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"Au bonheur d'Elise"
7 novembre 2017

Risques de suicide chez les personnes autistes

Pour une partie des personnes autistes, notamment dans le syndrome d'Asperger, il y a des risques importants de suicide. Revue de plusieurs enquêtes, et réponses au sondage d'Asperansa.

L'article d'Amélie Tsaag Varlen a analysé la question de la mortalité chez les personnes autistes, dont la question des risques suicidaires.

Cette question a été abordée dans le sondage lancé par Asperansa. Les résultats (provisoires car il est toujours possible de répondre) figurent sur le site d'Asperansa.

Questions 62 et 63 du sondage Asperansa
Questions 62 et 63 du sondage Asperansa

La question 64 était : 

Avez-vous déjà connu des épisodes dépressifs ?

Question 64 du sondage Asperansa
Question 64 du sondage Asperansa

Ont eu des épisodes dépressifs, des idées suicidaires ou ont fait des tentatives de suicide :

  • 66,26% de l'ensemble
  • 52,6% des personnes se considérant hétérosexuelles
  • 56,1% pour le genre masculin

mais

  • 70,3% pour le genre féminin
  • 82,5% des personnes se considérant bisexuelles/homosexuelles
  • 91,3% pour les personnes déclarant « autre genre »

Amélie Tsaag Varlen avait fait référence à juste titre aux facteurs d'intersectionnalité dans son document :

« Les études déjà menées n’explorent pas les facteurs d’intersectionnalité. Par exemple, nous savons que les personnes homosexuelles, particulièrement à l’adolescence, ont entre 4 et 7 fois plus de risques de tenter de se suicider que les hétérosexuelles. On peut être autiste et homosexuel. On peut même être autiste, homosexuel, épileptique, et issu d’une minorité ethnique. Les parcours de vie des personnes se situant à l'intersection d'une pluralité de minorités doivent être étudiés et mis en lumière, ainsi que les facteurs de risque du suicide. » 

Statistiques de la question 64 sur la dépression (pdf, 137.9 kB)

Etude sur des personnes récemment diagnostiquées avec syndrome d'Asperger (2014)

Lancet Psychiatry. 2014 Jul;1(2):142-7. doi: 10.1016/S2215-0366(14)70248-2. Epub 2014 Jun 25.

Suicidal ideation and suicide plans or attempts in adults with Asperger's syndrome attending a specialist diagnostic clinic: a clinical cohort study.

Cassidy SBradley PRobinson JAllison CMcHugh MBaron-Cohen S.

Idées suicidaires et plans de suicide ou tentatives chez des adultes Asperger fréquentant une clinique de diagnostic spécialisée: une étude clinique de cohorte.

Cette étude analyse les réponses à un questionnaire de 373 adultes ayant reçu un diagnostic de syndrome d'Asperger sur une période de 18 mis (2003-2004).

Extraits :  Nos résultats d'une expérience au cours de la vie d'idées suicidaires pour 66% et d'une tentative de suicide pour 35%  soutiennent l'affirmation que ces événements sont fréquents chez les personnes atteintes du syndrome d'Asperger. Dans notre échantillon, l'expérience de l'idéation suicidaire au cours de la vie était plus de neuf fois plus élevée que dans la population générale en Angleterre  et significativement plus élevée que les taux précédemment rapportés dans d'autres groupes cliniques avec des maladies médicales et psychotiques (panel). Les personnes Asperger étaient significativement plus susceptibles de déclarer des idées suicidaires ou des plans ou des tentatives de suicide si elles souffraient également de dépression. Les personnes qui ont planifié ou tenté de se suicider avaient aussi un niveau significativement plus élevé de traits autistiques déclarés que ceux qui n'en avaient pas. Bien que la détermination du lien de causalité pour cette augmentation du risque ne soit pas possible, le fait que plus de gens dans cet échantillon ont rapporté une expérience suicidaire (66%) que ceux était déprimés (31%) est déroutant et pourrait suggérer un processus différent pour les idées suicidaires dans le syndrome d'Asperger que pour les autres groupes cliniques. Alternativement, cette constatation pourrait résulter d'une sous-déclaration de la dépression, peut-être à cause de l'alexithymie (difficultés à décrire verbalement une expérience émotionnelle subjective). (...)

L'expérience d'idéation suicidaire rapportée dans notre échantillon clinique était plus élevée que celle observée dans un petit échantillon précédent d'adultes atteints du syndrome d'Asperger vivant dans la communauté (40%)  et dans un petit échantillon de 26 patients psychiatriques adultes diagnostiqués autistes. Cette différence pourrait s'expliquer par le fait que les membres de notre cohorte n'avaient pas été diagnostiqués avec le syndrome d'Asperger jusqu'à la fin de l'âge adulte, avec un âge moyen au diagnostic de 31 ans par rapport à l'âge moyen habituel de 11 ans. Ainsi, beaucoup de ces personnes ont eu des difficultés telles que l'exclusion sociale, le potentiel éducatif non atteint, les difficultés à obtenir ou à conserver un emploi ou à être promues et les difficultés à développer des relations étroites qui auraient pu être exacerbées. Un diagnostic tardif à l'âge adulte pourrait être un autre facteur de risque pour les idées suicidaires et les plans ou tentatives chez les personnes atteintes du syndrome d'Asperger.
Des études plus détaillées sont nécessaires sur les déclencheurs et l'expérience des idées suicidaires, les facteurs de risque et de protection pour les plans de suicide et les tentatives chez les adultes Asperger (comme l'âge au diagnostic) et les antécédents familiaux de suicide et d'agression. En plus des facteurs sociaux connus pour prédisposer à la dépression, le profil cognitif des personnes atteintes du syndrome d'Asperger pourrait encore augmenter le taux et le risque de suicidabilité. Par exemple, la flexibilité cognitive peut être altérée, et pourrait être responsable de certaines des tendances suicidaires accrues. Sur la base de nos conclusions, les services doivent être alertés du risque élevé d'idées suicidaires et de tentatives de suicide, en particulier chez les personnes recevant un diagnostic tardif de syndrome d'Asperger, compte tenu du risque important dans ce groupe.

