La loi Vieillissement donne une assise légale aux maisons de l’autonomie : cela aura-t-il un impact sur les MDPH ?
En réalité, l’article 82 de la loi sur les maisons de l’autonomie (MDA) est, à mes yeux, un non événement. De nombreux départements ont déjà leur MDA, certains même depuis longtemps. Il n’existe pas de modèle, elles sont à géométrie variable : d’un modèle laissant toute son autonomie à la MDPH au modèle le plus intégré. La loi se contente d’ouvrir une possibilité de lancer une MDA, mais sans création d’une personne morale : les MDPHresteront des groupements d’intérêt public, ce qui vise à rassurer les associations qui, de droit, siègent dans leur commission exécutive. Mais cela reste formel, tout dépend de la manière de faire vivre la co-contruction, qui est l’un des éléments fondamentaux de la loi handicap du 11 février 2005. En revanche, le conseil départemental qui s’appuiera sur un cahier des charges fixé par un futur décret pourra demander une labellisation par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Là aussi, ce n’est qu’une possibilité.
Mais, pour moi, le « gros morceau » de la loi Vieillissement, c’est la mise en œuvre d’un système d’information (SI) commun aux MDPH, prévue aux articles 70, 73 et 75. Le mot rassurant est « commun », car, disons-le tout net, nous revenons de loin : il a été un temps question d’un SI unique national en lieu et place des SI locaux actuellement déployés ! Ce n’était ni réaliste, ni adapté.
En quoi êtes-vous rassuré par un SI commun plutôt qu’unique ?
Il faut faire un retour en arrière. A leur création, les MDPH, placées sous la tutelle administrative et financière des départements, ont repris et étendu les missions des anciennes Commissions technique d’orientation et de reclassement professionnel et Commissions départementales de l’éducation spéciale qui relevaient de l’Etat. Tout naturellement, la responsabilité de leur système d’information a été confiée aux directeurs de MDPH au niveau local. Parallèlement, la loi handicap du 11 février 2005 a prévu la création concomitante, sous l’égide de la CNSA, d’un SI partagé pour l’autonomie des personnes handicapées (Sipah) qui devait permettre de consolider les remontées de données au niveau national pour aider à la construction d’une politique publique du handicap. Près de 10 ans après, le Sipah est un échec car trop ambitieux dans son contenu : réunir toutes les données des MDPH n’était ni pertinent ni réalisable. Les progrès rendus possibles par la loi et par l’arbitrage qui vient d’être rendu sont prometteurs : il faut donner à ce chantier une chance d’aboutir plutôt que se lancer dans un projet d’une ampleur démesurée.
Mais ne fallait-il pas justement passer à la vitesse supérieure ?
Les remontées statistiques nationales sont une chose, certes importante, mais les SI locaux des MDPH doivent avant tout permettre de maintenir, sans interruption, et même d’accroître, la capacité de traitement des centaines de milliers de dossiers qui leur sont transmis chaque année. Le SI MDPH est avant tout un outil de production. Heureusement, Ségolène Neuville, la secrétaire d’Etat aux personnes handicapées, a entendu les inquiétudes de notre association : nous allons évoluer, par paliers, vers des SI harmonisés, ce que confirmera le décret d’application, prévu à l’article 75 de la loi qui dit que les MDPH doivent utiliser un SI commun, interopérable avec les SI des départements, ceux de la Caisse nationale d’allocations familiales et ceux de la CNSA. Le premier palier interviendra en 2016. Cette harmonisation doit permettre de définir une norme nationale pour les principales données utiles au pilotage des politiques publiques et doit à tout prix éviter l’écueil de vouloir « normer » les procédures métier.
Autre texte, autre mesure importante : le plan d’accompagnement global mis en place par le projet de loi Santé ne va-t-il pas provoquer une véritable révolution culturelle au sein des MDPH ?
