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"Au bonheur d'Elise"
5 février 2019

De nouvelles pistes pour expliquer l'autisme

Yann Verdo / JournalisteLe 02/02 à 14:00Mis à jour à 14:06
A l'Autism Behavorial Center, en Floride, un enfant de trois ans, atteint du syndrome d'Asperger, joue dans une piscine à balles. Un moment de détente faisant partie de sa thérapie pour l'aider à surmonter son trouble neurodéveloppemental. - Tampa Bay Times/ZUMA/REA
SCIENCES - Une étude française vient remettre en cause le modèle théorique dominant concernant les anomalies cérébrales à l'origine du fonctionnement mental atypique des personnes avec autisme. Mais la recherche n'en continue pas moins d'avancer…

Les progrès des neurosciences en général, et de l'imagerie cérébrale en particulier, permettront-ils un jour aux chercheurs de percer le mystère de l'autisme ? Bien malin qui pourra le dire. Le fait est que, à mesure que la prévalence de ce trouble neurodéveloppemental augmente inexorablement dans la plupart des pays développés (lire ci-dessous), les études se multiplient. Découvertes et hypothèses se succèdent à un rythme accru, ouvrant tantôt de nouvelles pistes, en fermant tantôt d'autres, remettant parfois en cause le peu que l'on croyait savoir...

Il y a deux ans, une étude parue  dans « Nature » et conduite par l'Américaine Heather Hazlett, du département de psychiatrie de l'université de Caroline du Nord, avait établi que les enfants dont le cerveau grossissait plus vite que la moyenne au cours de leur première année de vie avaient davantage de risques d'être diagnostiqués comme autistes à l'âge de deux ans.

Le fait que les enfants autistes aient souvent un cerveau plus volumineux que la moyenne avait déjà été décrit par le passé. Mais la cause de cette croissance cérébrale atypique, qui s'arrête brutalement au bout de quelques années, demeurait jusqu'ici une énigme. Celle-ci vient peut-être de trouver un début d'explication avec une nouvelle étude parue le 7 janvier dernier  dans « Nature Neuroscience » .

Leurs auteurs, dirigés par Simon Schafer du Salk Institute (La Jolla, Californie), se sont intéressés à la croissance des cellules nerveuses elles-mêmes. Pour ce faire, ils ont prélevé à des personnes autistes et non autistes des cellules de peau, avant de les transformer in vitro en cellules souches neurales - le « moule » dont sortiront, ensuite, tous les types de cellules nerveuses : neurones, cellules gliales (assurant la nutrition et l'entretien des neurones), etc. Ils ont constaté que les cellules nerveuses provenant de personnes souffrant d'autisme se développaient plus rapidement que celles des non-autistes, devenaient plus grosses, se dotaient d'excroissances plus élaborées.

Phénomène sous-jacent également mis en lumière par les chercheurs américains dans la même étude, les gènes responsables de cette neurogenèse s'expriment plus vite et plus tôt dans les cellules provenant de personnes autistes. La raison en serait liée à une différence au niveau de la chromatine, cette structure au sein de laquelle l'ADN se trouve empaqueté et compacté. Cette chromatine serait plus ouverte et plus facilement dépliable chez les autistes, accélérant d'autant le processus génétique responsable de la neurogenèse.

Connectivité

L'enquête progresse, donc... Mais il arrive aussi que les nouvelles études remettent en cause certaines théories laborieusement construites. C'est le cas de celle réalisée par une équipe de chercheurs français dans le cadre d'une collaboration entre la Fondation FondaMental, l'Inserm, l'institut NeuroSpin du CEA et l'hôpital Henri-Mondor, et dont les résultats remarqués ont été publiés en novembre dernier  dans la revue « Brain » .

Pour cette étude, les chercheurs ont pu bénéficier des données exceptionnellement complètes et détaillées de la cohorte InFoR-Autism, elle-même fruit d'une collaboration entre la Fondation FondaMental, l'Inserm et l'Institut Roche. Un autre atout décisif a été la récente mise au point, à NeuroSpin, d'un atlas modélisant très précisément, chez les non-autistes, les connexions dites à courte distance, reliant les neurones de zones adjacentes du cerveau.

Dans le cerveau, la couche de matière grise, constituée des neurones, surmonte une couche de matière blanche, formée par les faisceaux d'axones permettant aux neurones, proches ou distants, de communiquer entre eux. Les neuroscientifiques savent depuis quelque temps déjà que ce trouble neurodéveloppemental qu'est l'autisme est, essentiellement, un trouble de la connectivité.

Sur la foi de précédentes analyses d'imagerie, un modèle théorique s'était peu à peu imposé pour expliquer la spécificité du fonctionnement mental des autistes, et notamment leur moindre « cognition sociale », terme sous lequel les spécialistes regroupent des facultés telles que notre capacité à nouer et entretenir des relations sociales harmonieuses mais aussi à reconnaître et comprendre les sentiments et émotions de l'autre, c'est-à-dire notre empathie. Les faibles scores généralement obtenus par les autistes aux tests de cognition sociale auraient pour base anatomique, disait ce modèle théorique, un déficit de connexions longue distance, reliant deux à deux des zones éloignées du cerveau, déficit associé à un excès de connexions courte distance. En particulier, expliquait-on, la difficulté des autistes à appréhender une situation dans son ensemble et leur tendance à se focaliser sur des détails proviendrait d'une saturation d'informations traitées par leur cerveau, elle-même liée à cet excès de connexions courte distance.

Oui, mais voilà. Ce modèle explicatif ne résiste pas à une analyse plus poussée de la connectivité cérébrale des autistes. Pour l'étude parue dans « Brain », les chercheurs ont utilisé une méthode d'imagerie plus adéquate que celles précédemment employées : l'IRM de diffusion (IRMd), permettant de visualiser le déplacement des molécules d'eau le long de la gaine de myéline enveloppant les axones. « Il est alors possible, par un procédé mathématique appelé 'tractographie', de reconstituer très finement les trajets des faisceaux de matière blanche », explique Marc-Antoine d'Albis, psychiatre à Henri-Mondor et principal auteur de l'étude.

Un déficit à explorer

Or, si le déficit de connexions longue distance paraît acquis - il a été confirmé par une précédente étude de la même équipe -, il n'en va pas de même de l'excès supposé de connexions courte distance. En comparant leurs tractogrammes à l'atlas établi par les chercheurs de NeuroSpin, les auteurs de l'étude ont au contraire constaté un... déficit de connexions courte distance. Du moins s'agissant de 13 des 63 faisceaux répertoriés et modélisés dans l'atlas.

« La force de notre étude, c'est qu'elle montre une corrélation entre, d'une part, ce déficit de connexions courte distante et, de l'autre, le déficit de cognition sociale que l'on observe chez la plupart des personnes avec autisme », commente Marc-Antoine d'Albis. Reste que, comme il le dit lui-même, ce résultat n'est, à l'heure actuelle, nullement généralisable à tous les autistes, l'étude de « Brain » n'ayant porté que sur des adultes de sexe masculin et dits « autistes de haut niveau » parce que maîtrisant le langage. D'autres investigations seront à conduire, notamment sur les enfants, pour savoir si cette anomalie de la connectivité à courte distance est bien un trait spécifique de l'autisme, et non un simple effet de l'âge ne se rencontrant que chez les adultes.

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