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"Au bonheur d'Elise"
8 avril 2018

Autisme de l’adulte – S’adapter pour favoriser l’accès aux soins

article publié sur le Webzine de la HAS

30.03.2018

photo autisme HAS

 

La HAS et l’Anesm* – dont les équipes ont intégré la HAS le 1er avril 2018 – ont publié une recommandation sur les interventions et le parcours de vie de l’adulte autiste. Objectifs ? Améliorer les interventions sanitaires et médico-sociales auprès des adultes autistes afin de favoriser le respect de leurs droits, leur inclusion sociale, leur autonomie, leur santé et leur bien-être. Elle propose aux médecins des outils pour accompagner les adultes autistes et les prendre en charge d’une façon adaptée et coordonnée. Témoignages de professionnels de santé et de personnes impliquées dans cette problématique.

 

Pour les familles et les usagers, l’offre d’accompagnement des adultes autistes en milieu ordinaire et en structure médico-sociale reste insuffisante. « Les personnes autistes ont peu de perspectives adultes alors que des réponses diversifiées devraient leur être proposées : habitat, accompagnement dans l’emploi et la vie sociale, places en établissements », affirme Didier Rocque, président d’une association de parents gestionnaire d’établissements. Père d’un homme autiste de 36 ans, il a participé aux recommandations de la HAS en tant que représentant de familles d'usagers.

Les recommandations de la HAS préconisent notamment de personnaliser au maximum les interventions proposées aux adultes autistes. « Les personnes autistes se sont souvent senties rejetées par la société. Les accompagner de façon adaptée et les inciter à participer aux choix qui les concernent peuvent contribuer à restaurer leur estime de soi », estime Didier Rocque. Les recommandations de la HAS affirment également que les droits des personnes autistes doivent être respectés et leur autonomie, favorisée, quelles que soient leurs capacités. « Tout en prenant en compte les réalités du spectre de l’autisme, les recommandations se concentrent sur l’axe des droits pour penser les interventions et le parcours de vie des adultes autistes. Et ce, sans omettre les moyens de compensation nécessaires pour y parvenir », ajoute Stéfany Bonnot-Briey, « personne autiste et professionnelle de l'autisme ». Elle a également collaboré aux recommandations de la HAS en tant que représentante des usagers.

L’autisme peut engendrer des difficultés à communiquer la douleur, à accepter les examens ou à adhérer aux soins… Une vigilance particulière doit donc être accordée à l’état de santé de la personne autiste. Si les recommandations « rappellent encore et toujours la nécessité de formation professionnelle en phase avec les données scientifiques internationales », selon Stéfany Bonnot-Briey, elles représentent en elles-mêmes un socle de connaissance conséquent. « Elles ont l’avantage de proposer une approche pragmatique et non dogmatique validée après une large concertation de tous les acteurs concernés », conclut Didier Rocque.

 

Interview du Dr Xavier Brunier, médecin coordinateur de l’Association départementale de parents et amis de personnes handicapées mentales (Adapei 44)


Plusieurs rapports ont souligné les lacunes dans la prise en charge des adultes autistes : quelles  difficultés rencontrez-vous ?

L’une des plus grandes difficultés que je rencontre, c’est l’accès aux soins somatiques des adultes autistes sévères. Leur prise en charge adaptée, coordonnée et pluridisciplinaire reste rare dans ma région. Accueillir correctement un adulte autiste avec déficience intellectuelle suppose une connaissance de l’autisme et impose des contraintes d’organisation. Le respect des horaires est par exemple essentiel pour que la salle d’attente ne transforme pas une personne calme en une personne très perturbée, ingérable, pour laquelle on devra parfois renoncer à consulter. C’est compliqué, car ce n’est pas le point fort des professionnels de santé.
Les maladies sont plus difficiles à repérer chez un adulte autiste sévère, car celui-ci ne peut pas toujours décrire ses symptômes et ceux-ci sont malaisés à évaluer. Les diagnostics peuvent être retardés avec des découvertes de pathologies à des stades avancés. Notre crainte, c’est de passer à côté de quelque chose de grave. Une crise que l’on attribue à l’autisme peut en fait être le reflet d’une douleur et celle-ci peut être le symptôme d’une maladie qui relève d’une prise en charge en urgence : une appendicite par exemple. Pour rester vigilants, nous estimons donc qu’un trouble du comportement sera l’expression d’un trouble somatique jusqu’à preuve du contraire.
De même, la prévention ou le dépistage prévus dans le cadre de certaines maladies sont d’un accès plus compliqué pour les personnes autistes. Ainsi, réaliser une mammographie pour une femme autiste est extrêmement ardu. Pourtant, il faut s’efforcer de permettre à ces publics d’accéder à toutes les actions de prévention et de dépistage.

