par Steven Higgs
Pendant
que l’attention du pays se focalise sur la pandémie du H1N1 qui fait
rage, d’autres signes d’une épidémie plus insidieuse, accueillis par un
haussement d’épaule tout à fait prévisible des grands médias, sont
apparus. Les conclusions de deux études fédérales annoncées en octobre,
indiquent que les parents ont au moins une chance sur cent d'avoir un enfant atteint d'un trouble du spectre autistique (TSA). Comme les garçons sont quatre fois plus touchés, leurs chances grimpent jusqu’à 1 sur 60.
Le 2 octobre, Kathleen Sebelius, secrétaire de Health and Human Services
(HHS, Services de santé et à la personne) a déclaré à la presse et à
environ 50 membres de la communauté de l'autisme, qu'une étude inédite
du CDC (Centres de contrôle et de prévention des maladies) montre que
l'incidence du TSA chez l’enfant de 8 ans né en 1996 était de 1 sur
100. Les deux dernières études de l’agence sur les enfants nés en 1992
et 1994 évaluait cette incidence à 1 sur 150.
Le 5 octobre, la revue Pediatrics
a publié le résultat du « Sondage national de 2007 sur la santé des
enfants » du Bureau de la Santé Infantile du HHS. Il montre que, chez
les enfants de 3 à 17 ans, 1 sur 91 est autiste.
Le
TSA inclue les troubles autistiques, le syndrome d'Asperger et les
troubles envahissants du développement non spécifiés autrement
(PDD-NOS), caractérisés par des déficits tout au long de la croissance,
dans le domaine social, comportemental et dans les qualités
relationnelles. Selon le CDC, les gens atteints de TSA « ont
d’importantes déficiences de qualités sociales et relationnelles. Ils
ont souvent un comportement répétitif et des intérêts inhabituels. »
Les
données de l’enquête nationale sur la santé des enfants sont issues du
sondage téléphonique de 78.000 parents, qui ont déclaré que leur enfant
avait été diagnostiqué et a toujours un TSA. Bien que la méthodologie
ait été critiquée, les résultats ne sont pas très éloignés de ceux
d'autres rapports récents.
Dans
l'Indiana, un État énormément empoisonné par un taux d'autisme
relativement élevé, les données communiquées au ministère de
l'Enseignement local par chacun de ses réseaux scolaires publics, ont
montré dans les trois dernières années des pointes dans le nombre
d'enfants inscrits dans l'enseignement spécial de la catégorie
« autiste. » Le gouvernement fédéral exige que ces données soient
appelées Données du Dénombrement des Enfants.
« L'année
dernière, 1 étudiant sur 128 remplissait les conditions de la catégorie
du TSA, » a déclaré, pour un article au printemps dernier, Cathy Pratt,
directrice du Centre de ressources de l'Indiana et présidente de la
Société nationale de l'autisme d'Amérique. « Le taux déterminé cette
année est de 1 sur 113. »
En juin, Cathy Pratt a signalé les derniers chiffres dans un courriel au journal Bloomington Alternative :
« Maintenant, les Données du Dénombrement des Enfants donnent 1 sur
101. » Dans un autre courriel la semaine dernière, elle a confirmé son
chiffre : « Ce sont les dernières données que j'ai. »
***
Comme l’a observé le blogueur David Kirby du journal Huffington Post
dans sa rubrique du 9 octobre, la réaction des grands médias aux
dernières données du CDC a été « plutôt nonchalante. » Mais les
implications des nouveaux chiffres sont tout sauf banales. Comme le dit
Kirby, auteur du best-seller Evidence of Harm: Mercury in Vaccines and the Autism Epidemic: A Medical Controversy (Preuve de nuisance : Mercure dans les vaccins et épidémie d'autisme : Une controverse médicale), ils sont « effrayants. »
L’amélioration
de la méthode de diagnostic et la modification des critères [de test de
l’autisme] ont longtemps compliqué un débat national parfois
incendiaire sur l'autisme, sa fréquence et ses causes.
Publiée en 1994, la 4ème édition (DSM-IV) de Diagnostic and Statistical Manual of Mental Health Disorders
a élargi les critères du TSA afin d’inclure l'Asperger et les PDD-NOS.
De cette manière, les 0,44 cas d’autisme sur 1000 naissances que le
ministère californien de la Santé a déterminé en 1980, par exemple, ne
peuvent être comparés rigoureusement aux études du CDC qui indiquaient
un taux de 6,7 et 6,6 pour 1000 en 1992 et 1994. Les sujets
californiens furent diagnostiqués avant la mise à jour du DSM-IV, les
sujets du CDC après [ndt : c’est curieux, cela implique que la mise à
jour publiée en 1994 était déjà en vigueur en 1992].
Mais
le nouveau rapport de 1 pour 100 chez les enfants nés en 1996 apparaît
comme une comparaison raisonnable. Les trois groupes de sujets ont été
déterminés avec les mêmes critères de diagnostic. Et, bien que l'étude
actuelle ne sera pas publiée avant la fin de cette année, il ne semble
pas que le CDC ait modifié sa méthodologie.
