L'IGAS (inspection générale des affaires sociales) a pondu, comme c'est sa mission, un rapport sur l'AEEH (allocation d'éducation de l'enfant handicapé). Mieux, elle l'a publié. Il est très technique, mais que serait l'IGAS sinon ? Et bien que technique, il est d'excellente facture.
Il rejoint les critiques des associations, de ce que nous rencontrons tous les jours sur le terrain :
- difficultés à comprendre les différents compléments ;
- articulation délicate avec la PCH et l'AJPP ;
- hétérogénéité d'application entre les départements ;
Revue sur quelques points essentiels ou de détail.
Evolution des compléments d'AEEH
Le rapport préconise, en option 1, une séparation entre les compléments qui tiennent compte du recours à une tierce personne (parent ou salarié) et ceux qui tiennent compte des frais.
Cela assurerait une meilleure lisibilité des décisions de la CDAPH et des droits à l'AEEH.
Le rapport propose donc qu'il y ait :
- un complément par rapport à la réduction d'activité des parents (ou à l'embauche d'un salarié) ;
- un autre complément lié aux frais .
Cette proposition me semble simple à mettre en œuvre et de nature à faciliter les décisions des CDAPH et la compréhension de leurs décisions.
L'IGAS propose de rendre le complément lié à la réduction d'activité des parents proportionnel à cette réduction, en supprimant les effets de seuil. C'est tout à fait justifiable et faisable, la question se portant parfois sur 1 % de temps partiel. Il me semble qu'il faudrait aussi que la CNSA diffuse, comme CNAF et CCMSA, des modalités d'appréciation du temps partiel ou de l'absence d'activité. Au niveau des prestations familiales, il y a des règles pour les assistantes maternelles, pour les employés de maison, pour les entreprises n’appliquant pas les 35 heures, pour les tresseurs d'échalottes etc … Par souci de cohérence, il faudrait que les mêmes règles s'appliquent pour les compléments d'AEEH dans les décisions de la CDAPH.
L'information
L'IGAS insiste à juste titre sur la nécessité d'une meilleure information des bénéficiaires potentiels.
Curieusement, elle se plante à deux reprises au moins sur les conditions d'ouverture du droit à l'AEEH. Comme c'est dans des notes en bas de page, il lui sera facilement pardonné.
Note 3 page 13, page 41 note 27: erreur sur les conditions d'ouverture du droit à l'AEEH lorsque le taux de handicap est compris entre 50 % et moins de 80 %. La condition de suivi par un service d'éducation spéciale ou de soins à domicile a été supprimée par la loi de 2005.
Malheureusement, c'est une erreur commune, qui se retrouve sur les sites et dépliants d'information des CAF et MSA !! Depuis longtemps, la CNAF et la CCMSA en ont été averties, mais n'ont toujours pas mis leurs sites à jour, alors que le site service public l'a fait en moins de 3 jours.
L'AEEH peut être attribuée lorsqu'il y a des mesures d'accompagnement (comme l'octroi d'un.e AVS, ce qui est un mode d'entrée très fréquent dans la prestation) ou des soins considérés comme justifiés par la CDAPH.
Voir Post Scriptum
Le rapport reproduit un tableau de la direction de la sécurité sociale sur les montants et conditions d'ouverture du droit à l'AEEH et ses compléments. J'avais fait un tableau semblable pour le site internet de la MSA d'Armorique quand j'y travaillais, mais ce qu'on appelle la rationalisation (que pas une page internet soit différente) l'a fait disparaître. Le webmestre d'Asperansa a fait une page mise à jour tous les ans.
Il est vraiment dommage qu'il n'y ait pas d'applicatif disponible permettant aux parents de simuler leurs droits potentiels à l'AEEH, ses compléments, la PCH, l'AJPP et les autres prestations possibles.
Complément d'AEEH, AJPP et PCH aide humaine
Avec beaucoup de mérites, l'IGAS a voulu résumer dans deux schémas les conditions d'attribution de différentes prestations (AEEH, PCH, AJPP).
L'une d'elles a échappé : c'est le complément libre choix d’activité de la PREPARE (pour une enfant de moins de 3 ans), qui est cumulable avec la PCH aide humaine.