 

Comment améliorez-vous l’accès aux soins de vos patients autistes ?

Si nous projetons une consultation, nous informons au préalable le médecin sur l’attitude à adopter et l’adulte autiste sur ce qui va se passer. Nous réalisons aussi des consultations fictives – ou « consultations blanches » – pour réduire les craintes de la personne autiste et l’habituer à l’examen clinique. Durant ces consultations blanches, qui s’échelonnent parfois sur plusieurs mois, nous la préparons à entrer dans une salle, à se déshabiller, s’allonger, à être palpée, auscultée… L’enchaînement de chaque geste, comme enlever ses chaussures puis monter sur la balance, est ritualisé. Ainsi, la personne sera rassurée lors de la véritable consultation car elle aura déjà vécu la situation.
Nous pouvons fournir un carnet individuel pour que le médecin sache dans quel ordre effectuer les gestes afin de ne pas déstabiliser le patient. L’accompagnement par une personne de confiance en dehors de l’établissement ou de la maison est également important. La présence des parents d’adultes autistes est essentielle ! Sans eux, les examens seraient difficilement réalisables. Mais on ne peut pas tout prévoir. Et parfois, pour diminuer les angoisses trop intenses liées aux soins, nous devons avoir recours au MEOPA.

 

Comment rendre les adultes autistes autonomes vis-à-vis de leur santé ?

En fonction de leurs capacités, nous nous efforçons d’amener les adultes autistes, même en institution, au maximum de leur autonomie. Nous leur rappelons par exemple les principes de l’hygiène bucco-dentaire, nous leur apprenons à désigner les parties du corps ou à prendre les transports pour se rendre sur le lieu de consultation. Il est essentiel que tous les professionnels amenés à prendre en charge les patients autistes, lors de consultation ou d’examens, puissent être formés à l’accueil de ce public spécifique.

 

L'offre en établissements et structures de vie « adultes » est aujourd’hui insuffisante. Comment facilitez-vous leur accueil ?

Le passage des jeunes autistes en institution « enfant » à une structure « adulte » est effectivement problématique par manque de places, mais aussi parce que les structures ne sont pas toujours en phase avec les attentes des personnes autistes et de leur famille. Par exemple, il peut y avoir une trop grande distance entre le domicile et la maison d’accueil spécialisée ou le foyer de vie. Nous devons tenir compte de ces attentes, même si cela peut retarder l’entrée en structure adulte. Pour faciliter ce passage, nous proposons aux personnes autistes d’effectuer des stages pour vérifier que l’environnement leur convienne, mais aussi pour rassurer l’équipe accueillante. Les dossiers des personnes dont nous nous occupons sont donc très personnalisés aujourd’hui, ce qui change notre manière de travailler : nous devons plus que jamais réduire les risques d’erreur.

 

Les personnes autistes doivent pouvoir exercer leurs droits et être associées aux décisions qui les concernent, rappelle le rapport de la HAS. Comment y parvenir ?

Nous devons expliquer les orientations préconisées et demander un accord pour les décisions qui les concernent. La peur du changement étant le fondement de l’autisme, il faut argumenter : par exemple pour un transfert vers une structure différente, nous devons leur « vendre » les services qu’elle sera en mesure de leur procurer : de nouveaux apprentissages, de nouvelles compétences. Pour être en mesure de faire un choix, il faut comprendre. Quand il y a une déficience intellectuelle, il est important de prendre le temps d’expliquer et d’employer les moyens susceptibles de faciliter la compréhension. Les décisions médicales en particulier, qui impliquent le médecin, la famille et la personne autiste si elle le peut, font souvent l’objet de débats d’ordre éthique entre le raisonnable et le déraisonnable.

 

Il est prévu que les familles et l’entourage aient accès à des solutions de répit. Existent-elles ?

Si l’état de l’adulte autiste est stabilisé, c’est-à-dire s’il n’est pas en crise, les assistantes sociales peuvent effectivement  proposer aux familles des structures : il s’agit de pouvoir faire une pause en cas d’épuisement ou de maladie d’un parent. Il y en a malheureusement encore peu et sans doute manquent-elles de visibilité. Ce que l’on appelle aujourd’hui un « séjour de rupture » par rapport à la maison ou l’établissement est encore souvent un séjour hospitalier. Cette possibilité, si elle offre un répit pour la famille, peut en revanche concourir à déstabiliser l’adulte autiste. En effet, tout changement implique une adaptation, or, lorsqu’il s’agit d’une mesure temporaire, la préparation reste malaisée pour une personne autiste.