A noter que dans cette enquête, il n'y a pas de différences significatives entre hommes et femmes, alors qu’elle est très nette dans le sondage d'Asperansa.1 

Le point le plus important est qu'elle soulève la question du retard dans le diagnostic comme facteur aggravant d'idées suicidaires.

Les délais extravagants des diagnostics des adultes (souvent 3 ans annoncés) accroissent les difficultés des personnes qui recherchent une explication à leur fonctionnement. Il en est de même lorsque le processus de diagnostic n'est pas fiable. Dans les associations, nous sommes témoins de comportements suicidaires dans ce contexte. Il est temps qu'il soit possible sur tout le territoire d'accéder à un diagnostic de qualité.

Rapport épidémiologique au Québec (2017)

L'Institut National de Santé Publique au Québec vient de publier un rapport de surveillance du trouble du spectre de l'autisme concernant les jeunes de 1 à 24 ans. La surmortalité est impressionnante, et le risque de suicide multiplié par 2.

Risques de mortalité dans l'autisme © INSPQ Risques de mortalité dans l'autisme © INSPQ

Surveillance du trouble du spectre de l’autisme au Québec (Institut National de Santé Publique du Québec) p.21

Dans l'état actuel de l'épidémiologie de l'autisme en France, aucun risque que ces informations alarmantes paraissent.

Etude sur les certificats de décès en France (2017)

Mortalité des personnes souffrant de troubles mentaux. Analyse en causes multiples des certificats de décès en France, 2000-2013 – Ha Catherine, Decool Elsa, Chan Chee Christine

  • De 2000 à 2013, 783 403 décès avec mention de TM [trouble mental] ont été enregistrés, représentant en moyenne 55 957 décès annuels et 10,3 % de l’ensemble des décès survenus sur cette période. Les taux de décès avec TM standardisés sur l’âge ont baissé globalement (-15,1 %) sur l’ensemble de la période. Pour les hommes comme pour les femmes, l’âge moyen au décès était particulièrement bas pour la schizophrénie (respectivement 55,9 ans et 67,6 ans) et pour les TM liés à l’alcool (respectivement 59,4 et 60,7 ans). Les CI [Cause Immédiate] de décès se répartissaient ainsi : pour les décès avec mention de TM, le suicide (11,1 %) se situait en 3e position, derrière les causes cardiovasculaires (27,3 %) et les cancers (18,1 %), alors que pour les décès sans mention de TM, le suicide (1,3 %) se plaçait loin derrière les cancers (31,0 %) et le cardiovasculaire (28,9 %). Editions BEH, 2017, n° 23, pp.500-508 – Texte intégral

L'étude a isolé des sous-ensembles dont : "– les TM non-organiques, c’est-à-dire l’ensemble du chapitre F à l’exception des TM organiques et des retards mentaux (codés en F70-F79), soit les codes F10-F69 et F80-F99 " Les TED (troubles envahissants du développement) [F84] sont donc répertoriés comme troubles "non-organiques", avec les troubles dys !

L'étude analyse la cause immédiate de décès, et l'autre cause mentionnée, comme la dépression. Cependant, l'autre cause est sous-estimée 2.

Compte tenu du sous-diagnostic massif de l'autisme à l'âge adulte, cette étude, qui n'a pas pris la peine de les isoler, serait évidemment passée à côté de l'immense majorité. Mais cependant, elle aurait pu, pour la population diagnostiquée avec TED, identifier les causes de décès.

La conclusion est d'une généralité .... : "Ces résultats soulignent toute l’importance, chez les personnes souffrant de TM, de prendre soin de leur santé aussi bien mentale que physique, ainsi que de la nécessité de développer auprès d’elles des actions de prévention, en particulier du suicide mais portant aussi sur les facteurs de risque notamment cardiovasculaire, respiratoire et métabolique (tabac, alcool et autres addictions, sédentarité, facteurs nutritionnels, etc.)" Elle s'applique à toute la population, à part sans doute pour le risque de suicide - sauf dans une région comme la mienne (Bretagne). Elle s'applique donc aussi aux personnes autistes, qui ont des risques plus élevés dans toutes les causes de décès.

Les actions de prévention supposent de créer un environnement propice, des lieux de répit, des Groupes d'Entraide Mutuelle, des accompagnements comme des SAVS (services d'accompagnement à la vie sociale), de lutter contre le harcèlement dans tous les milieux et à tous âges etc...

55% des personnes hospitalisées en HP jugent négativement leur séjour (voir réponse à la question 63). Ce n'est pas là qu'elles retourneront chercher une aide ou un répit.

Sondage Asperansa

Résultats provisoires (novembre 2017)

Enquête et rapport Asperansa (octobre 2016) pp.51-53

1Compte tenu des hypothèses de cette étude britannique sur les impacts du diagnostic tardif, une analyse sera faite sur l'âge dui diagnsotic dans le sondage Asperansa.

2 "Par exemple, un TM est ici signalé dans 40% des cas de décès par suicide, quand une méta-analyse des études par autopsie psychologique montre que le taux de troubles psychiatriques atteindrait presque  90% des cas."

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