Mais l'articulation de l'AJPP avec les autres prestations ne me semble pas complètement décrite.
Page 28 : En effet, dans le cas d'attribution de l'AJPP et de droit à un complément d'AEEH, l'organisme débiteur (CAF ou MSA) compare chaque mois le montant du, et verse la prestation d'un montant le plus élevé. Cela ne pose pas de problème, car c'est automatisable et l’information figure dans les fichiers de l’organisme débiteur.
Par contre, lorsqu'il y a attribution de la PCH aide humaine (ce qui se fait à titre rétroactif), cela supprime le droit à l'AJPP, à titre rétroactif. Outre les problèmes posés par l'absence de compensation légale entre un rappel de PCH payé par le Conseil Départemental et un indu notifié par la CAF ou la MSA – mais qui peut faire l'objet localement d'arrangements - , il peut se faire que l'AJPP soit d'un montant supérieur à la PCH aide humaine. Cela implique donc de ne pas faire de demande de PCH aide humaine tant qu'un droit est ouvert à l'AJPP, et que la MDPH admette ensuite une révision du dossier quand l'AJPP est terminée.
Il serait préférable de permettre au parent allocataire de choisir l'AJPP jusqu'à la fin de la période de droits possibles, et que la PCH aide humaine prenne ensuite le relais (comme le complément d'AEEH).
Je ne suis pas d'accord avec la deuxième option proposée par l'IGAS, conduisant à supprimer l'AJPP pour les enfants handicapés.
Il y aurait ainsi deux régimes pour les personnes en congé de présence parentale : un régime plus favorable s'il s'agit d'une maladie ou d'un accident « provisoire » par rapport à un handicap qui a un caractère plus permanent. Difficilement justifiable.
Mais le premier danger que j'y vois est de dissocier le congé de présence parentale (improprement appelé congé parental ou congé parental d'éducation dans le rapport, alors que ce congé ne concerne que les enfants de moins de 3 ans) de l'AJPP. Sous prétexte que c'est permanent, l'indemnisation devrait être plus faible ?
Que l'AJPP soit relayée par un complément d'AEEH ou la PCH ne pose pas problème. Le premier problème est que le congé de présence parentale (que l'employeur ne peut refuser) n'est pas suivi , au-delà de 14 mois à temps plein ou de 310 jours sur 3 ans, d'autres droits à congé, ce qui entraîne la démission du parent concerné.
Le code du travail prévoit que l'employeur doit prendre en compte les aménagements d'horaires liés aux obligations familiales du salarié, mais c'est une disposition trop floue pour avoir des effets significatifs. Il faudrait que des dispositions, applicables dans toutes les entreprises, soient prévues : si l'entreprise a été obligée de s'adapter pendant 3 ans, elle devrait pouvoir le faire dans les années suivantes.
Quand on compare droit à l'AJPP et à un complément d'AEEH, on constate d'abord que pour l'AJPP, il est fait mention d'un handicap d'une particulière gravité. Quand un médecin-conseil de la CPAM ou de la MSA s'oppose, à titre rétroactif, au versement de l'AJPP, il est possible que c'est sur cette notion qu'il se base, mais on ne peut pas le savoir, parce que ces avis ne sont pas motivés ni communiqués au parent concerné, contrairement aux principes généraux de la motivation des décisions des organismes de sécurité sociale.
L'AJPP a un avantage : elle est très souple à mettre en œuvre. L'allocation peut être versée sans attendre un avis favorable d'un médecin (il y a un délai maximum pour qu'un médecin s'oppose). Alors que la décision de la MDPH prendra beaucoup plus de temps. Et surtout, tant qu'il n'y a pas d'opposition dans les délais d'un médecin de la CPAM ou de la MSA, c'est à la personne de déterminer son temps d'absence (il est beaucoup plus aléatoire de savoir quel complément sera décidé par la CDAPH).
Je ne vois pas d'inconvénient à maintenir le régime actuel concernant l'AJPP, si ce n'est les modalités avec la PCH.
