L’histoire est déjà belle, mais il aimerait l’écrire à sa manière. Rodrigue Massianga, jeune autiste de 24 ans, a été découvert par hasard sur une piste d’athlétisme alors qu’il courait pour son plaisir. Trois ans plus tard, le Lachenois vise une qualification aux Jeux paralympiques de Rio, l’an prochain. Son rêve brésilien s’appuie sur du concret : l’an passé, l’Isarien a décroché des médailles d’or au 100 et 200 mètres aux championnats de France de sport adapté, et la médaille d’argent aux championnats du monde indoor sur 60 mètres. Rodrigue Massianga était aussi lauréat au championnat d’Europe avec deux médailles d’or, une d’argent et une de bronze.
« Le jour et la nuit »
Mais participer aux Jeux paralympiques nécessite de lever nombre d’obstacles. Dont celui de pouvoir s’entraîner dans un centre de sport adapté. La Picardie ne compte pas de club labellisé par la Fédération française de sport adapté (FFSA). C’est en 2012 que le jeune homme de Lassigny a pu adhérer au club d’Antony (Hauts-de-Seine), qui dispose d’entraîneurs qualifiés. C’est par ce club qu’il décroche ses premières médailles. En octobre 2012, Rodrigue était admis au Pôle France du Centre régional d’expertise et de performances sportives (Creps) de Reims. Cela fait beaucoup de déplacements, de Lassigny à Antony : « C’est cinq heures de trajet quatre fois par semaine, pour un entraînement de deux heures et demie. Et chaque mois, il part quatre à cinq jours au Creps de Reims, souligne la mère de Rodrigue, Adeline. J’ai fait des demandes de logement à Antony et dans les communes proches. » Les déplacements incessants grèvent le budget familial et elle n’a pas hésité à interpeller le préfet de l’Oise et la Présidence de la République pour détailler l’urgence de la situation.
Car depuis qu’il fréquente assidûment le milieu sportif, le jeune autiste a pris de l’assurance, et il peut même être très volubile lorsqu’il s’agit de décliner les résultats de compétitions. On ne parlera pas du football, autre passion de cet athlète… « Cela a vraiment donné un réel but à sa vie. Il s’est senti valorisé, utile, témoignait Adeline Massianga, l’an dernier. Grâce à l’athlétisme, il y a désormais une voie pour lui, un projet d’avenir. Même s’il n’est pas sorti de l’autisme, c’est le jour et la nuit entre le Rodrigue que l’on a connu et celui de maintenant. Il s’exprime mieux. »
La démonstration n’est pas difficile. Il suffit d’interroger son fils sur ses performances : « Je suis le seul à arriver au temps minimum de 50 secondes pour le 400 mètres, affirme-t-il avec assurance. Lors du meeting de Châlons-en-Champagne, j’ai fait un temps de 51 minutes et 95 secondes. » Lui-même n’en revient toujours pas d’avoir été appelé à la tribune lors de la cérémonie des vœux du maire, Thierry Frau, en 2013 et en 2014 : « J’étais un peu surpris d’être appelé à la tribune, et que M. Frau rappelle toutes mes résultats. Il m’a demandé d’expliquer ma carrière sportive et l’histoire de mon trophée décerné par le ministre, il y a deux ans, au milieu d’autres sportifs à l’Insep (ndlr : l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance, à Vincennes). Et aussi de rester avec tous les élus… » Pas un souci pour Rodrigue Massianga, qui ne se laisse pas intimider facilement : au sprint, il a déjà obtenu un titre départemental chez les valides.
De notre correspondant Jacques Swynghedauw