Non, Madame Ferrari, nous ne sommes pas des parents déboussolés
Publié le Béatrice Bolling on 27 novembre 2010 • Catégorie Actualités
Nous sommes un certain nombre ici et ailleurs à avoir écrit
au directeur de l’Université de Paris 7 pour lui exprimer notre vive
indignation face au DU Autisme que propose son université.
Même si les associations nationales sont restées muettes à ce sujet,
les réseaux de parents, l’échange de liens de blogs, la force des
plateformes internet ont joué leur rôle et c’est aujourd’hui plus de 30
lettres par jour qu’il reçoit à ce sujet.
Cette action a été suffisamment vive pour que s’organise, dans le
camp adverse, une riposte, qui se veut vigoureuse puisque ces chers
psychanalysants, dont la sagacité n’a d’égale que l’étendue de leurs
connaissances en matière d’autisme, croient voir en notre action
spontanée une attaque de Lea pour Samy, leur « bête noire ».
Je ne vais pas reproduire ici in extenso le mail qui a été diffusé à
cet effet, même si certains passages larmoyants à la gloire de Chantal
Lheureux sont particulièrement savoureux, je vais m’en tenir à une
phrase, une seule, qui en quelques mots définit, à mon sens très
exactement ce qu’est l’approche psychanalytique de l’autisme, et en
quelle estime elle tient l’implication des parents dans l’éducation de
leurs enfants. Je cite donc:
(…) Son mode d’action est bétonné: des contacts en haut lieu, au ministère de la santé, et une avalanche de lettres de parents douloureusement déboussolés qui, très militants, croient trouver ainsi un moyen « d’agir » contre l’autisme (…)
Alors, Madame Ferrari, je vais être très claire:
Je ne suis pas une mère déboussolée. C’est votre
boussole, Madame, qui ne tourne pas rond. Ma boussole est orientée vers
le Nord, un Nord qui indique la direction que suivent tous les experts
internationaux de l’autisme, un Nord que le document de cadrage des
prises en charge de l’autisme de la Haute Autorité de la Santé a plutôt
bien développé, un Nord duquel seule la France des prises en charge
psychodynamiques et psychanalytiques se détourne sans vergogne.
Oui, Madame, je suis très militante, et je le serai
tant qu’il restera dans ce pays des ateliers pataugeoire à la Anne-Marie
Latour, ou des théories fumeuses sur le rôle de la lecture du conte des
Trois Petits Cochons dans l’émission de gaz au sein d’un groupe
d’enfants autistes. Je le serai tant qu’un pédopsychiatre pourra parler
de complexe de Peter Pan à des parents qui viennent rechercher des
solutions pour éduquer leur enfant autiste. Je serai militante jusqu’au
bout pour que les parents français aient le choix de la prise en charge
de leur enfant, et puissent si tel est leur bon vouloir avoir accès à
l’ABA, à TEACCH, au PECS, parce que ce sont des prises en charge
éducatives et comportementales unanimement reconnues, et qui – elles –
évoluent et ne sont pas figées depuis 50 ans dans l’inefficacité et les
masturbations intellectuelles autour de l’encapsulage volontaire, de
l’émergence du désir et autres fumisteries.
Je serai militante, Madame, parce que je ne comprends pas comment on
peut laisser des parents se demander – seuls – si leur enfant autiste
non verbal pré-adolescent pourrait bénéficier d’une prise en charge
orthophonique. Je serai toujours militante, Madame, lorsque je lirai une
maman qui pleure chaque soir de savoir son fils de 10 ans enfermé dans
un IME, gavé de neuroleptiques (pas moins de 4 différents), avec comme
cerise sur le gâteau un anxiolytique pour prendre le taxi qui le ramène
en fin de semaine à la maison. Je suis et resterai militante tant que je
verrai ce que j’ai vu de la brillante réussite des prises en charge à
la française, que ce soit dans le film de Sandrine Bonnaire, ou récemment sur une chaine de télévision.
Je ne cherche pas à agir contre l’autisme, Madame, je cherche à éduquer mon fils autiste,
comme je le fais avec mon fils neurotypique, c’est-à-dire en l’aidant à
surmonter ses faiblesses, et à s’appuyer sur ses forces. L’autisme
n’est pas une tare, Madame. J’apprend à mon fils à faire avec l’autisme,
positivement, parmi nous tous neurotypiques, en lui faisant comprendre
comment nous fonctionnons, afin qu’il puisse exprimer sa singularité
confortablement sans, sans cesse, se demander quelles sont les règles
qui nous régissent, comment discriminer chaque élément de son
environnement.
Enfin, Madame, je ne suis pas dans la douleur. Je
suis dans l’action, dans l’engagement, dans la relation, dans
l’affection, dans la confiance, dans l’optimisme et l’émerveillement,
avec mon fils, mon mari et mon fils aîné. Nous pouvons l’être, car notre
Stanislas a la chance unique, et malheureusement trop rare, d’avoir
une prise en charge éducative et comportementale, une scolarité
« normale » avec une équipe pédagogique sensationnelle, un suivi
orthophonique et psychomoteur en libéral, bref, tout ce qui faut pour en
faire un gosse heureux de vivre, qui s’épanouit totalement, et qui,
nous en sommes désormais certains, trouvera sa route. Si toutes les
familles qui le souhaitent pouvaient avoir accès à la même prise en
charge, le parcours serait moins rude.
C’est pour toutes ces raisons Madame, que je dénonce ce DU, parce que
j’en ai gros sur le cœur de voir des familles qui attendent sur le bord
de la route qu’un professionnel valable les aide, et que pendant que
des jeunes psy seront dé-formés à Paris 7, l’argent public ne sera pas
consacré à créer un DU orienté vers les approches comportementales et
éducatives.
http://autismeinfantile.com/informations/actualites/non-madame-ferrari-nous-ne-sommes-pas-des-parents-deboussoles/