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"Au bonheur d'Elise"
10 janvier 2019

Film La faim des fous: les heures sombres du handicap mental

La 2nde Guerre mondiale a été particulièrement meurtrière pour les personnes handicapées mentales. Dans les "asiles", elles sont négligées et meurent de faim. Le film "La faim des fous" livre le témoignage de leurs descendants, en quête de réponses.

9 janvier 2019 • Par Cassandre Rogeret / Handicap.fr

 

Illustration article

Considérées comme des « aliénés », maltraitées, dénutries et parfois jetées dans la fosse commune… Les personnes handicapées ou souffrant de maladie mentale n'ont pas été épargnées par les ravages de la Seconde Guerre mondiale. Entre 1940 et 1945, on estime que plus de 45 000 d'entre elles ont perdu la vie, la plupart affamée. Le 10 décembre 2016, François Hollande inaugure une stèle en leur mémoire, place du Trocadéro, à Paris (article en lien ci-dessous). Un premier pas vers la reconnaissance de ces oubliés de l'histoire… Aujourd'hui, leurs descendants tentent de découvrir ce qui leur est arrivé pour leur redonner un semblant d'humanité. Frère, petite-fille ou nièce lèvent le voile sur des décennies de secrets bien gardés dans un film au titre évocateur : La faim des fous. Un documentaire touchant et percutant, réalisé par le journaliste Franck Seuret.

Crise alimentaire

Sous l'Occupation, la pénurie alimentaire fait rage. En 1940, le maréchal Pétain met en place la carte de rationnement. Les Français sont alors contraints de se nourrir avec 1 200 calories par jour, contre les 2 400 nécessaires. Les personnes handicapées mentales possèdent également cette carte mais, enfermées dans des « asiles », sont très peu nourries. Au paroxysme de la crise alimentaire, le taux de mortalité dans les hôpitaux psychiatriques atteint 22 %, voire 38 % dans les cas les plus extrêmes, contre 6 à 9 % en temps normal. « A l'époque, quand on rentrait à 'l'asile', on savait qu'on n'en sortirait plus », déplore Goty Clin, directrice du musée d'Histoire de la psychiatrie de Clermont-de-l'Oise (Oise). Face à cette hécatombe, les psychiatres demandent une augmentation des rations mais le régime de Vichy refuse une première fois, avant de céder.

Sur les traces de leurs ancêtres

Près de 80 ans plus tard, des petits-enfants racontent l'histoire de leurs grands-parents, décédés par manque de soins et déterrent des sujets tabous. Comme beaucoup d'autres, Hélène Guerrier est morte de cachexie, amaigrissement extrême, à l'hôpital psychiatrique de Clermont-de-l'Oise, en 1942. Après avoir hésité durant de nombreuses années, sa petite-fille, Isabelle Gautier, a décidé d'entamer des recherches pour savoir ce qui lui était arrivé. « Ça fait partie de mon identité, j'ai besoin de savoir. Ma grand-mère, comme tous ces pauvres gens, n'aurait jamais dû mourir. » Dans le film, elle mène l'enquête et rencontre plusieurs experts afin de « regarder les choses en face » pour ensuite pouvoir « aller de l'avant ».

Des morts-vivants

Au fil du documentaire, les héritiers découvrent avec désarroi les conditions de vie de leurs aïeux. La faim était omniprésente, de nombreux malades pesaient moins de 35 kilos, comme en témoignent plusieurs photos. Des images insupportables mais nécessaires pour la majorité d'entre eux. « Les secrets entraînent des conséquences pour les générations suivantes donc j'ai fait ces recherches d'abord pour elle, pour la reconnaître en tant que grand-mère, mais aussi pour moi, mes enfants et mes petits-enfants », explique Claudie Bardet. « Ces gens étaient des morts-vivants… La honte était bien présente dans tout le milieu hospitalier car, nous, nous ne mourions pas de faim », raconte la fille du médecin-chef de l'hôpital de Maréville (Meurthe-et-Moselle) de l'époque, avant de révéler des anecdotes troublantes sur la consistance des aliments livrés aux pensionnaires de l'hôpital. Un « crouton de pain noir nauséabond », rempli de « magma visqueux », « que ma famille et moi n'avons jamais pu goûter », précise Françoise Beaudoin, émue aux larmes.

Ne jamais oublier

Exterminés en Allemagne car jugés « inutiles » et « faibles » par le régime d'Hitler, « ils sont morts dans l'indignité et l'oubli », déplore Max Lafont, psychiatre. Selon lui, « il faut continuer à militer » pour que cette page de l'histoire soit « inscrite dans les manuels scolaires ». Ne jamais oublier… C'est animé par ce même devoir de souvenir que l'anthropologue Charles Gardou a souhaité édifier une plaque commémorative en leur honneur à Paris. « Un pan de notre histoire avait été oublié, il fallait reconnaître ce passé et donner un signe au présent », explique-t-il en évoquant une « société tentée par la hiérarchisation des vies : les unes anodines car fragilisées par la maladie ou le handicap, les autres, éminentes, choyées et célébrées… ».

Après plusieurs projections à travers la France (Montpellier, Caen, Lyon, Clermont-de l'Oise…), le film sera présenté à la mairie de Paris le 17 janvier, à 18h, et suivi d'un échange avec Roselyne Touroude, vice-présidente de l'Unafam (Union nationale des familles et amis de personnes malades ou handicapées psychiques), et Jacques Marescaux, président de la fédération Santé mentale France.

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