Je ne dirais pas cela, mais il provoque de grosses inquiétudes, c’est certain. L’article 89, anciennement 21 bis, s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre des préconisations du rapport Piveteau « Zéro sans solution », dont nous partageons le bien-fondé. Le projet de loi pose le principe d’une double orientation au sein du Plan personnalisé de compensation avec :
- En premier ressort une réponse « sans contrainte de l’offre » et uniquement en fonction des besoins et du projet de vie de la personne en situation de handicap, une réponse « idéale » en quelque sorte ;
- En second ressort, une réponse « aménagée » via le Plan d’accompagnement global (PAG) qui devient un nouveau droit et est mis en œuvre :
- en cas d’indisponibilité ou d’inadaptation des réponses connues ;
- en cas de complexité de la réponse à apporter, ou de risque ou de constat de rupture du parcours de la personne.
Les balises sont imprécises et le périmètre du PAG nous inquiète : toutes les personnes en situation de handicap vont pouvoir y prétendre dès lors qu’elles n’auront pas la réponse « idéale », ce qui est malheureusement le plus souvent le cas ! Nous risquons d’assister à une explosion des demandes. Et les MDPH seraient incapables d’y faire face faute de moyens financiers et humains, d’autant que les simplifications promises par le gouvernement et sensés désengorger notre activité se font attendre. Il faut aussi souligner qu’il s’agit d’une nouvelle mission pour les MDPH, particulièrement exigeante sur le plan qualitatif. Or aucun moyen n’est prévu pour assurer la mise en œuvre du PAG contrairement, par exemple, au dispositif MAIA pour les malades d’Alzheimer.
Le projet « Une réponse accompagnée pour tous » mis en œuvre dans 23 départements pionniers n’est-il pas à même de circonscrire les situations dans lesquelles s’inscrira le PAG ?
Les résultats seront intéressants à regarder, c’est certain, mais on est dans le trompe-l’œil. Les « pionniers » n’ont pas vocation à expérimenter mais constituent la « première vague » de déploiement.
Désormais la loi est écrite, et si les services de l’Etat parlent d’obligation de moyens (obligation de tout faire pour aboutir à l’élaboration d’un PAG), ma conviction est faite : les MDPH auront une obligation de résultats. Les personnes en situation de handicap et les familles saisiront la justice et feront condamner, et l’Etat – comme c’est le cas actuellement à l’initiative de parents d’enfant autiste – et les MDPH, si le PAG ne peut être mis en œuvre ou ne les satisfait pas… parce que la loi fait du PAG un droit opposable sans que les moyens soient donnés aux MDPH pour atteindre l’ambition louable qui le sous-tend. L’enfer est pavé de bonnes intentions !
Focus
Amendement Creton : près de 6000 jeunes adultes
L’amendement Creton permet le maintien de jeunes adultes dans les établissements pour enfants handicapés, dans l’attente d’une place dans une structure adaptée pour adultes. Selon une étude de la Drees publiée le 4 janvier 2016, près de 6000 jeune bénéficiaient de ce dispositif en 2010 : 1000 de plus qu’en 2006 lors de la précédente enquête. Les deux tiers ont 20 ou 21 ans.Ils représentent 5,6 % des publics accueillis en instituts médico-éducatifs, établissements pour enfants et adolescents polyhandicapés et établissements pour déficients moteurs, avec des handicaps plus lourds que la moyenne ou avec déficience associée.
Focus
Plus d’une demande sur dix concerne les plus de 60 ans
Selon une étude statistique de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) publiée le 5 janvier, près de 14 % des demandes déposées en 2014 auprès des MDPH concernaient des personnes de 60 ans ou plus. Selon la législation actuelle, les MDPH s’adressent pourtant aux moins de 60 ans, mais avec une exception de taille : l’attribution aux plus de 60 ans des cartes
- d’invalidité ;
- de priorité ;
- de stationnement.
Ces cartes constituent donc plus d’une demande sur dix !
En matière de simplification, l’association des directeurs de MDPH plaide pour une évaluation des critères d’éligibilité concomitante avec les évaluations réalisées dans le cadre de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA). Il s’agit de désengorger les MDPH de leurs tâches administratives pour renforcer l’accompagnement des personnes.