La retraite des parents
La mission IGAS n'a pas voulu se pencher sur le sujet. Page 19 note 18 : il est noté qu'il y a problème sur le complément. A mon avis, c'est le taux de 80 % qui pose problème.
Il faut distinguer majoration de trimestres et AVPF (assurance vieillesse des parents au foyer).
Pour l'AVPF , CAF et MSA doivent verser des cotisations retraite chaque année à la CNAVTS. Les règles ont été assouplies récemment (2011 + suppression des de conditions de ressources de la famille, temps partiel possible). Une condition reste : taux de 80 % de handicap. C'est assez incohérent, car si un complément (au moins de catégorie 2) a été attribué en fonction d'une réduction d'activité d'un parent, il serait logique que ce parent bénéficie d'une cotisation supplémentaire à l'assurance vieillesse (de base, pour les régimes complémentaires, c'est aussi à voir).
A noter aussi que l’affiliation à l'AVPF pour un enfant ou un adulte handicapé se fait à partir du trimestre civil qui suit le moment où les conditions d'attribution sont réunies. Quand l'AEEH est versée pour les périodes de retour au foyer (il y a deux modalités : mois par mois si l'allocataire le demande, ou de façon groupée chaque année), j'ignore comment les organismes font l’affiliation.
Ayant fait ma carrière en MSA, je sais que l'affiliation des parents d'un enfant handicapé n'est pas automatisée, et qu'elle n'est pas réalisée la plupart dfu temps. Il suffirait de comparer par caisse les statistiques de parents d'enfants ayant l'AEEH (avec un taux de 80%) et de ceux qui sont affiliés à l'AVPF à ce titre pour s'en rendre compte.
La mention d'un complément est, elle, prévue pour la majoration de trimestre des parents d'un enfant handicapé. Prises par leur élan, CNAVTS et service Prestations Vieillesse de la CCMSA ont écrit que la condition était remplie lorsqu'il y avait un complément d'AEEH, alors qu'il faut strictement en plus un taux de 80 %. Il faut faire avec cette interprétation – ou plus simplement modifier la loi.
Pour le réexamen des droits à l'AVPF, il ne faut pas hésiter à contacter CAF et MSA pour faire revoir les droits, sans qu'il soit question de prescription. Mais la première démarche est de vérifier auprès de sa caisse régionale vieillesse quels sont les droits inscrits dans son compte individuel.
Pour obtenir des trimestres supplémentaires, à partir du moment qu'un élément de preuve est fourni, les caisses de retraite acceptent des déclarations sur l'honneur sur la période considérée. Contrairement à ce qu'elles disent souvent, MDPH, CAF et MSA ont des archives qui permettraient de prouver le droit : elles sont tenues de répondre, au titre de la loi informatique et libertés et de la loi d'accès aux documents administratifs, si elles ont conservé documents ou fichiers.
PCH, impôts et RSA
Le rapport se prononce, comme l'IGAS l'avait déjà fait, pour que la PCH aide humaine ne soit pas imposable.
Le législateur l'a écrit dans la loi . Mais l’administration des impôts a considéré que cela devenait un revenu de l'aidant familial (qui est le même – son parent - quand elle est versée pour un enfant), et donc un bénéfice non commercial non professionnel.
Mieux, elle considère que c'est un revenu du patrimoine, pour la CSG et RDS. D'où l'augmentation de 1,7 % de la CSG prévue l'année prochaine !
Mais l’inventivité de l'administration des impôts est égalée par la CNAF et la CCMSA. Celles-ci, dans la douceur de l'été 2012, ont décidé, sans tambour ni trompette, d'aligner la prise en compte de la PCH aide humaine des enfants sur celle des adultes pour le calcul du RSA.
Depuis 1988 (RMI), il n'est pas tenu compte du complément d'AEEH pour le calcul du RSA. Logiquement, lorsqu'en 2008, il y a eu possibilité d'option entre complément d'AEEH et PCH, cela a été reconduit. Et puis, en 2012, cela a été subrepticement modifié.
Aucune information publique ne le signale pour permettre aux personnes concernées de choisir en conséquence.