Et
il est rapporté que la réponse des fonctionnaires fédéraux aux nouveaux
chiffres évoque le drame. Dans son article du 5 octobre, Age of Autism,
Kirby décrit l’appel de Kathleen Sebelius à la communauté de l'autisme
comme une « causerie téléphonique organisée à la hâte, » au cours de
laquelle elle a annoncé que le « caractère généralisé de l'autisme
pourrait être encore plus important que ce qui était estimé
auparavant. »
La
secrétaire a ensuite un peu évité de se compromettre (« Nous ne savons
pas si ça a augmenté, et nous espérons pouvoir lever ces mystères. »),
a déclaré que l'autisme est un « défi urgent de santé publique, » et a
« promptement mis fin à sa causerie, » toujours selon Kirby.
Associated Press
a signalé le 5 octobre que le CDC avait annoncé le constat inédit du 1
sur 100 « au cours d'une conférence de presse mise sous embargo, » en
réponse à la publication du taux de 1 sur 91 du sondage sur la santé
des enfants.
Le
Dr Thomas R. Insel, directeur de l'Institut national de santé mentale
et président du Comité de coordination interagences de l’autisme, a
fourni plus de détails.
Dans une interview au Chicago Tribune,
il a fait une remarque précautionneuse, semblable à celle de Sebelius.
« À quoi est due l’augmentation n'est pas très clair, » a-t-il dit.
« On ne sait pas si plus d'enfants sont affectés ou si ce ne sont que
les changements dans nos possibilités de les déceler. »
Une autre interview avec un journaliste médical d’Associated Press
a donné plus à réfléchir. « Le souci ici, c’est que, enfouie sous ces
chiffres, il y a une véritable hausse, » a dit Insel. « Nous allons
devoir réfléchir très sérieusement sur ce que nous allons faire pour le
1 sur 100. »
***
Personne
ne sait ce qui provoque l'autisme, et encore moins ce qui est
responsable de la preuve statistique de la flambée du nombre de cas.
« Honnêtement, si quelqu'un devait donner une conférence sur
l'étiologie de l'autisme, ce serait pure spéculation, » selon le Dr
Christopher McDougle, chercheur sur l'autisme et président du
département de psychiatrie de l’école de médecine de l’Université de
l'Indiana. « Il n'y a rien qui soit connu. »
La
recherche a porté sur les causes périnatales et prénatales, a-t-il dit,
parce que les symptômes autistiques apparaissent entre un an et un an
et demi. Les dommages fœtaux suspectés incluent les torts liés aux
médicaments, le développement anormal du cerveau pour cause génétique
ou les infections. Les facteurs contributifs à la naissance pourrait
être la prématurité, le manque d'oxygène au cerveau, un accouchement
prolongé ou des infections. Peu de temps après la naissance, il y a les
infections ou les causes environnementales.
Selon
McDougle, un nombre croissant de chercheurs pensent que l'autisme est
déclenché par « contact environnemental » chez les individus
prédisposés génétiquement.
Kirby
compte parmi ceux qui affirment que la pollution de l'environnement est
la cause probable de l'épidémie d'autisme. Les responsables fédéraux de
la santé, qui ont amené l'Associated Press à annoncer,
« Une plus grande sensibilisation, des définitions plus larges et le
repérage de l'autisme chez les enfants, pourrait expliquer en partie
cette augmentation, » se sont égarés, a-t-il affirmé.
« Certains
ont qualifié de « bonne nouvelle » le fait que les médecins soient
aujourd’hui aussi compétents dans le diagnostic des formes de TSA plus
bénignes, » a écrit Kirby dans le Huffington Post...
Beaucoup me diront alarmiste, mais je pense qu’un jeune garçon sur 60
souffrant d'un trouble du spectre autistique est une crise nationale,
et pas seulement une confirmation rassurante de la façon dont les
choses ont toujours été. »
De
plus, a-t-il ajouté, gober cet argument c’est accepter la conclusion
qu’un homme sur 60, jeunes et vieux, a un TSA. « Croyez-vous vraiment
qu’un homme sur 60 soit autiste ? » a-t-il demandé.
Pour
Kirby, l'augmentation parallèle de la pollution environnementale et du
taux d'autisme sont liés. Et les fonctionnaires fédéraux doivent
réorienter leur attention en conséquence.
« Ils
ne semblent pas comprendre que l'augmentation du niveau d’exposition
aux toxiques environnementaux chez les enfants génétiquement
prédisposés pourraient aussi être en jeu ici, » a-t-il écrit dans le Huffington Post.
« Je pense personnellement que les toxiques comme le mercure peuvent
déclencher le TSA chez les enfants. Ces expositions toxiques sont à la
hausse, et il en est de même de l'incidence du TSA. »
Article original en anglais: www.counterpunch.com/higgs11022009.html, le 2 novembre 2009.
Traduction : Pétrus Lombard
Articles de Steven Higgs publiés par Mondialisation.ca