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"Au bonheur d'Elise"
28 novembre 2018

Témoignage -> L’inclusion d’élèves autistes en Belgique : analyse d’une réussite

article publié sur Ecole et handicap

Classe enfants autistes

L’inclusion réussie d’élèves avec TSA (Troubles du Spectre Autistique) en Belgique : analyse du fonctionnement d’une réalisation fondée sur le co-enseignements et la collaboration des intervenants. Suivons le témoignage de la mère de Wilfried.

Wilfried est né en mars 2001 en Belgique. Après une longue errance médicale, il a été diagnostiqué porteur de troubles autistiques (Asperger) à près de 5 ans. Il avait un langage d’un enfant de 18 mois, il ne croisait pas le regard, il portait des langes jour et nuit et il ne mangeait que des produits laitiers. L’école ordinaire l’acceptait mais cela se passait mal.

Une classe adaptée à l’autisme

Nous avons choisi de déménager pour aller dans une région où il y avait beaucoup de classes à pédagogie adaptée à l’autisme dans l’enseignement spécialisé. Wilfried a fait sa rentrée à l’école spécialisée de Beloeil (dans le Hainaut) en janvier 2006. À Pâques de la même année, il parlait couramment, il était propre et mangeait des aliments solides.

Deux années plus tard, il avait rattrapé tout son retard et ne pouvait plus y rester, l’école ne scolarisant que des élèves avec déficience intellectuelle. Mais ses problèmes sociaux restaient tellement importants qu’ils ne nous permettaient pas d’envisager sereinement une scolarité dans une école ordinaire. Aussi, nous avons choisi de l’inscrire dans une autre école spécialisée à Brugelette, qui scolarisait aussi des enfants sans déficience intellectuelle.

Une expérience d’inclusion scolaire : un projet de co-enseignement

Dès sa première année et au vu de ses progrès, la directrice et son équipe nous ont proposé de participer à une expérience d’inclusion l’année suivante.

À la rentrée scolaire, Wilfried retourna donc dans l’enseignement ordinaire… mais avec l’aide du spécialisé. Cette expérience, menée par le scientifique Philippe Tremblay (professeur à l’Université Laval, à Québec) consistait à faire collaborer deux écoles, l’une ordinaire et l’autre spécialisée, dans un projet de co-enseignement. Dans une classe de l’enseignement ordinaire, un groupe de 6 à 8 enfants à besoins éducatifs particuliers est intégré, et deux enseignants, dont l’un est spécialisé, s’occupent à plein temps de toute la classe. Les enfants inclus ont en plus un soutien paramédical.

La collaboration entre les intervenants 

La particularité de ce dispositif scolaire est donc sa richesse des moyens d’inclusion (permanente), comme la collaboration entre les intervenants : enseignants ordinaires, enseignants spécialisés, directions d’écoles, coordinateur du projet d’intégration, logopède (orthophoniste en France, psychomotricien, psychologue), centre psycho-médico-social ordinaire et son homologue spécialisé. Il est à retenir que, contrairement à la France, tous ces personnels dépendent du ministère de l’Éducation, et les soucis d’acculturation sont donc bien moindres que lorsqu’il s’agit de faire collaborer du personnel médico-social avec du personnel enseignant dans une école française.

En travaillant ensemble, on apprend les uns auprès des autres

Au contact du personnel spécialisé, le personnel de l’enseignement ordinaire apprend à différencier sa pédagogie, à l’adapter, à l’individualiser à l’élève. Mais aussi à l’élève qui n’est pas en intégration et qui peut ainsi profiter d’une pédagogie différenciée lors de problèmes passagers ou plus durables. L’enseignant ordinaire apprend aussi à repérer les signes qui peuvent amener la famille à entreprendre une démarche diagnostique et il peut sans attendre mettre en place des pratiques de remédiation.

Au contact du personnel ordinaire, le personnel spécialisé apprend à travailler au rythme, aux échéances et aux exigences de l’enseignement ordinaire. Les deux apprennent à fonctionner en tandem. On pourrait dire en imageant que tandis que l’un « tire » la classe, l’autre « la pousse ».

Les grands bénéficiaires sont les enfants

Être à deux permet aussi de travailler par moments en 2 groupes distincts, par exemple sur une matière. À cette occasion, l’enseignant spécialisé et le personnel paramédical intervenaient auprès des élèves en difficulté, qu’ils fassent partie de l’intégration ou pas. L’enseignant ordinaire s’occupait des élèves non en difficulté, qu’ils soient des élèves tout-venant ou intégrés.

La présence permanente d’au moins deux adultes dans la classe permet aussi de fortement diminuer les problèmes de discipline, notamment avec des élèves présentant des troubles du comportement.

Des enseignants réticents au départ, mais bientôt motivés

Dans l’étude de Philippe Tremblay, on s’aperçoit aussi, après les réticences du début quant à « partager » son autorité dans la classe pour l’enseignant ordinaire (les enseignants spécialisés étant tous volontaires pour cette expérience d’intégration), que très vite vient l’appréciation de la richesse du duo ; on observe même que les absences professionnelles deviennent bien plus rares que quand l’enseignant est seul dans sa classe ; la motivation pour le métier connaît un regain. Comme on a pu le voir dans un reportage d’une télévision locale sur le dispositif d’inclusion à Brugelette, tous les enseignants interrogés à ce sujet jurent qu’ils ne voudraient plus revenir en arrière.

Les parents participent aussi

Outre cette collaboration entre professionnels, le partenariat avec les parents et l’enfant est aussi au centre de cette intégration, notamment par le biais du Plan Individuel d’Apprentissage réévalué tous les trois mois et élaboré en collaboration avec tous les acteurs, plus les réunions trimestrielles parents-enseignants et les rendez-vous sur demande.

Ce fut un épanouissement pour Wilfried. Il se mit à manger avec bel appétit. Il se fit de très bons amis. Ponctuellement, lorsque nous étions confrontés à un problème de sensibilité exacerbée, d’inattention ou de réaction problématique, nous prenions avec l’équipe éducative des dispositions pour y remédier.

Au fil des années, nous constations des améliorations dans les domaines où il éprouvait des difficultés : les relations, l’autonomie, le rythme… Ses bulletins scolaires étaient excellents.

Aujourd’hui, c’est toute l’école qui est inclusive

L’année scolaire 2013-2014 fut la dernière année de primaire pour Wilfried. Aujourd’hui, l’expérience n’en est plus une, le co-enseignement se poursuit et toute l’école est inclusive. Tous les élèves de la classe de Wilfried ont obtenu leur Certificat d’études de base (CEB) qui sanctionne la fin des 6 années d’enseignement primaire en Belgique. C’est donc un chiffre de 100 % de réussite pour l’école, quand la moyenne nationale a été la même année de 86 %.

Il est important de souligner que cette inclusion bénéficie à tous les enfants, qu’ils soient en intégration ou pas. Les deux enseignants s’occupant de tous les élèves, la remédiation à leurs difficultés quelles qu’elles soient, ainsi qu’en amont le dépistage de ces difficultés, sont si bien assurés qu’aucun enfant dans ces classes inclusives ne connaît l’échec scolaire, qu’il soit « inclus » ou « accueillant ».

Et pour peu qu’on accepte le partage de cette expérience, elle peut devenir un exemple pour tous.

La maman de Wilfried – novembre 2018

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