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"Au bonheur d'Elise"
21 juin 2017

Domitille Cauet, l'amie d'enfance qui inspire les Macron

Dans l'ombre
Si Emmanuel Macron a fait du handicap une priorité du quinquennat, c’est grâce à elle. Claude Askolovitch raconte le combat quotidien de Domitille Cauet, ancienne élève de Brigitte et mère d’un enfant autiste, qui a touché le couple présidentiel.

Il y eut ces jours, à l’automne 2016, où Domitille tournait autour de leur maison au Touquet et se demandait si elle glisserait un mot dans la boîte aux lettres au cas où elle ne les croiserait pas. Domitille n’aimait pas cela : solliciter, espérer de ces gens qu’elle avait connus, avant, et dont les vies resplendissaient dans l’actualité. Les importunerait-elle, Brigitte qui avait été son professeur et Emmanuel son camarade de lycée ? Adolescente, elle n’imaginait pas qu’elle serait un jour une mère au combat. Domitille Cauet portait autre chose que ses scrupules. Paul, son fils, savait enfin lire. Paul avançait. Paul montait à cheval. Paul s’ouvrait et elle ne savait jusqu’où irait son petit bonhomme. Solliciter ? Elle lui devait ça et, au-delà, à tous ces enfants que l’on appelle autistes et dont elle serait peut-être l’avocate.

« J’ai appris à demander dès que je connais quelqu’un de bien placé, parce que je n’ai pas le choix », me disait Domitille Cauet au printemps. On lui avait donné le numéro de Brigitte; elle lui avait envoyé un long SMS. « Chère Brigitte. Je voudrais tout d’abord te dire que je suis admirative de votre engagement à tous les deux. Dans le cadre de ce projet qu’Emmanuel construit pour la France, j’aimerais vous exposer la situation particulière des personnes avec autisme dans notre pays, véritable scandale sanitaire, social, humain. C’est un combat que je mène depuis sept ans car mon fils Paul est atteint d’un trouble du spectre autistique. Je n’ose imaginer dans quel tourbillon vous vous trouvez actuellement mais s’il était possible de se voir pour en parler... » À la fin du texto, elle embrassait Brigitte. C’était en octobre 2016. Brigitte avait répondu aussitôt.

Il y a plein de manières de raconter une histoire. Celle-ci croise la splendeur du pouvoir, les espérances qu’il inspire, en bas, les raisons qu’on se donne, en haut ; sinon, à quoi bon ? « Si je dois servir à quelque chose pendant la présidence d’Emmanuel, ce sera à changer le sort des handicapés et de leurs familles », m’a dit Brigitte Macron. L’épouse du nouveau président, faisant vœu de discrétion médiatique, affirmait ne faire une exception que pour une juste cause : « Je ne vous parle que pour cela, pour que vous nous aidiez à faire comprendre l’enjeu. Personne n’imagine ce que vivent les familles, les parents de ces enfants. »

L’histoire raconte aussi Paul, petit garçon délicieux et subtilement entêté, à qui j’ai parlé doucement, comme on manipule un objet de cristal. Il est le deuxième des trois garçons de Domitille, qui les élève seule pas loin d’Abbeville, dans la lumière presque trop nette de la baie de Somme. Depuis qu’il lit, élève de CE2 à 10 ans, Paul affirme qu’il n’est plus autiste, puisqu’un univers est venu à lui. Ses différences sont une poésie. Il peut regarder des voitures des heures durant. L’autisme – il en est tant de formes – est aussi cette capacité à se concentrer sur ce qui échappe aux autres et à faire un monde d’un simple décor. Paul est chanceux : il va à l’école, dans l’institution privée où Domitille enseigne. C’est rare. Quatre autistes sur cinq sont exclus du système scolaire, que leur handicap soit trop profond ou que leur famille n’ait pas réussi à affronter le maquis administratif qui s’oppose à l’insertion. Une auxiliaire de vie scolaire (AVS) accompagne Paul à l’école; elle est la condition même de ses apprentissages. Obtenir une AVS, trouver la bonne personne, voilà le graal des parents d’autistes. Tous ont connu les avanies de l’AVS indifférente, qui laisse l’enfant s’oublier; ou de l’AVS qui démissionne un mois avant la fin de l’année scolaire et alors l’enfant est nu. Celle de Paul est formidable. Elle gagne 549 euros par mois pour dix-huit heures de travail hebdomadaire. Le soir, Domitille fait travailler son garçon, ce qui va bien au-delà des devoirs. Redoute-t-elle d’en être injuste avec ses deux frères ? Elle n’a guère de loisir pour les angoisses. Domitille, professeur certifié, gagne 1 550 euros nets. Elle s’est repliée sur un temps partiel, à 80 %, pour donner du temps à Paul. L’autisme appauvrit.

 

Vous avez lu 15% de cet article. La suite est à retrouver dans le numéro 48 (Juillet 2017) de Vanity Fair France

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