 

 

Interview du Pr Dominique Fiard, psychiatre, responsable du Centre expertise autisme adultes (CEAA) de Niort et président du groupe de pilotage des recommandations.

 
Quelles sont les pratiques recommandées pour l’accompagnement des adultes autistes ?

Les pratiques recommandées touchent un grand nombre de domaines et, de ce fait, sont difficiles à exprimer en quelques lignes : elles forment une très importante base de connaissances à disposition pour les interventions autour de l’adulte autiste. Dans ces recommandations, la personne autiste est au centre, quel que soit son niveau de développement. Même si elle possède de faibles moyens de communication et d’interactions, il faut essayer de les susciter. Les approches  comportementales, neuro-développementales ou neurocognitives sont dans ce cadre considérées comme indispensables. Par ailleurs, il est demandé aux accompagnants de s’adapter à la personne autiste et non l’inverse. Nous ne devons pas demander en premier lieu cet effort à la personne autiste.

 

Comment les médecins peuvent-ils se coordonner avec les autres acteurs de l’accompagnement de l’adulte autiste?

L’anticipation des démarches est la clé d’une bonne coordination autour de processus d’acculturation, d’affiliation de tous les acteurs, notamment médicaux. Il faut encourager encore un peu plus les partenariats. Par exemple, des échanges réguliers entre les centres ressources autisme (CRA), les structures médico-sociales et les familles sont extrêmement contributifs : des démarches de compléments d’évaluation conjointes, notamment par des équipes mobiles auprès des familles, peuvent se révéler très précieuses pour comprendre les différences observées entre le domicile et l’institution et être plus efficace dans l’accompagnement.

 

Comment personnaliser au maximum les parcours de vie en structures spécialisées ?

Les recommandations prônent une moindre prégnance du collectif et des centres de petite capacité. Les prises en charge et les accompagnements singularisés, tout comme le soin apporté à la structuration des espaces de vie, avec des aménagements particuliers en termes de sensorialité par exemple, sont positifs. Aujourd’hui, on peut encore constater un essaimage ou une visibilité insuffisante des parcours de vie. Afin que ceux-ci soient mieux maîtrisés, il faut pouvoir faire des offres cohérentes et claires : encourager les systèmes d’information et proposer des coordinations à un niveau permettant que les moyens dont on dispose soient bien identifiés et gradués, en tuilage. D’une manière générale, il ne faut pas de « trou » dans le maillage mais une continuité entre les différents éléments du parcours. Plus spécifiquement, il est toujours important de s’assurer que lorsqu’une personne autiste change de milieu de vie, elle ne perde pas ses compétences et que le milieu soit prêt à exploiter ces compétences. D’après moi, dans les partenariats, la volonté de travail en synergie est déterminante et  les aspects techniques seront partagés secondairement, avec la pratique.

 

Sur qui, sur quoi reposent l’épanouissement et la prise d’autonomie de la personne autiste adulte ?

Sur un accompagnement adapté qui correspond d’abord aux envies de la personne et qui concerne des acteurs divers en cohérence : rôle des parents, des fratries, des aides médico-psychologiques, des éducateurs spécialisés, etc. Si la position prise par cet ensemble environnemental est satisfaisante, on la maintient ; si elle ne l’est pas, on la corrige et on prend d’autres voies ! C’est au quotidien que cela va se jouer : par exemple, si je pose une question à une personne autiste, peut-être faut-il que j’attende un peu plus longtemps que pour une personne neurotypique, ne serait-ce que 30 secondes, pour obtenir sa réponse. Cette notion de place faite à la personne en situation de handicap nécessite une posture collective telle que l’évoque Pascal Jacob dans son modèle d’ « école de l’autonomie ».

 

Comment percevez-vous l’évolution de l’attention portée aux adultes autistes ?

Depuis que je me suis engagé dans la démarche auprès de l’adulte autiste, la situation m’apparaît évoluer très favorablement. Bien entendu, à un niveau individuel, l’accompagnement ou la prise en charge peut montrer à certains endroits des défaillances et de nombreuses familles expriment des difficultés. Mais d’un point de vue global, les progrès du système sont très nets.

 
Aticle rédigé par Citizen press

 

____________

* L’Agence nationale de l’évaluation de la qualité des établissements sociaux et médico-sociaux (Anesm) a rejoint la HAS avec ses équipes et ses missions. Désormais, la HAS interviendra aussi dans les champs du social et du médico-social : évaluation des établissements, élaboration de recommandations pour l'inclusion sociale, la protection de l’enfance, l’accompagnement des personnes handicapées et des personnes âgées.  

 
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