Pr Christian Andrès, chef du laboratoire de biochimie de l’hôpital Bretonneau et chercheur à l’unité Inserm 1254 Imagerie et cerveau.

Pr Christian Andrès, chef du laboratoire de biochimie de l’hôpital Bretonneau et chercheur à l’unité Inserm 1254 Imagerie et cerveau.
© Photo NR

Appétit, stress, inflammation, immunité… Le microbiote ouvre un nouveau champ des possibles pour la recherche en santé. Le sujet intéresse les chercheurs depuis une vingtaine d’années.

Le microbiote était au cœur de la journée thématique organisée par l’association Biotechnocentre le 28 juin. L’enjeu : catalyser les énergies scientifiques en région pour s’emparer de ce sujet d’avenir. Explication du Pr Christian Andrès, chef du laboratoire de biochimie de l’hôpital Bretonneau et chercheur à l’unité Inserm 1254 Imagerie et cerveau.

Qu’est-ce que le microbiote ?

« C’est un ensemble de micro-organismes qui vit avec nous. Il est intéressant par le nombre de cellules, dix à vingt fois plus élevé que nos cellules. Cela implique notamment qu’une grande partie des molécules dans lesquelles nous baignons ne sont pas de nous, et qu’une partie des réactions chimiques dans notre corps se fait grâce aux bactéries. »

Depuis quand la science s’y intéresse ?

« Depuis que l’on a trouvé le moyen de séquencer du génome, il y a une vingtaine d’années. C’est la seule manière de connaître ces bactéries que l’on ne sait pas cultiver. L’idée qui a fait son chemin est une vision écologique, selon laquelle nous sommes dans un bain d’interactions continues. »

On prête au microbiote des facultés notables pour notre bien-être, comme la régulation de l’appétit, du stress, de la fatigue… Est-ce scientifiquement validé ?

« Il y a des choses indiscutables, comme son rôle sur l’appétit et la régulation du poids, son impact sur les problèmes inflammatoires, des réactions immunitaires. Il y a eu aussi des démonstrations très convaincantes, menées à l’Inra de Nouzilly, sur la réduction du stress chez les cailles. Certaines de ces expériences peuvent être reproduites, mais il faut se méfier des entreprises privées qui fabriquent des pilules avec des extraits de ce qu’il faudrait pour modifier tel ou tel facteur… Il faut rester prudent, il ne suffit pas de prendre telle bactérie pour obtenir tel effet : il est question de tout un éco-système. »

Selon vous, pourquoi le microbiote a gagné une telle popularité : on en parle jusque dans les magazines féminins !

« Il s’agit de quelque chose que l’on peut bien imaginer même lorsque l’on n’est pas scientifique. Quand on raconte que des bactéries dans le tube digestif peuvent influencer des choses, cela peut sembler évident. C’est vrai pour l’appétit ou l’inflammation, aussi pour le comportement ou la psychiatrie. C’est un peu le complément au tout génétique qui prédominait jusqu’ici. »
Cet engouement saisit-il aussi la communauté scientifique ? « Il y a une explosion de publications et de financement sur cette thématique de recherche : il y a de vraies perspectives thérapeutiques. Il reste encore beaucoup de travaux à mener. A Tours, nous avons un projet en lien avec l’autisme à l’unité Inserm 1253 Imagerie et cerveau, en partenariat avec le Liban. »

A quelle échéance peut-on espérer des perspectives thérapeutiques, ou de prévention ?

« Ce serait plus dans une perspective de prévention, peut-être d’ici cinq ou dix ans. Mais personne n’est devin ! »