article publié sur politique.net le 2 décembre 2010
Revue de presse
publié le jeudi 2 décembre 2010 à 22h14
A-t-on atteint "le summum de l'immoralité politique"
? Souvenez-vous, c'était le 2 mai 2007, pendant le débat du second tour entre Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal.
La candidate socialiste s'emportait à propos de la scolarisation des
handicapes car Sarkozy avait trouvé scandaleux que certains ne puissent
pas être scolarisés faute de crédits suffisant alors que le gouvernement
auquel il avait participé avait plutôt eu tendance à les diminuer.
Si, ce soir-la, Royal s'était trompée (le nombre d'enfants handicapes
scolarises avait augmenté, même sous Chirac), l'échange avait constitué
le temps fort du débat. Et Nicolas Sarkozy avait fait une promesse : "Je veux dire à toutes les familles (...) que je ferai une place à chacun de leurs enfants dans les écoles"
. C'est ainsi que la scolarisation des enfants handicapés devint une priorité nationale.
Sauf que trois ans plus tard, Le Canard enchaîné du 24 novembre 2010 révèle que le gouvernement a diminué les crédits pour scolariser les enfants handicapés avec pour conséquence immédiate la fin de la scolarisation à de nombreux enfants.
Fonctionnement du système de scolarisation des enfants handicapés
Depuis la loi du 11 février 2005 sur l'égalité des chances, la scolarisation des enfants handicapés en milieu scolaire "ordinaire"
,
c'est-à-dire dans les établissements classiques, est devenu un droit
ordinaire. Depuis cette loi, dans chaque département, une Maison des
enfants handicapés confie à une commission d'experts le soin d'évaluer
les besoins d'un enfant. Le dossier est ensuite transmis à l'Education
nationale, qui doit mettre à disposition un auxiliaire pour
l'accompagnement scolaire. Voilà le principe de la scolarisation des
enfants handicapés, tel qu'il est défini par cette loi.
Le flou administratif qui encadre le statut des auxiliaires de vie scolaire
Si le texte de loi est précis, la mise en œuvre de cette mesure est
beaucoup plus floue, tout simplement parce que le statut d'auxiliaire de
vie scolaire (AVS) chargé d'assurer l'accompagnement des handicapés
n'est pas défini : il s'agit parfois de CDD payé au smic horaire,
d'autres sont recrutés par Pole Emploi et ont le statut d'assistants
d'éducation (non-titulaire de la fonction publique). Dans d'autres cas,
l'AVS est sous contrat-aidé ("contrat d'insertion", "contrat d'accompagnement à l'emploi"
).
Ce flou administratif a pour première conséquence un turn-over très
élevé qui empêche souvent l'enfant de s'habituer à son accompagnateur.
Autre problème du système : dans cette jungle administrative, il est
impossible d'avoir une gestion rationnelle des AVS et une vision globale
du dispositif. Et cette opacité tombe plutôt bien au moment où le
gouvernement décide de bloquer les crédits alors que la demande explose.
Aujourd’hui, il est impossible d'avoir le chiffre exact des élèves
handicapés déscolarisés à cause de la recherche d’économies.
Septembre 2010 : des "milliers d'enfants handicapés" privés d'école
D’après Le Canard enchaîné, "des milliers d'enfants handicapés
sont privés d'école depuis la rentrée, en septembre dernier. L'Education
nationale a cessé de payer leurs "auxiliaires de vie scolaire", qui les
aident en classe, les assistent à la cantine, etc. En
Seine-Saint-Denis, 90 enfants attendent une assistance, 200 autres se
désolent dans le Finistère, et une cinquantaine se morfondent dans
l'Ain. De simples exemples, car aucun chiffre sérieux relatif au nombre
des laissés-pour-compte en France n'est avancé, tant par les
associations que par le ministère"
.
Pourquoi tous ces enfants se retrouvent-ils sur le carreau ? Tout simplement parce que l'enveloppe AVS pour 2010 est vide. "Aucun poste n'est plus créé ni renouvelé, et ceux qui existent sont rognés, une heure par-ci, une heure par-là"
indique Le Canard. Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat, a reconnu à demi-mots cette situation en expliquant le 9 novembre dernier qu'il existait "des tensions sur le terrain"
.
Une vraie litote pour décrire ce qui est en train de se passer :
multiplication des recours auprès des tribunaux administratifs,
pétitions, manifestations et gestes désespérés de certaines familles. Le
Canard cite l'exemple d'une mère de famille qui s'est menottée à la
grille de l'école maternelle de son fils, scolarisé dans l'Ain, car le
poste de l'auxiliaire de vie de son enfant avait été supprimé.
Heureusement pour le gouvernement, faute de statistiques globales, il
est quasiment impossible de chiffre l’étendue des dégâts. Se risquer à
une évaluation comme le fait Le Canard, c’est s’exposer au scepticisme
et à l’accusation de parti pris. Du bel ouvrage en matière de com’
gouvernementale.
Faire des économies sur le dispositif des AVS a pourtant une conséquence
bien réelle : cela revient à fermer les écoles aux enfants handicapés.
Ni plus, ni moins.
Source : Sorj Chalandon, "Ecoles fermées aux handicapés", Le Canard enchaîné n°4700, 24 novembre 2010, page 4
http://www.politique.net/2010120201-scolarisation-des-enfants-handicapes.htm