Il s'appelle Olivier Meynier. Il est né le 28 décembre 1976 à 16 h 40 à Limoges. « Très tôt, se souvient Jean-Claude, son papa, nous avons pris conscience qu'il y avait un problème. Olivier était différent des autres enfants. C'est un pédopsychiatre parisien qui a prononcé pour la première fois le mot "autisme" ». Élisabeth, sa maman, prend les choses en main. Elle le fait travailler à la maison avec l'aide d'étudiants. « On ne pouvait pas penser qu'il n'y avait rien, confie-t-elle. Il était toujours avec des revues, il dormait avec le dictionnaire… ». Mais face au mutisme d'Olivier, le doute s'installe. Même si, ses parents ne le savent pas encore, Olivier lit et comprend à une vitesse vertigineuse.
Une 2 e naissanceEn 1997, un professeur de mathématiques, père d'un enfant autiste, va intégrer Olivier à la Faculté des Sciences de Limoges, comme auditeur libre. Il ne peut pas écrire mais il tape ses notes avec un facilitant, quelqu'un qui guide ses gestes, pas sa pensée. Une "découverte" qui va changer sa vie.
« La communication facilitée m'a offert une deuxième naissance, ouvert à la vie. C'est une méthode formidable qui permet aux êtres privés de langage de s'exprimer sur un clavier d'ordinateur. Moi, je suis le facilité et c'est moi et moi seul qui m'exprime, qui écris mes pensées, mes réflexions, mes souhaits, mes accords et désaccords ». À la Faculté des Sciences, Olivier va ainsi enchaîner une première année de deug "sciences et techniques", une deuxième année de deug "sciences de ma matière", une licence de "sciences physiques", une maîtrise de "sciences physiques" et en 2004, un master recherche 2 e année "circuits, systèmes, micro et nano technologies pour les communications hautes fréquences et optiques". Un parcours qui l'a comblé, même s'il n'a pas été simple.
« Être étudiant à part entière quand on est autiste non verbal comme moi relève de l'exploit ! Malgré tout, ces années passées à l'université ont été pour moi particulièrement enrichissantes. J'ai gagné la confiance des autres et j'ai fortifié une confiance en moi qui était tellement fragile ».
Un besoin de partageC'est sans doute cette confiance gagnée qui a conduit Olivier à écrire un livre, "Croisière en solitaire sur le voilier autiste" (*) qui vient de paraître aux éditions Thélès. Un livre bouleversant dans lequel il évoque son besoin d'échanger, de partager. « Ce livre, écrit-il, n'a pas pour objectif d'être seulement une autobiographie. Il me permet de créer des ouvertures. Peu importe pour moi que ce soient de petites lucarnes ou de grandes fenêtres. L'important, c'est que je puisse communiquer avec un grand nombre de lecteurs pour agrandir mon horizon qui, jusque-là était bouché. L'écriture d'un livre permet d'avoir une place sur le grand échiquier de la vie ».
Sa place, Olivier ne l'a pas encore totalement trouvée. Son avenir l'angoisse. Il sait qu'il « ne fondera pas de famille, que jamais une compagne ne partagera sa vie avec lui, que son avenir dépend de sa famille passée et actuelle ». Il aimerait gagner sa vie tout seul, être autonome. « Quand on est dépendant, explique-t-il, la souffrance est liée à une absence de liberté. Je n'en peux plus d'être redevable. J'ai besoin de partager ».
Le partage, Olivier l'a trouvé grâce au livre. Il a créé avec le lecteur un lien privilégié. Ce qu'il souhaite, c'est que quelques lecteurs n'en restent pas qu'au niveau de la lecture et aient l'envie ou l'audace de communiquer avec lui. « Je serai humble et sincère, confie-t-il. Répondre comme questionner représente un engagement. Et dans un engagement, il y a des risques à assumer… ». Olivier sait qu'il devra faire face à des paroles critiques, à des remarques cinglantes, à des questions agressives, mais il sait aussi que sa fragilité peut devenir une grande force. « Répondre sur le clavier me prouve que j'ai ma place dans la société, me prouve que j'ai un rôle à tenir fièrement, me prouve que j'existe pleinement et me prouve que je suis un chercheur en humanisme ».
Une porte ouverteEn attendant, avec ce livre, Olivier Meynier a peut-être trouvé le déclic. Il a aimé écrire. Une dépendance est née. Peut-être un métier : « Écrire pour soi, pour le travail, est une nécessité maintenant dans ma vie. La communication facilitée m'a offert, fait l'incommensurable cadeau, le plaisir de tenter l'audace de vivre pour moi autiste ».
(*) "Croisière en solitaire sur le voilier autiste", d'Olivier Meynier. Éditions Thélès.
Anne-Sophie Pédegert
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