanglé dans le siège baquet réglementaire, les cuisses fixées dans un caisson en carbone, Philippe Croizon ne peut toucher ni le volant ni les pédales.
Du bras gauche, il actionne un petit levier de vitesse placé près de la portière. Du droit, il conduit grâce à un joystick hydraulique: "Quand je vais vers l'avant, j'accélère, quand je vais vers l'arrière, je freine et je tourne en le dirigeant vers la droite et vers la gauche. C'est comme un jeu vidéo".
S'il conduit différemment, Philippe Croizon ne bénéficie pas d'un véhicule plus sécurisé que ses concurrents. Pour obtenir sa licence de pilote, il a donc dû prouver qu'il était capable de s'extraire seul de l'habitacle en cas d'accident. Il avait 20 secondes, il en a mis 12, en "roulé-boulé". "J'ai regardé les inspecteurs et je leur ai dit avec ma petite pointe d'humour: 'bon, ça me laisse le temps de faire le pare-brise et les niveaux!', se souvient-il rigolard.
En cas de pépin, casse, enlisement ou accident, la seconde voiture engagée par son équipe, celle de l'expérimenté Yves Tartarin (18 Dakar au compteur), ne sera tout de même jamais loin. L'organisation aussi aura un oeil sur le dossard 352. "Il va être inscrit dans les numéros à suivre", assure le directeur de la course, Etienne Lavigne. Sur les 316 véhicules engagés, une quinzaine feront en effet l'objet d'un suivi particulier, parmi lesquels ceux des quatre autres pilotes handicapés moteurs en lice. La perspective des risques qui l'attendent ne semble en tout cas pas préoccuper plus que ça Philippe Croizon, qui chasse les inquiétudes grâce à l'hypnose et à des exercices de cohérence cardiaque, une forme de relaxation.