Cela se complique avec la prime d'activité : le dédommagement aidant familial n'est pas considéré comme un revenu d'activité par les impôts, par la sécurité sociale, mais il y a application de la pente de 62 % pour le RSA et la prime d'activité !
Une chatte n'y retrouverait pas ses chiots.
Le Conseil d’État a mis les choses au point cette année. On a connaissance d'un référé de tribunal administratif dans le même sens. Mais malgré l'intervention d'un cabinet ministériel, la CNAF continue à donner la consigne de faire prendre en compte la PCH aide humaine pour le calcul du RSA.
AEEH, PCH et ASE
Lorsqu'un enfant est « confié» à l'Aide Sociale à l'Enfance, celle-ci peut demander à la CAF ou à la MSA de percevoir un pro-rata des allocations familiales concernant cet enfant. Elle ne peut pas demander de percevoir d'autres prestations familiales que ces allocations.
Si la famille a conservé des « liens affectifs », elle conserve le droit aux autres prestations. Le but est de faciliter les liens entre l'enfant et sa famille d'origine.
Mais une zone de non-droit s'est créée, où chaque organisme décide de verser ou non les prestations suivant sa conception de leur objectif.
Lorsqu'un enfant est pris en charge par l'ASE, il y a notamment deux situations :
- placement en famille d'accueil (qu'il soit volontaire ou judiciaire);
- placement en établissement.
Dans le deuxième cas, les règles semblent être claires : versement de l'AEEH pour les périodes de retour au foyer, versement de la PCH établissement.
Dans le premier cas, il me semble que l'AEEH et la PCH doivent continuées à être versées à la famille, en tenant compte néanmoins des règles applicables.
La législation prestations familiales prévoit le maintien des droits aux autres prestations1 lorsque l'enfant garde des liens affectifs. D'autre part, lorsque le parent finance des soins ou autres, on ne peut considérer que l'enfant est pris en charge complètement par l'aide sociale à l'enfance. Dans ce cas, toutes les conditions sont réunies pour le maintien des droits à l'AEEH et à ses compléments.
En théorie pourtant, l'Aide Sociale à l'Enfance doit prendre en charge tous les soins : mais il n'est pas difficile d'imaginer que pour des enfants autistes, elle ne le fasse pas !
A noter le caractère ridicule d'un maintien d'un complément d'AEEH pour les périodes de retour au foyer, en raison des soins pris en charge par les parents – ce qui conduit à ne les indemniser que très partiellement (par exemple 2/7ème des frais).
Sur l'impact d'un placement en famille d’accueil d'un enfant sur la durée d'activité d'un parent, on imagine mal qu'un parent puisse du jour au lendemain retrouver une activité grâce à ce placement, tout en restant disponible pour accueillir de nouveau l'enfant, ce qui est l'objectif premier de l'ASE.
Pour la PCH, cela peut être plus simple. La PCH aide humaine (hors PCH établissement) est versée en fonction du nombre de jours réels dans la famille, les autres éléments de la PCH étant versés pour les parents s'ils assurent les dépenses.
La CNSA aborde aussi la question des droits des familles d'accueil, qui font parfois des choses exceptionnelles !
Pour le dire comme le Président de la République, mettre un enfant en famille d'accueil, c’est foutre le bordel dans les prestations ...
Renouvellement des droits
Il est dommage que les stats des MDPH ne distinguent pas les délais pour l'attribution des premiers droits de ceux pour les renouvellements.
Je rigole d'ailleurs (jaune) d'apprendre que les délais affichés concernent ceux entre le dossier recevable et celui de la décision. Le délai réel est entre l'envoi du dossier et le paiement de la prestation !
Les organismes débiteurs avertissent en général 6 mois avant qu'il faut demander le renouvellement de l'AEEH ou de l'AAH. Cela devrait devenir obligatoire : c'est trop tentant de supprimer cette information, génératrice de courriers ! Les Conseils départementaux devraient aussi le faire, pour la PCH. A moins de confier cette information aux MDPH.
CAF et MSA peuvent maintenir l'AAH en attente d'une décision de la CDAPH. Il est dommage que ce ne soit pas possible pour l'AEEH.